Les voyageurs se voyaient remettre gratuitement cet opuscule, vendu au prix de 25 centimes dans les gares. Si le stylo à bille restait donc à inventer, une foultitude d’objets peuplait déjà les premières voitures placées sous la surveillance de leur « conducteur », seul maître à bord dans son bel uniforme d’allure militaire. Outre les horaires des lignes en exploitation dans toute l’Europe, le guide reproduisait un extrait du règlement applicable dans les wagons-lits en 1876. On y apprend, dans la règle 13, que « les conducteurs sont tenus d’avoir à la disposition des voyageurs de leur voiture des rafraîchissements de toute première qualité ». Mais gare aux mélanges d’alcools qui pourraient altérer le sens de l’équilibre chez certains buveurs invétérés ! La règle 11 stipule que « tout objet brisé ou endommagé par un voyageur devra être payé au conducteur, au taux du tarif fixé par la direction ; le conducteur est porteur de ce tarif ».
Inutile toutefois de s’adresser à lui pour connaître le prix de ce que vous venez de casser, puisque ledit tarif est justement annexé au guide précité. Une soixantaine d’articles différents y sont répertoriés, dans un étonnant inventaire à la Prévert ! Vous avez maladroitement cassé un verre à bière ? Il ne vous en coûtera que 2,25 francs. Si vous avez réussi à abîmer le crachoir ou l’urinoir, l’amende à payer grimpe déjà à 15 ou 32,50 francs. Surtout, évitez de rayer sur une longueur de plus d’un mètre la peinture du plafond et ne malmenez pas davantage la « grande lampe de coupé » : ce sont les éléments de décoration les plus chers de la voiture, à respectivement 175 et 200 francs ! Enfin, si l’addition à payer pour votre maladresse vous paraît un tantinet salée, n’allez surtout pas passer vos nerfs auprès de l’homme à l’uniforme militaire. Le tarif prévoit que si d’aventure vous brisiez la « chaise du conducteur », vous devrez lui donner 45 francs supplémentaires.