Loin du tumulte de la ville, des longs embouteillages, des voitures et des vans dont les pots d’échappement troués crachent une épaisse fumée noire, des klaxons stridents et agressifs, l’ancienne gare de Tripoli représente un havre de paix. La nature y a repris ses droits. Bien qu’anarchique, épaisse et parfois piquante, elle apaise le visiteur. Dans son enceinte, des deux-roues sont stationnés près de colosses de béton et de machines de fer, rouillées, laissées à l’abandon. La porte de la cheminée d’une locomotive massive est ouverte. Deux jeunes hommes y sont installés et discutent. « Pour les gens, c’est comme un parc public… Loin de la ville et de tous ces inconvénients », décrit enjoué Carlos Naffah, président de Train-Train et ardent défenseur du patrimoine ferroviaire libanais. Quelques rayons de soleil viennent gratifier ce qu’il reste de l’ancienne gare de Tripoli. Ici, le temps semble s’être figé.
Sur l’un des multiples bâtiments, un imposant dessin de l’Orient-Express apparaît en noir. Le temps ne l’a pas encore vaincu. Comme un symbole de résistance. « Mon père prenait le train pour se rendre en Allemagne dans les années 1950, se rappelle Samer Annous, sociologue et chercheur à l’Institut tripolitain pour les études publiques. Je suis né en 1972 donc je n’ai pas vu fonctionner le train, mais j’ai comme grandi avec et il y a toujours ce rêve de le revoir en marche. » Tripoli a été un important port de commerce, et l’est encore après Beyrouth aujourd’hui. Logiquement, la gare y a été juxtaposée. Elle a été un centre névralgique qui permettait la liaison du sud du Liban au nord et jusqu’à la Syrie voisine. Elle a fait partie de l’aventure ferroviaire libanaise commencée le 4 août 1895. En cette fin du XIXe siècle,