Suspendues entre monde ancien et modernité, les années 60 offrent un instant unique pour les amateurs de chemins de fer. Avec la cohabitation de matériels de tous âges proposant une diversité inédite et qui ne reviendra plus par la suite. Paul-Henri Bellot et Gérard Chambard nous restituent cette époque bénie dans le XXVIIIe opus de la collection Images de trains.
Sur le vif séduit. Ce livre réunit ce qui d’ordinaire demeure séparé. Technique et poésie. On le pressent dès la couverture : c’est un livre monde. Il rassemble et réconcilie. Il s’agit de rendre compte du chemin de fer des années 60. De sa diversité et de sa spécificité, uniques dans le déroulement de l’histoire du rail. Non seulement de l’évoquer, mais de le rendre présent dans son intégralité. Avec le recul, il se confirme aujourd’hui qu’à ce moment-là quelque chose de gigantesque se produisit. Sous l’effet du renouvellement technique, le visage du rail se mit à changer, de plus en plus vite, de plus en plus radicalement… Dans tous les domaines, de la traction à la signalisation, des gares aux ouvrages d’art, de la politique commerciale à la gestion : ce changement n’avait rien de superficiel ni d’anodin. Il était structurel, conquérant, définitif… Les contemporains pensaient assister à la reconstruction d’un réseau mis à mal par la guerre… Ils avaient aussi conscience d’être portés par le progrès scientifique et technique avec son lot, bienvenu, d’améliorations. Ils en étaient fiers. Et heureux de la multiplication des scènes ferroviaires qu’ils avaient sous les yeux.
Avec cette cohabitation impensable aujourd’hui des matériels de plusieurs générations successives, de processus et de procédures hétéroclites dans tous les domaines, hérités du temps des Compagnies avec leurs variantes à l’infini… Les amateurs du train ont vécu les années 60 comme si elles allaient de soi. Comme une éternité. Nous savons aujourd’hui qu’elles étaient un bref moment d’équilibre entre ce que nous léguait le passé et ce futur, notre présent d’aujourd’hui, qui se mettait discrètement en place. Ledit progrès se construisait activement derrière la façade d’un monde pacifique, apparemment identique dans ses mentalités, ses comportements, ses références et la continuité d’une vie quotidienne inchangée… L’éparpillement ferroviaire vagabondant jusque-là dans une France encore largement rurale, innervée d’une multitude d’activités industrielles s’ajoutant à l’agriculture, fut progressivement mis à mal par la puissance de l’intégration technique, normative et administrative. Mais cette évolution inéluctable pouvait presque passer inaperçue. Pour un temps. Et aujourd’hui, le temps d’avant a disparu. Chacun des contemporains de cette transformation en fit son miel à sa façon. Beaucoup furent sensibles au chant du cygne de la traction vapeur. Ils ciblèrent les locomotives.
D’autres se centrèrent sur les wagons et les voitures, ou encore les gares et les signaux, les triages et les dépôts… Gérard Chambard et Paul-Henri Bellot rassemblent les morceaux et reconstituent dans leur livre l’atmosphère particulière d’un moment unique, inoubliable pour ceux qui ont la chance de l’avoir vécu… Et inestimable pour les plus jeunes, qui le perçoivent comme une époque mythique. Nous allons donc pouvoir apprécier de belles photos, inédites, faisant revivre cette époque éphémère si attachante dans une suite de tableaux d’un charme certain… Ce qui ne pourra que satisfaire notre penchant nostalgique pour tous ces disparus, déjà oubliés pour beaucoup, qui constituaient la trame du quotidien des trains. Mais ce n’est pas tout : ces images de pellicules ne vous sont pas livrées sans mode d’emploi. Elles sont accompagnées de légendes très riches, qui mettent les différents éléments de chaque cliché en situation avec une minutie étonnante : leur précision et leur clarté redonnent vie à la photo, nous faisant passer en douceur de l’immobilité au mouvement. Le passé s’éveille soudain, s’étire lentement et nous sourit comme un personnage sortant d’une sieste reposante et reprenant avec bonne humeur son labeur quotidien. Ainsi, le lecteur voit renaître, sortant du fond du temps, locomotives et gares, voyageurs et cheminots sur les quais, gardes-barrières et passages à niveau, grues à vapeur dans les dépôts… Dans le réel sublime des légendes et des photos.
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