Direction l’Ouest de la Thaïlande dans cet épisode de la série d’Arte Un billet de train pour. L’occasion de voyager, mais également de remonter le cours de l’histoire.
La série documentaire Un billet de train pour… nous emmène ce samedi en Asie du Sud-Est dans l’ouest de la Thaïlande. Ce voyage nous permet de parcourir la plaine centrale du royaume qui est irriguée par une multitude de cours d’eau et de canaux, les « khlong ». Ici, les lignes de chemin de fer suivent les rivières, les traversent parfois. Dans le golfe de Thaïlande, à Mae Klong, le marché attenant à la gare est devenu une attraction touristique célèbre. Les trains le traversent provoquant l’agitation des marchands qui doivent raboter leurs étals en quelques secondes. Le conducteur du train qui avance ici à 3 km/h fait preuve de pédagogie afin de prévenir les touristes des dangers qu’ils encourent.
Nous rencontrons une vendeuse qui fréquente l’endroit depuis qu’elle a cinq ans, soit depuis quatre décennies. La ligne sillonne ensuite des marais salants, où l’on découvre tous les secrets de la récolte de la fleur de sel. Le train sillonne ce paysage d’eau, de vent et de soleil avant de rejoindre la ville de Ban Laem et de quitter les voies ferrées pour traverser le fleuve Tha Chin en ferry. Puis, nous montons à bord d’un nouveau train qui nous emmène dans la localité de Thonburi formant un quartier résidentiel tranquille de la métropole de Bangkok. Un lieu au plus proche de l’eau, où ce ne sont pas des vaches qui regardent passer les trains, mais d’imposants varans malais. Nous y rencontrons une vendeuse de sucreries thaïlandaises qui a installé son échoppe sous un pont ferroviaire. C’est l’heure de prendre la direction du nord-ouest du pays. Dans ce train, nous accompagnons le contrôleur dans son travail quotidien à travers les trois classes des voitures thaïlandaises. Dans les trains du royaume, une voiture est souvent réservée aux moines, qui profitent du trajet pour méditer. A Nakhom Pathom, nous découvrons l’un des édifices religieux les plus vénérés du royaume, le Wat Phra Pathom Chedi et son imposant stupa.
Vestiges de la ligne maudite
De retour à la gare de Nakhom Pathom, nous assistons à une pratique ferroviaire d’une époque révolue en Europe. Le chef de gare tend à l’équipe de conduite un disque baptisé « tablet ». Ce système inventé par l’ingénieur britannique Edward Tyer permet de recourir à la « tablette » pour garantir qu’il n’y a pas d’autre train sur section de la voie unique. Ici, les circulations reposent encore sur un système de signalisation et de sécurité qui, s’il a fait ses preuves, n’a pas été modernisé depuis la moitié du XXe siècle. L’héritage britannique y est toujours présent, bien que le pays n’ait jamais été colonisé.
D’ailleurs, les trains y circulent à gauche comme dans la loin- taine Angleterre. Un projet de modernisation de la ligne est dans les cartons du gouvernement, mais pour l’instant tout se fait à la main. Ainsi, nous suivons le travail d’un aiguilleur, obligé de prendre son deux-roues pour aller actionner un aiguillage avant le passage du train qui part en direction de la frontière birmane. Bientôt, nous parvenons dans la province de Kanchanaburi, à 130 km à l’ouest de la capitale, où nous visitons le pont de la rivière Kwai, un ouvrage d’art devenu un lieu de mémoire du calvaire des prisonniers de guerre et des travailleurs forcés par les Japonais, pendant la Seconde Guerre mondiale, à construire la ligne de chemin de fer entre le Myanmar (ex-Birmanie) et la Thaïlande.
Ce n’est pas moins de 424 km de ligne qui serpentaient à tra- vers la jungle et la montagne, et sa construction a nécessité le sacrifice de plus de 110 000 personnes. Près de 100 000 civils asiatiques et plus de 13 000 prisonniers de guerre, essentiellement britanniques, américains et australiens y ont perdu la vie à cause de la malnutrition, des maladies, des exécutions sommaires, ainsi qu’en tant que victimes collatérales des bombardements anglo-américains. Un homme est mort tous les 3,67 m de cette voie ferrée, ce qui légitime l’emploi du surnom funèbre de « Chemin de fer de la mort ». Deux ans après la fin des travaux, la ligne a été détruite par les bombardements alliés.
Au mémorial de Hellfire Pass, un site choisi par les survivants australiens pour commémorer le souvenir de ces années de souffrance, nous suivons une équipe de passionnés d’histoire qui recherche des vestiges de la ligne maudite. Aujourd’hui, une partie de la ligne du Chemin de fer de la mort est encore en service. Il s’agit d’un tronçon qui accueille un train touristique fort prisé des visiteurs du royaume, notamment ceux de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et d’Australie pour qui l’épisode du Chemin de fer de la mort ré- sonne encore particulièrement.
De nombreux touristes l’empruntent et visitent les monuments commémoratifs et les cimetières militaires qui rap- pellent cet épisode funeste de la Seconde Guerre mondiale en Asie du Sud-Est.
Samedi 16 novembre à 12 h 45 sur Arte. Un billet de train pour… – L’ouest de la Thaïlande de Kirsten Ruppel. SWR/ARTE, Südwestrundfunk. Allemagne. (2024)