Description
Octobre2009
Historail
Editorial
Lorsqu’il m’a été proposé de remplacer Bruno Carrière – appelé à exercer d’autres
responsabilités en d’autres lieux – aux commandes d’
Historail,
j’ai accepté sans
hésitation. Travaillant depuis 1996 à la rédaction de
Rail Passion
Historail
est par bien des aspects le « petit frère » (le très large recoupement des lectorats
en témoigne), je n’avais pas, loin s’en faut, l’impression de m’aventurer en terre
absolument étrangère.
Tout en acceptant, je précisais néanmoins qu’à la différence de mon prédécesseur
je n’étais pas un spécialiste de l’histoire ferroviaire et que je souhaitais,
par conséquent, m’entourer de solides compétences en la matière. Parmi ceux
qui m’ont fait l’amitié de répondre à mon invitation de rejoindre la nouvelle
équipe figurent, bien évidemment, un certain nombre de collaborateurs ou
d’anciens collaborateurs de
Rail Passion
, bien connus des ferroviphiles, mais aussi,
et c’est tout naturel, des « signatures » déjà familières aux lecteurs d’
Historail
qui seront en quelque sorte les garants d’une certaine continuité de la démarche
rédactionnelle de ce magazine.
La continuité, cependant, n’exclut pas l’évolution, notamment dans la forme.
C’est pourquoi nous avons souhaité accorder une plus grande place à l’image
dans la revue en sollicitant, bien sûr, le très riche fonds iconographique
des Éditions La Vie du Rail, mais aussi en faisant appel aux archives personnelles
détenues par les nombreux collaborateurs de nos différentes publications.
Les lecteurs pourront juger sur pièces dès ce numéro avec le dossier sur l’histoire
du logo SNCF réalisé par Dominique Paris. Un article abondamment illustré
qui devrait combler les amateurs…
Olivier Bertrand
I
Le changement dans la continuité
I
4-
Historail
Octobre 2009
Matériel
– Les 230 P 8 prussiennes, des machines européennes
p.6
Une machine, une histoire
– La 230 D 116
p.22
Dépôt
– L’ancien dépôt vapeur de Tourcoing-Annexe
p.24
Gare
– Petite histoire des quatre gares maritimes de Calais
p.38
Métro
– Fulgence Bienvenüe, le métro et la desserte
p.50
des gares parisiennes
Dossier
La saga du logo SNCF
p.58
Curiosité
– Sécurité du personnel:
p.100
quand une image chasse l’autre
Bonnes feuilles
– « Les Grandes Heures de Paris-Nord »,
p.104
de Didier Leroy et Paul-Henri Bellot
Livres
p.112
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Vincent Lalu
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
François Cormier
DIRECTRICE ADMINISTRATIVE
ET FINANCIÈRE
Michèle Marcaillou
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Olivier Bertrand
CONSEIL ÉDITORIAL
Bernard Collardey,
Dominique Paris, Georges Ribeill
DIRECTION ARTISTIQUE
ET MISE EN PAGES
Amarena
ONT COLLABORÉ
Bruno Carrière, Étienne Delahaye,
Sylvain Lucas,
Alexandre Ossadzow
PUBLICITÉ
Kiraouane Belhadri
VENTE AU NUMÉRO
Françoise Bézannier
DIRECTRICE DE LA DIFFUSION
Victoria Irizar
ATTACHÉE DE PRESSE
Nathalie Leclerc (Cassiopée)
INFORMATIQUE & PRODUCTION
Robin Loison
Informatique: Ali Dahmani
Prépresse: Vincent Fournier,
Kouadio Kouassi, Simon Raby.
IMPRESSION
Aubin imprimeur, Ligugé (86)
Imprimé en France
Historail
est une publication
des Éditions La Vie du Rail,
Société anonyme au capital
de 2 043 200 euros.
PRÉSIDENT DU CONSEIL
D’ADMINISTRATION
Vincent Lalu
PRÉSIDENT D’HONNEUR
Pierre Lubek
PRINCIPAUX ACTIONNAIRES
SNCF,
Le Monde, Ouest-France
France Rail, VLA.
Durée de la société: 99 ans
RCS Paris B334 130 127
Numéro de commission paritaire:
Siège: 11, rue de Milan
75440 Paris Cedex 09
Tél.: 01 49 70 12 00
Fax: 01 48 74 37 98
Le titre
Historail
a été retenu
avec l’autorisation du musée
du chemin de fer HistoRail
de Saint-Léonard-de-Noblat
Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
(N° 11)
octobre
2009
9,90
e
trimestriel
70 ans
de logo SNCF
Sommaire
Octobre 2009
Historail
Page de gauche: la gare d’Avignon-Centre avec quatre logos SNCF différents; en haut à gauche, en 1963,
un rare cas d’application du monogramme 1938 sur un bâtiment de gare (Robert Long/Photorail);
en haut à droite, le sigle 1965 avec liseré, en 1981 (Éric Rovira); en bas à gauche, le même sigle sans liseré
au milieu des années 1980 (Bernard Collardey/Photorail); en bas à droite, le logo 2005 sur la gare dans son
état actuel (Christophe Berthoud/SNCF-Com EEV-OP).
Matériel
[ les 230 P 8 prussiennes,
Une construction répartie
entre de nombreuses
usines
Sous le II
Reich, le réseau de
Prusse-Hesse – désigné KPEV (Köni-
glich Preussische Eisenbahn-Ver-
waltung) – est le plus étendu, avec
38 031 km, et le plus vaste d’Eu-
rope. C’est l’ingénieur Robert
Garbe, aux vues futuristes, qui
supervise l’élaboration des plans de
la P8. Ses roues motrices ont
1,75m de diamètre, avec châssis
en tôles plates à longerons de
25mm d’épaisseur. La chaudière,
timbrée à 12 hPz, est formée de
deux viroles, la première étant assu-
jettie à la boîte à fumée par cer-
clage. La surface de chauffe de la
boîte à feu s’élève à 2,6 m
, la sur-
face de vaporisation à 150,6 m
, et
celle de surchauffe à 48,8 m
L’appareil moteur comporte deux
cylindres de 590 mm de diamètre
pour une course de piston de
630mm. L’abri est à l’origine du
type coupe-vent, à l’instar des
machines du PLM. La masse à vide
de la P 8 est de 70,7 t (78,2 t en
charge). Le tender, attelé et monté
sur deux bogies, a une capacité en
eau de 21 m
et de 7 t de combus-
tible.
La construction de la série démarre
dans les usines de la BMAG (Berli-
ner Maschinenbau-Actien-Gesells-
chaft) à Berlin en 1906. Les deux
premières unités, numérotées 2401
et 2402 Cöln, sont livrées en juillet
et essayées sur le parcours de
plaine de Berlin Grunewald à Güs-
ten et Sandersleben, avec des
rames de 10, 12 et 14 voitures, soit
330, 400 et 470 t. La vitesse de
70km/h peut être atteinte avec
400 t en rampe de 10 ‰, mais on
constate très vite l’instabilité de la
machine à 110 km/h en raison du
défaut d’équilibrage des masses en
mouvement. Aussi la vitesse en ser-
vice courant est-elle limitée à
100km/h. Après des séjours aux
dépôts de Königsberg et de Schnei-
8-
Historail
Octobre 2009
Photorail
Löttgers/Photorail
Fénino/Photorail
Octobre 2009
Historail
machines, 55 d’entre elles sont
prises en compte directement par la
Roumanie en 1921, sous les numé-
ros 230.001-015, 054-093. L’épu-
ration de l’eau d’alimentation justi-
fie alors l’adjonction d’un système
approprié. En outre, des adapta-
tions particulières ne vont pas don-
ner satisfaction à l’usage ; celles-ci
touchent quelques machines iso-
lées, comme :
les 38.2687 et 38.4010, qui reçoi-
vent une distribution à soupapes
du type Lentz à la place de la dis-
tribution Heusinger ;
la 38.2698, qui reçoit une distri-
bution du type Caprotti.
En 1923, le nombre des machines
P8 construites atteint le chiffre
déjà faramineux de 3 561 engins.
l’origine, 3 438 unités furent livrées
aux 22 directions (KED, Königliche
Eisenbahn Direktion) de la KPEV
siégeant à Altona, Berlin, Breslau,
Bromberg, Cassel, Cologne,
Dantzig, Elberfeld (Wuppertal),
Erfurt, Essen, Francfort-sur-le-Main,
Halle, Hanovre, Katowice Cologne,
Kö-nigsberg, Magdebourg, Mayen-
ce, Münster, Posen, Sarrebruck et
Stettin.
Les 123 autres seront distribuées
aux compagnies du grand-duché
de Bade, qui est à la tête de
2395km de lignes (40), d’Olden-
burg (5), du Mecklembourg (13), et
aux directions des chemins de fer
militaires de Bruxelles (20) et de
Varsovie (45).
Lors de la création de la DRG, en
1925, les 2 933 P 8 restantes sont
progressivement immatriculées
dans la catégorie 38.10, de
38.1001 à 3832 et de 3951 à
4051. Elles essaiment alors sur tout
le réseau unifié allant des côtes de
la mer du Nord et de la Baltique à
la Bavière, à la Saxe et à la Silésie, à
partir d’une ribambelle impression-
nante de dépôts.
La Roumanie, la Pologne
et la Lituanie commandent
d’autres P 8
Satisfaits de la série, dont ils exploi-
tent déjà 18 exemplaires depuis
1919, plus 18 autres cédés par la
DRG en 1926 (230.094-111), les
Chemins de fer roumains font l’ac-
quisition directement :
de 75 machines en 1921 (montées
dans les usines allemandes), sous
n° 230.001-035 et 230.054-093 ;
de 20 machines supplémentaires
en 1930 (elles sortent des usines
BMAG et Henschel), avec les
numéros 230.112-131 ;
des machines européennes]
Ok 1 (ex-P 8
prussienne) en
tête d’un convoi
à Cracovie
(1960).
La première
voiture, de type
« brochet »
(série construite
en 1936-1938),
est comparable
aux voitures
de 1
re
classe
de La Bastille.
Ci-contre :
l’Ok 1.359 et un
train de
voyageurs près
de Sierakow,
en Pologne
(décembre 1980).
Photorail
Photorail
Matériel
[ les 230 P 8 prussiennes,
les 38.1132, 1135, 1223, 1347,
3764, 3837, 3896, 3897 (les
2497 et 3046 seront restituées à
la DB en 1948) ;
des ÖBB (Autriche) pour les
38.1677, 1809, 3264, renuméro-
tées 638.1677, 1809, 3264.
Quant à la 38.2052, elle sera res-
tituée à la DB en 1952. En outre,
ce réseau a récupéré les 38.1391,
1434, 1818, 3495, 3525, qui
seront vendues au réseau russe en
Le retour des machines
confisquées a lieu
au compte-gouttes
En fonction des lieux où sont
retrouvées les machines que l’Alle-
magne s’était appropriées, leur ren-
voi sur les réseaux propriétaires va
demander de longs mois, d’autant
que certaines sont dans un état
pitoyable. Il est difficile de reconsti-
tuer les conditions de renvoi vers
les réseaux polonais, roumain et
lituanien.
En revanche, nous sommes en
mesure de détailler celles des
machines françaises et belges. Pour
les premières, dans le groupe des
230 F 311-335 ex-Est, sur les 10
engins ayant franchi le Rhin en
1940, trois ne reviendront jamais,
car détruites pendant le conflit, cas
des 230 F 312, 318 et 335, radiées
pour ordre en 1953. Les autres
reviennent courant 1945 et début
1946 (la 330 ne rentrera même
qu’en 1951), et elles sont réaffec-
tées à Thionville, à Metz-Frescaty et
à Île-Napoléon. Pour le lot des 230
F 352-374, sur les 14 unités vic-
times forcées du contrat de loca-
tion de la DRG, la moitié ne revient
pas d’Allemagne. Les 361 et 364,
qui sont à l’état d’épave, sont
considérées comme perdues.
À l’inverse, les 352, 353, 357 et
360 ne sont pas rendues par l’Alle-
magne, qui les intègrent au parc
des 38 (sous les numéros 2352 puis
2600, 3435 puis 3469, 2357, 2360
puis 2391). Quant à la 230 F 355,
elle est agglomérée au parc des Ok
1 des PKP. Les 230 F 359, 365, 368,
372, 373 et 374 retrouvent les
dépôts de Haguenau, Colmar, et
provisoirement ceux de Pagny-sur-
Moselle et de Revigny, en attente
de réparations. La 230 F 356 sera
utilisée par les CFL jusqu’en 1956
avec numéro provisoire 39-01.
Dans un souci de regroupement et
d’unification, la SNCF juge bon
d’affecter à la région Est les 230 P
8 ex-État et PO-Midi qui avaient
séjourné outre-Rhin. En consé-
quence, elles sont de nouveau
identifiées ainsi : 1.230 F 343 pour
l’ex-230 E 943 ; 1.230 F 401-420
pour les ex-230 H 701-720 (sauf les
708 et 714, non retrouvées).
Le mauvais état de plusieurs
machines milite en faveur de leur
radiation rapide, cas en 1946 des
230 F 331 d’Île-Napoléon, 334 de
Thionville, 363 de Haguenau, 366
et 367 de Colmar, 369 de Luxem-
bourg , en 1949 de la 374 de
Thionville, et en 1950 de la 372 de
Haguenau. De leur côté, 13 ma-
chines de la série Nord 230 C qui, à
leur retour d’Allemagne en 1945-
1946, avaient réintégré les dépôts
de Beauvais, du Tréport, de Bou-
logne et de Busigny, sont basculées
sur la région Est en 1950. Il s’agit
des 2.230 C 10, 13, 17, 21, 25, 30,
36, 47, 49, 59, 60, 62, 72 (de nou-
veau immatriculées 1.230 F 210,
etc.). Outre les dépôts précités, le
parc des P 8 de toutes origines (230
F 200, 300, 400, 600), gérées par la
région de l’Est, fréquente égale-
ment dans les années 1950 ceux de
Hargarten, Sarreguemines, Sarre-
bourg, Hausbergen, Strasbourg,
Sélestat. Les machines sont atte-
lées à divers types de tenders,
comme les 20 B d’origine, mais
aussi des 21 D, 16 C provenant de
040 D, voire des 31 X du type bai-
gnoire provenant du type 52 pour
la 230 F 694.
Dès lors, les P 8 fréquentent avec
des trains omnibus l’ensemble de la
transversale Luxembourg – Bâle, les
lignes Rémilly – Forbach, Thionville –
Apach, Thionville – Béning – Sarre-
guemines, Courcelles-sur-Nied –
Téterchen, Bénestroff – Sarregue-
mines, Sarreguemines – Mommen-
heim, Sarreguemines – Haguenau,
Kalhausen – Sarrebourg, Sarre-
bourg – Vallerysthal et Abreschwil-
ler, Saverne – Haguenau, Saverne –
Sélestat, Strasbourg – Wissem-
bourg et Lauterbourg, Strasbourg –
Mulhouse et Bâle, Strasbourg –
Rothau, Sélestat – Sainte-Marie-
aux-Mines et Villé, Colmar – Metze-
ral, Mulhouse – Kruth, Sewen et
Neuenburg. Les dernières jettent le
feu en 1965, cas des 322, 359, 365
et 402 de Sarreguemines.
La région Nord récupère également
ses P 8 restituées par la DR, locali-
sées notamment dans les dépôts de
Limburg, Olpe, Soest, Fulda, War-
burg, Dillenburg, Reutlingen.
Seules les 230 C 4, 5, 18, 31 sont
conservées par les PKP, les 26 et 45
par la DR ; enfin, les 23, 35 et 66
sont considérées comme perdues.
Toutes seront réformées en bloc en
1953. Parmi les 62 autres
les 230 C 1, 3, 38, 40, 46, 65, 69,
16-
Historail
Octobre 2009
Dans un souci de regroupement et d’unification,
la SNCF affecte à la région Est les 230 P 8
ex-État et PO-Midi qui avaient séjourné outre-Rhin
Matériel
[ les 230 P 8 prussiennes,
20-
Historail
Octobre 2009
Ci-dessus :
en tête d’un train
spécial organisé
par Patrimoine
ferroviaire et
tourisme (PFT),
en Belgique,
la 64-169 démarre
de l’ancienne gare
de Moha, terminus
d’une antenne
desservie depuis
Statte
(29 mars 2008).
Ci-contre :
P 8 ex-CFR,
restaurée en
Roumanie, lors des
journées portes
ouvertes du
Chemin de fer à
vapeur des Trois
Vallées, en
Belgique, en 2008.
Moeneclaey
Photos Lanoue
des machines européennes]
Octobre 2009
Historail
Ci-dessus :
contre-jour
sur le train
Wolsztyn –
Sulechow
franchissant le
canal Odrzankie,
peu après
Kargowa, en avril
1992, un an
avant la
fermeture
de la ligne.
Ci-contre :
tracté par l’Ok
1.359, un train
régulier quitte
Leszno pour
Wolsztyn
(9 mars 2007).
22-
Historail
Octobre 2009
Une machine, une histoire
C
ette locomotive à vapeur, du
type Ten Wheel, fait partie des
149 unités commandées au début
du xx
siècle sous n
3513-3662 par
la Compagnie du Nord pour amé-
liorer la traction des trains express
et directs en attendant la mise au
point du type Pacific. Elle portait
originairement le numéro 3628,
comme son tender de 23m
avec roues motrices de
1,75m, autorisée à 120km/h, elle
a été construite par la firme alle-
mande Henschel à Kassel, et mise
en service au dépôt d’Amiens en
Pendant le premier conflit mondial,
la localité étant à la frontière occi-
dentale de la zone occupée par les
Allemands, elle assure un service
voyageurs limité mais aussi du tra-
fic marchandises et des trains mi-
litaires, notamment en direction
d’Arras, Lille, Tergnier, Com
piègne,
Laon
. Elle aura à souffrir des com-
bats qui se déroulent sur les fronts
de la Somme et de l’Artois.
Au lendemain de l’armistice, elle
est toujours basée à Amiens et va
circuler avec des trains directs et
omnibus de voyageurs en direction
de Boulogne, Le Tréport, Rouen,
Arras, Tergnier, Laon, Compiègne,
Creil et Paris.
À la nationalisation, elle prend la
numérotation 2-230 D 116. Toujours
fidèle à Amiens, elle traversera
l’épreuve de la nouvelle guerre avec
un service voyageurs réduit panaché
avec des trains militaires pour l’occu-
pant, empruntant quelquefois des
itinéraires secondaires coordonnés,
comme d’Amiens à Beauvais par
Conty, d’Amiens à Saint-Pol par
Doullens.
Après 1945, son séjour à Amiens se
poursuit, avec, comme auparavant,
de tranquilles tournées omnibus sur
l’étoile. Lors d’indisponibilités de
machines plus puissantes (231 C, E,
232 R, S, U, 241 P) sur les trains de
la radiale Paris – Lille, il lui arrivera de
prendre en réserve, à Amiens, des
express lourds sur Paris ou Lille, voire
L’électrification du nœud d’Amiens
étant alors proche, sa délocalisation
en direction du dépôt de Longueau
intervient le 4 octobre 1959. Elle y
demeure jusqu’au 16 avril 1961, où
elle rejoint le dépôt du Tréport.
Durant l’été, elle assure les trains bal-
néaires Paris – Le Tréport
Beau-
vais, mais la diésélisation galopante,
avec des 040 DG, la condamne à
émigrer au dépôt de Boulogne le
14décembre 1961. Là, elle termi-
nera sa carrière en assurant de petits
omnibus vers Wimille-Wimereux,
Calais, Desvres et Étaples, avec des
courses en fin de semaine l’été sur
Saint-Pol, Béthune.
Après 52 ans de bons et loyaux ser-
vices, elle est rayée des inventaires de
la région Nord le 21 janvier 1964.
La 230 D 116
Les circonstances aidant, il arrive qu’un engin moteur radié des
effectifs, voire complètement oublié, refasse surface. Le plus
souvent grâce à la ténacité d’une association de bénévoles.
C’est le cas de la 230 D 116, rapatriée en France en mai dernier
par l’Ajecta. L’occasion de retracer son parcours de ses débuts
jusqu’à sa nouvelle vie en passant par son exil anglais.
24-
Historail
Octobre 2009
Le réseau géré par la Compagnie du Nord a accompagné,
à la fin du
XIX
siècle, l’essor économique de la région. Dans
ce Nord riche en dépôts prestigieux, Tourcoing ne tarde pas
à se doter d’une gare annexe et d’un dépôt de locomotives
qui doivent répondre aux besoins d’une cité en plein essor.
L’arrivée de la traction thermique sonnera le glas du dépôt
vapeur. Retour sur un site qui aura connu des changements
importants et des épisodes douloureux.
L’ancien dépôt vapeur
de Tourcoing-Annexe
Dépôt
Journal de Roubaix,
samedi 9 mars 1901
GARE ANNEXE DES MARCHANDISES ET DE LA
DOUANE.
La nouvelle gare à créer sur la droite des voies princi-
pales de la direction de Mouscron, au nord du P. N. du
Tilleul comporte:
Un faisceau de 20 voies de garage de 400 mètres de
longueur. Les six premières voies seraient affectées au
service de la douane et comprendraient entre la 3
voie un quai de visite découvert avec hangar vers
son milieu.
La construction sur la gauche des garages, de 4 cours
pour le service local, dont la première comprendrait
7halles à marchandises, dont 1 éventuelle, et un quai
découvert de part et d’autre; d’une vaste chaussée
pavée. Deux autres cours seraient aménagées pour le
débord direct. Elles seraient séparées l’une de l’autre par
des groupes de 3 voies pour le débord et le dégagement
des wagons.
La cour de débord contiguë à la cour des halles serait
pavée et la voie qui la dessert sur la droite serait munie
d’un abri sur 400 mètres environ de longueur pour per-
mettre le transbordement à couvert des marchandises
craignant l’humidité. Enfin, à l’extrême gauche de la
gare, serait établie une double voie sur estacade de
6mètres de hauteur bordée d’une chaussée pavée, pour
le déchargement du charbon directement dans les tom-
bereaux; toutes ces cours seront facilement accessibles
par une rue à créer sur le terrain de la gare parallèle-
ment à celle du Levant et partant de la porte d’entrée
sur la droite de la cour des halles; à son extrémité vers
Mouscron, on construira une halle pour la douane de
110 mètres de longueur avec quai découvert pouvant
être allongé, si besoin était.
Entre les voies du treuil, la rue du Levant et la tête Sud
des garages se trouvera
[sic]
un quai à bestiaux, un atelier
pour le service des visiteurs, un parc à roues, une grue de
10 T et 2 voies en impasse reliées entre elles par plaques
vers le milieu. D’autres bâtiments s’élèveraient en cet
endroit, notamment un dortoir corps de garde pour les
agents des trains, un bureau d’octroi, un bureau P. V. et
des W-C près de l’entrée de la gare, un bureau pour le
préposé à l’encaissement des charbons, un bureau pour la
douane,etc.,etc. L’éclairage et la manutention dans les
deux gares seront assurés au moyen de l’électricité.
Dans l’ensemble tout cela paraît parfait. Cependant
quelques critiques, dont nous espérons que la
Compagnie tiendra compte, doivent être faites. Elles
nécessiteront peu de modifications au plan général et
sont de première importance pour le commerce et l’in-
dustrie locaux.
La grue de 10 T prévue estcertainement insuffisante
dans une gare où il arrive quelquefois des générateurs
de 15 tonnes et plus.
La salle de visite des bagages à la douane est certaine-
ment insuffisante. Elle ne présente qu’une superficie
de 35 mètres carrés supérieure à celle existante et
offre vers le milieu un étranglement qui ne facilitera
pas l’écoulement des voyageurs. La banquette pour le
dépôt des bagages n’a pas la longueur nécessaire. Elle
n’a qu’un mètre de développement en plus que celle
actuelle. Il faudrait arriver à lui en donner 25 à 30.
Le cabinet du sous-inspecteur des douanes est trop
petit et ne pourra jamais contenir les nombreuses per-
sonnes qui viennent le visiter journellement pour rai-
son de service.
Le bureau de consigne de la douane est aussi très
insuffisant. Il n’a que 3m 10 x 1m 99. À Roubaix, où
cet emplacement était plus grand, on a dû cependant
le doubler, et les voyageurs avec bagages y sont moins
nombreux qu’à Tourcoing.
La halle de la douane à la grande vitesse est de dimen-
sions trop exiguës. Celle dont on dispose maintenant
mesure 60 mètres carrés tandis que celle prévue n’a
que 3m 30 x 6m 65. Cependant les arrivages par
grande vitesse deviennent chaque jour plus impor-
tants. Les exportations de tissus sous réserve de rem-
boursement sur la matière première, les opérations de
reconnaissance et d’estampillage des pièces importées
temporairement en vue de l’apprêt et de la teinture,
les réexportations de ces marchandises après la prépa-
ration s’effectuent dans ce magasin. Donc dans l’inté-
rêt des commerçants et des industriels, il est à souhai-
ter que le Nord agrandisse beaucoup cet emplace-
ment.
À la gare annexe le quai de visite placé entre six voies
n’a que 180 mètres. On ne pourra donc y placer que
30 véhicules, chiffre insuffisant quand on songe qu’il
est arrivé dans la même journée jusque 178. Jugez de
la perte de temps qu’entraîneraient les manœuvres
nécessaires pour le retrait des wagons vérifiés et leur
remplacement par une autre série. Ce quai présente
un autre inconvénient grave. Il n’est couvert que sur
20 mètres, bien petit espace pour garantir toutes les
marchandises qui ne peuvent être exposées sans dom-
mages à la pluie.
Le local destiné à servir de magasin pour le dépôt et
la vérification des marchandises arrivant de l’étranger
est aussi insuffisant. Il faudrait là une surface utilisa-
ble de 2200 mètres au moins, c’est à peine si le pro-
jet en présente 1700
Octobre 2009
Historail
Dépôt
[ l’ancien dépôt vapeur de Tourcoing-Annexe ]
dises a eu lieu dans la nuit de
dimanche à lundi, à minuit précis.
Aussitôt, les trains ont envahi les
voies, donnant enfin l’impression
de la vie intense à cette immense
étendue de terrain si longtemps
déserte. L’estacade aux charbons,
nouvellement peinte en gris, n’a
pas fonctionné, un léger affaisse-
ment s’étant produit dans le ballast
de la rampe d’accès. Tous les
employés du trafic ont pris posses-
sion de leurs bureaux non encore
complètement agencés et où des
ouvriers travaillent encore fébrile-
ment. Les douaniers ont aussitôt
occupé le corps de garde et les
Halles aux marchandises. L’usine
d’électricité a même commencé à
fonctionner.»
L’année suivante, dans la nuit du
3au 4 décembre 1905, la nouvelle
gare des voyageurs est à son tour
mise en service, bien que n’étant
pas complètement achevée. Quel-
ques mois plus tard, le 4 juin 1906,
la venue à Tourcoing d’Armand Fal-
lières, président de la République,
tient lieu d’inauguration officielle
pour le nouveau site. Inspiré des
gares de Roubaix (1888) et d’Arras
(1898), qui répondent à un type
d’architecture élaboré par Sydney
Dunnett
, le bâtiment en impose
par ses dimensions.
«La gare pro-
prement dite se développe sur une
façade de 110mètres 20, écrit le
Journal de Roubaix
du 4décembre
1905. Elle se compose de cinq par-
ties bien distinctes: un corps cen-
tral servant de vestibule, flanqué de
deux ailes basses que terminent des
pavillons à étages.»
À l’origine,
une halle métallique recouvrait les
voies. Épargnée par les guerres,
celle-ci sera démontée et suppri-
mée en 1953
En 1906, le maire, Gustave Dron,
n’a pas manqué d’appeler l’atten-
tion d’Armand Fallières sur les
grands travaux accomplis dans sa
28-
Historail
Octobre 2009
Coll. particulière
Photo X DR/Coll. particulière
Coll. particulière
Dépôt
[ l’ancien dépôt vapeur de Tourcoing-Annexe ]
en Fibrociment
. Au centre des
installations se dresse un mât, qui
supporte une lampe à huile et son
système à corde de va-et-vient.
Semblable mode d’éclairage pou-
vait se voir sur le site de la gare à
marchandises, aux abords de l’an-
cienne gare de Tourcoing, ou en-
core à Fives, dépôt important qui
aligna successivement deux puis
trois rotondes du même type.
Il faut admettre que l’implantation
de tels dépôts en ville engendrait
pour les riverains des nuisances qui
n’étaient pas que sonores! En
témoigne ce courrier relatif à Fives,
adressé par le maire de Lille au
directeur de l’Exploitation du Che-
min de fer du Nord en date du 1
octobre 1926:
«Monsieur le Directeur,
À la date du 7 avril 1926, je vous ai
signalé que les fumées provenant
des locomotives garées au dépôt
dans la rotonde front à la rue
de Bavai, à Lille, incommodent les
occupants des maisons voisines.
Malgré que depuis, votre Compa-
gnie ait fait clôturer les fenêtres de
la rotonde, les voisins se plaignent
toujours d’être incommodés par les
fumées. Celles-ci sont surtout
intenses lors de l’allumage des
machines.
J’ai l’honneur de vous prier, en
conséquence, de vouloir bien exa-
miner s’il ne serait pas possible de
ne plus allumer de machines dans la
rotonde contiguë à la rue de Bavai.
Veuillez agréer
Les archives de la compagnie ne
rapportent malheureusement pas
l’épilogue de cette affaire.
Le renouveau
de l’après-guerre
Occupée quatre années durant, la
ville de Tourcoing aura beaucoup
souffert de la Grande Guerre. Du
fait de sa position stratégique, la
gare est placée dès octobre 1914
sous l’autorité militaire allemande.
Rebaptisée «Tourcoing Güterbf»
la gare aux marchandises devient
une plaque tournante au service de
l’occupant.
En octobre 1918, lors de leur
déroute, les Allemands feront sau-
ter la plupart des ponts situés sur la
commune, neutralisant ainsi le tra-
fic ferroviaire. À la gare des Francs,
le BV est également détruit. Pillée
et vandalisée, la gare principale ne
doit son salut qu’à l’arrivée des
troupes anglaises, qui désamorcent
à temps les charges explosives pla-
cées dans les sous-sols du bâti-
ment
. L’édifice et ses annexes res-
teront sous contrôle des Britan-
niques jusqu’en décembre 1918
En fait, la Première Guerre mon-
diale laisse le réseau exsangue.
«Au moment de l’Armistice, écrit
Le Petit Journal
du 4 juin 1919, la
Compagnie du Nord a dans le seul
département du Nord, plus de
640kilomètres de voies principales
à reconstruire et 280 kilomètres de
voies de garage à remettre en état.
Près de 500 ouvrages (ponts, via-
ducs) ont été détruits
Bilan
auquel viennent s’ajouter la des-
truction d’un nombre considérable
de gares et le démantèlement sys-
tématique par l’occupant des en-
treprises impliquées dans la cons-
truction de matériel ferroviaire
30-
Historail
Octobre 2009
Du fait de sa position stratégique, la gare
de Tourcoing est placée, dès octobre 1914,
sous l’autorité militaire allemande.
Photo X DR/Coll. particulière
Dépôt
[ l’ancien dépôt vapeur de Tourcoing-Annexe ]
Le dépôt à l’heure
allemande
Durant la Seconde Guerre mondiale,
le dépôt du Sapin-Vert devient à nou-
veau un site stratégique, les autori-
tés allemandes mettant à profit le
faisceau de Tourcoing-Marchandises
pour acheminer du matériel vers leurs
positions du littoral de la Manche et
de l’Atlantique
(24)
. Déclaré «zone
interdite» en juin 1940, le Nord-Pas-
de-Calais est alors placé sous l’auto-
rité militaire de Bruxelles, et ses che-
mins de fer rattachés à la direction de
Bruxelles et au Reichsbahn
Mais les plans de l’occupant auront
beaucoup à souffrir de la détermina-
tion de cheminots résistants passés
maîtres dans l’art du sabotage. Leurs
actions revêtent les formes les plus
diverses: rails déboulonnés, coupés,
à des fins de déraillements, wagons
en partance pour l’Allemagne dé-
tournés sur des gares françaises,
couverts destinés à l’ennemi incen-
diés, fûts d’essence dérobés, citernes
attaquées à l’explosif ou vidées sur le
ballast, câbles téléphoniques mili-
taires sectionnés,etc. D’autres en-
core s’ingénient à provoquer des
«boîtes chaudes» (par introduction
de pâte abrasive dans le réservoir
d’huile alimentant les boîtes d’es-
sieux) et des pertes d’embiellage sur
les locomotives.
«Ces avaries se pro-
duisaient en ligne,
raconte Georges
Delepaut,
et amenaient, par consé-
quent, à un blocage en pleine voie.
Cette gêne importante dans le trafic
ferroviaire retardait les transports, y
compris ceux de l’occupant, qui,
manquant de carburant, avait un
grand besoin des chemins de fer. »
Aussi, après avoir déjà salué l’atti-
tude héroïque des cheminots fran-
çais lors des tragiques événements
de mai et juin 1940
(27)
, le journal
clandestin
La Voix du Nord
leur ren-
dait à nouveau un vibrant hommage
en juillet 1943:
«Honneur aux Cheminots
Depuis trois ans les cheminots de
France et en particulier ceux du Nord,
contraints de travailler pour l’ennemi
risquent chaque jour leur vie. Qu’ils
soient, chauffeurs, mécaniciens,
employés des gares, ouvriers dans les
usines de construction et de répara-
tion de locomotives, tous, ils sont
exposés aux coups chaque jour
redoublés de l’aviation alliée qui pour
des raisons bien compréhensibles
doit porter la hache sur les communi-
cations de l’ennemi, mitrailler les
trains de troupe et de munitions,
bombarder les voies ferrées et les
nœuds de communications, les
dépôts de machines et les ateliers de
construction.
Malgré les coups déjà reçus, les nom-
32-
Historail
Octobre 2009
Ci-dessus:
alignement de
machines sur les
fosses de la
partie détruite
de la rotonde,
en mai 1946.
Page suivante:
stèle
commémorative
élevée à l’angle
de la rue du
Mont-à-Leux
et de la rue
Serpentine,
à Wattrelos,
inaugurée le 20
décembre 2003
en présence de
Georges
Delepaut,
unique survivant
de l’opération.
(24)Bernard Collardey, «Lille-Tourcoing, une activité internationale notable», art. cit.
(25)Voir Josy Rajaobelison, «La Résistance aux ateliers de Hellemmes (1940-
1944)», dans
Mémoire cheminote en Nord-Pas-de-Calais. Cheminots et
chemins de fer du Nord (1938-1948),
op. cit.
(26)Georges Delepaut, «Mon histoire de résistant». Tapuscrit, juillet 2001. Sur
le WO, se reporter à l’ouvrage de Danièle Lheureux
La Résistance
«Action-Buckmaster»
(t. I,
Sylvestre-Farmer avec le capitaine «Michel»;
t. II,
Sylvestre-Farmer après le capitaine «Michel»
), Lille, Le Geai bleu
éditions, 2001 et 2002.
(27)
La Voix du Nord
clandestine, n° 8, 1
er
juillet 1941.
Photo X DR/Coll. particulière
breux morts à déplorer et les arresta-
tions, les cheminots conservent un
optimisme inébranlable et restent les
meilleurs soldats des armées de la
résistance.
Toujours sur la brèche, ils ne man-
quent aucune occasion de nuire à
l’ennemi. Nous nous faisons ici l’in-
terprète de tous les patriotes pour
leur adresser l’hommage de la France
Combattante et Résistante qui frémit
d’admiration devant la volonté
tenace et la foi solide de ces hommes
qui malgré les risques et les périls ont
juré d’être les premiers lors des
grands combats de la libération.
Ouvriers de Hellemmes, de Lille-Déli-
vrance, Chauffeurs, Mécaniciens,
Employés, demain la République
Française Rénovée dira de vous: “Ils
ont bien mérité de la Nation. “»
Dans la nuit du 20 au 21 décembre
1943, afin d’éviter un bombarde-
ment aérien coûteux en vies hu-
maines, Paul Cousaert fils, Jean
Debuigne fils et Gabriel Royer,
membres du réseau Sylvestre-Far-
mer (WO), auxquels s’est joint
Georges Delepaut, des FTPF
(Francs-
tireurs et partisans français), tous
cheminots, à l’exception d’Arthur
Malfait, responsable de l’opéra-
tion
, interviennent au sein même
du dépôt, mettant hors d’usage
11locomotives, neuf machines-
outils et deux vérins de levage. Ces
destructions, opérées à l’aide de
char-ges explosives
, paralyseront
le dépôt de Tourcoing, qui ne
retrouvera une activité normale
qu’à la mi-avril 1944.
«Jusque fin
mars 1944,
témoignera Arthur
Malfait,
il fallut établir des trains-
navettes sur Lille-Délivrance, seul
dépôt alors capable d’effectuer
l’entretien des machines. La gêne
dans le trafic ferroviaire et le mou-
vement de transport fut immense,
le dépôt le plus proche à Fives
n’ayant pas de machines assez
puissantes ni de machines-outils
appropriées. »
Selon le rapport
Delahaye
EFFECTIFS DES LOCOMOTIVES À
VAPEUR DU DÉPÔT DE TOURCOING
Au 1
er
juillet 1939: 54 machines
221 A 14 et 15 (Nord).
040 C 3, 6 et 16 (Prusse G 8).
040 D 16, 23, 34, 43, 57, 66, 115,
208, 210, 212 (Prusse G 81).
232 TA 10, 11, 18, 24, 25, 29, 34,
36, 37, 39, 41, 51 (Nord).
(ROD).
141 TA 1, 3 et 27 (ROD cana-
diennes).
050 TB 4, 10 et 23 (Prusse).
Au 1
er
janvier 1945: 34 machines
140 A 3, 12, 18, 19, 25, 31, 39, 48,
156, 180, 234, 242, 258 (Nord).
040 D 57, 66, 72, 119, 121, 159,
169, 313 (Prusse G 81).
232 TA 13, 28 et 56 (Nord).
141 TA 3, 8 et 27 (ROD cana-
diennes).
Au 1
er
janvier 1952: 61 machines
140 A 3, 12, 13, 25, 31, 33, 39, 40,
208, 209, 234, 242, 258 (Nord).
040 D 72, 107, 116, 144, 159, 161,
169, 210, 219, 313, 513 (Prusse G
222 TA 75.
232 TB 4 (ROD).
141 TA 3, 6, 8, 22 et 27 (ROD cana-
diennes).
050 TD 3, 6 et 64 (Nord).
030 TD 1, 5 et 6 (Nord).
Une 62
machine, dont le numéro a
été souligné, figure au nombre des
040 D, il s’agit de la 040 D 98.
Au 1
er
janvier 1960: 15 machines
040 D 23, 72, 98, 21, 144, 159, 161,
169, 208 et 513 (Prusse G 81).
050 TD 36, 41, 37, 64 et 66 (Nord).
Nota:
On observera que n’apparaît
pas dans cet inventaire, qui émane
des archives personnelles du méca-
nicien Charles Opsomer, la 050 TD
50 devant laquelle celui-ci, alors
chauffeur, prend la pose en 1945,
de même que l’ex-Nord 2.237,
future 222 TA 7 à la SNCF, photo-
graphiée à Tourcoing à la fin des
années 30.
(28)
Ibid.
, n°58, 7 juillet 1943.
(29)Chef régional du réseau Sylvestre-Farmer, fondé par le capitaine Michel,
Arthur Malfait (1911-1989) fut nommé en octobre 1948 officier du British
Empire, pour services exceptionnels durant l’Occupation.
(30)Commandées par des «crayons à temps», dont les retardements prévus
étaient de 2 heures pour les locomotives (couleur blanche) et de 30 min
pour les machines (couleur rouge). Le système de retardement de mise
à feu était toutefois sensible à la température du lieu, la temporisation
se trouvant écourtée sous l’influence de la chaleur et retardée sous
l’effet du froid. À Tourcoing, la chaleur dans l’atelier, qui avait été occupé
jusqu’à 22h 00, était telle que la première charge explosa un quart
d’heure après avoir été posée (témoignage de Georges Delepaut, octobre
2008).
(31)Arthur Malfait, «Le coup de main contre le dépôt de Tourcoing effectué
dans la nuit du 20 au 21 décembre 1943 par les W.O.», dans «La Voix du
Capitaine Michel», janvier 1950.
Octobre 2009
Historail
Dépôt
[ l’ancien dépôt vapeur de Tourcoing-Annexe ]
officiel du sabotage rédigé par
Henri Malfait, quatre des neuf loco-
motives immobilisées étaient tou-
jours hors service à la date du
mai 1944
Si cette opération fut un succès,
elle se solda malheureusement par
le décès en service d’un agent du
dépôt, Léon Leire, par l’arrestation
et la déportation de l’un des mem-
bres du commando, Paul Cousaert
fils, et par de terribles représailles
au sein de la communauté chemi-
. Une stèle inaugurée sur les
lieux le 20 décembre 2003, en pré-
sence de Georges Delepaut, unique
survivant de l’opération, rappelle
ce fait d’armes qui, selon Arthur
Malfait, fut
«le plus spectaculaire
et le plus efficace des coups de
main régionaux exécutés par toute
la Résistance de la région du
Nord»
Le 2 mai 1944, une vingtaine
d’avions attaquent en piqué la gare
et le dépôt de Tourcoing. Le pont
tournant de 24m est immobilisé,
son cuvelage ayant été atteint pas
une bombe
Le 10 mai suivant, à la suite d’une
attaque aérienne concentrée sur
le dépôt, l’usine d’adoucissement
des eaux est mise hors service. De
nombreux dégâts sont à déplorer
sur les bâtiments. La couverture de
la rotonde est à moitié soufflée
(tuiles brisées et déplacées sur
1500 m
Le lendemain, lors d’un nouveau
bombardement par l’aviation alliée,
une cinquantaine de bombes de
différents calibres sont déversées
sur les installations ferroviaires, ren-
dant inutilisables toutes les voies du
garage marchandises et du dépôt,
ainsi que quatre voies de la cour PV.
Une soixantaine de wagons char-
gés sont gravement endommagés.
L’un d’eux, en feu, provoque l’ex-
plosion de deux wagons de muni-
tions. Les bâtiments subissent de
très gros dégâts. Mais cette fois, le
bilan humain est très lourd, une
vingtaine de bombes étant tom-
bées sur les habitations voisines
Le 13 mai, le dépôt de Tourcoing
est à nouveau la cible d’un raid
aérien. Confié cette fois au groupe
Lorraine, ce quatrième bombarde-
34-
Historail
Octobre 2009
Un dépôt
ambant neuf
en février 1952,
avec une
rotonde
entièrement
reconstruite
après les dégâts
subis pendant le
second conit
mondial.
SNCF région Nord/Coll. particulière
(32)Le document original a été publié par Danièle Lheureux dans son ouvrage
La Résistance «Action-Buckmaster»,
t. I,
Sylvestre-Farmer avec le
capitaine «Michel»,
op. cit.
(33)Visiteur de machines au dépôt de Tourcoing, Léon Leire avait été requis
par l’occupant pour inspecter la rotonde. Grièvement blessé à la jambe
lors d’une explosion, celui-ci devait décéder quelques heures plus tard.
Paul Cousaert mourra en Allemagne, lors d’une tentative d’évasion, le 22
janvier 1945. Sur la façade de la gare de Tourcoing, deux plaques
commémoratives rendent hommage aux cheminots du dépôt de
Tourcoing et aux agents de la SNCF tués par faits de guerre. Une troisième
plaque évoque la mémoire du tragique «train de Loos».
(34)«Le coup de main contre le dépôt de Tourcoing effectué dans la nuit du
20 au 21 décembre 1943 par les W.O.» dans «La Voix du Capitaine
Michel». Témoignage déjà cité.
(35)Rapport de M. Dumes, chef de district principal, du 4 mai 1944, musée de
Wattrelos, dossier SNCF.
(36)Rapport de M. Behal, chef de gare principal, du 10 mai 1944, et constat du
11 mai 1944, musée de Wattrelos, dossier SNCF.
(37) Rapport de M. Behal, chef de gare principal, du 16 mai 1944, musée de
Wattrelos, dossier SNCF. On dénombrera à la suite de cette action plus de
70 victimes et de nombreux blessés.
Octobre 2009
Historail
ment fera peu de victimes
contrairement aux opérations précé-
dentes
(39)
, mais il causera d’impor-
tants dommages. Dans son rapport
daté du 16 mai, M. Behal, chef de
gare principal à Tourcoing, dresse
l’état des lieux suivant:
«[…]
Pas de victimes parmi le per-
sonnel qui a pu s’éloigner à temps.
Très gros dégâts dans le dépôt:
toutes les voies et la plupart des
bâtiments inutilisables, la rotonde
est effondrée, 23 machines qui se
trouvaient dans le dépôt ont subi
de graves avaries, ainsi que 3 ten-
ders et 18 wagons. Les voies princi-
pales sont coupées en 7 places
entre cabine 4 et cabine 6, bifurca-
tion du Sapin-Vert, cabine 5 com-
prise.
Tout le faisceau des voies du triage
marchandises est parsemé d’enton-
noirs; les appareils de tête de fais-
ceau cabine 4 subsistent pour la
plupart.
Les cabines 4 et 6 n’ont pas trop
souffert.
Le bâtiment de cabine 5 est détruit,
le bâti ne serait que légèrement
avarié.
Les signaux de V. P. sont gravement
avariés.
Toutes les installations électriques
détruites dans la zone bombardée.
Les bureaux P. V., les halles 1 à 6 sont
détruits et incendiés, ainsi que leur
contenu.
Une partie du matériel d’embarque-
ment qui se trouvait sous halle 4 est
récupérable.
L’ancienne usine électrique est effon-
drée en partie, l’abri qui se trouvait
dans le sous-sol est éboulé, il ne s’y
trouvait personne.
La halle de Douane n’a pas subi de
nouveaux dégâts, il y reste quelques
marchandises que nous faisons
enlever.
De gros incendies se sont déclarés
immédiatement à plusieurs endroits
du faisceau marchandises, et, à par-
tir de 14 h. 35 de très fortes explo-
sions se sont produites à intervalles
rapprochés jusqu’à 18 h. 00; ces
explosions se sont continuées par
intermittence jusqu’au 14 dans la
soirée.
Nous n’avons pu faire un inventaire
détaillé des wagons brûlés ou ava-
riés, les autorités allemandes ayant
interdit jusqu’à présent à nos agents
de pénétrer dans le garage où se
trouvent encore des engins non
explosés, il faut en compter environ
Des bombes incendiaires qui se trou-
vaient dans un wagon ont été proje-
tées dans toutes les directions,
occasionnant de nouveaux foyers
d’incendies en gare et en ville, même
jusqu’au centre de Roubaix (une cen-
taine de maisons et 2usines sont
détruites). Une de ces bombes est
tombée dans la salle des P. P. du B. V
mais n’a pas explosé, nous l’avons
fait enlever le 14 au matin
[…].»
(40)
10 ans plus tard, l’aviateur français
qui commandait l’opération devait
raconter dans un ouvrage les péripé-
ties de ce raid à hauts risques
(41)
En dépit de l’énorme main-d’œuvre
réquisitionnée par l’ennemi pour
remettre les lieux en état
(42)
, la gare à
marchandises restera inutilisable de
longs mois, et il faudra attendre les
premiers jours d’octobre 1944 pour
voir un premier convoi formé d’une
trentaine de wagons chargés de
pommes de terre s’y présenter en
provenance des Flandres
. Le mois
Remerciements
Qu’il me soit permis d’exprimer ma gratitude envers toutes les per-
sonnes qui, d’une manière ou d’une autre, m’ont aidé dans mes
recherches, et pour la confiance qu’ils ont bien voulu me témoigner.
Particulièrement:
Madame Yvette Batteau, Messieurs Francis Bohée, Marcel Bouleau,
Jean-Pierre Catteau, Jean-Marc Combes (Cité du train à Mulhouse),
Georges Delepaut, Christian Fonnet
(La Vie du Rail),
Alain Haeuw,
Frédéric Opsomer, Pierre Thomas.
Je n’aurais garde d’oublier les Archives départementales du Nord à Lille,
le Centre des archives du monde du travail à Roubaix, le Centre d’his-
toire locale à Tourcoing, la médiathèque André-Malraux à Tourcoing, le
musée de la Résistance à Bondues, le musée des Arts et Traditions popu-
laires de Wattrelos, les services des archives municipales de Tourcoing et
de Wattrelos, ainsi que le Centre des archives historiques de la SNCF.
Puisse ce modeste travail rendre hommage aux hommes qui ont écrit
cette Histoire, faite de sueur, de larmes et de sang.
E. D.
(38) Un rapport daté du 15 mai fait état de cinq blessés en ville (musée de
Wattrelos, dossier SNCF).
(39)Dans la nuit du 9 au 10 avril, un raid anglo-américain visant la gare de
Lille-Délivrance s’était soldé par un bilan catastrophique: 500 morts,
450blessés, quelque 3660 habitations détruites ou gravement
endommagées dans un périmètre de 32 km
2
. Le bombardement avait duré
35 min (voir l’ouvrage de Mgr L. Détrez et Albert Chatelle
Tragédies en
Flandres. Lille-Roubaix-Tourcoing, 1939-1944,
Lille, Tallandier, 1953).
(40) Musée de Wattrelos, dossier SNCF.
(41)Général Martial Valin et François Sommer,
Les Sans-Culottes de l’air.
Histoire du Groupe Lorraine,
Paris, Robert Laffont, 1954. Nous renvoyons
également le lecteur au journal
Nord-Éclair
des 2 et 3 mars 1954.
(42)Il y aurait eu plus de 1 200 hommes sur le chantier certains jours. Voir le
journal
Nord-Éclair
du 12 octobre 1944.
Dépôt
[ l’ancien dépôt vapeur de Tourcoing-Annexe ]
précédent, l’occupant avait déserté la
ville, après s’être signalé par un der-
nier acte odieux. C’est l’épisode tra-
gique et douloureux du «train de
Loos», parti de Tourcoing vers les
camps de la mort le 1
septembre
Le déclin
Au 1
janvier 1945, le dépôt de Tour-
coing dispose d’une trentaine de
locomotives. Une vingtaine de 140 A
constituent l’ossature du parc. Vien-
nent s’y ajouter quelques 040 D, 050
TD, 141 TA (ROD) et 232 TA
. De
type Consolidation», les 140 A,
machines
compound
à quatre cylin-
dres, sont particulièrement puis-
santes, et c’est vraisemblablement
leur aptitude à arracher les trains les
plus lourds qui leur a valu le sobriquet
de «bœufs».
Entrepris fin 1946, puis ralentis au
cours de l’année 1947 en raison
d’une pénurie de ciment, les travaux
de réhabilitation du site reprennent
au
début de 1948. Il s’agit cette fois
de reconstruire en dur et de substituer
aux vestiges de l’ancienne rotonde,
réparée provisoirement et réduite à
neuf voies, une remise digne de ce
nom.
Pour ce faire, la SNCF s’est adressée à
Bernard Laffaille, ingénieur rémois,
qui,
«depuis la fin des années vingt,
mène des expériences d’avant-garde
dans le domaine des coques minces
de béton armé et en matière de pré-
fabrication d’éléments constructifs
standardisés»
(45)
. Privilégiant le con-
cept de la remise circulaire, Bernard
Lafaille a conçu un nouveau type de
rotonde
«engendrée par la répétition
de modules identiques, solution qui
permet une parfaite adaptation de
l’édifice aux exigences particulières de
chaque région, puisqu’il suffit de pré-
voir la construction du nombre de
modules correspondant aux besoins
locaux de remisage»
(46)
« La solution constructive élaborée par
Laffaille présente en plan la forme
d’un anneau constitué de 48 modules
identiques,
explique Nicolas Nogue,
chaque module abritant une fosse
d’entretien. Un pont tournant, destiné
à aiguiller les locomotives dans les
modules, occupe le centre, non cou-
vert, de l’édifice qui se compose de
trois parties distinctes: les fondations
(et les fosses de réparation), les
poteaux, portant notamment un pont
roulant, et la couverture.
La collecte des fumées se fait à l’aide
d’une hotte placée directement au-
dessus des cheminées des locomo-
tives ainsi que, pour les fumées traî-
nantes ou résiduelles, par des ouver-
tures ménagées à l’intrados des
voûtes de couverture et qui donnent
dans des gaines rayonnantes formant
nervure. Ces fumées débouchent
sur l’extérieur au niveau du sommet
de la façade par l’intermédiaire d’un
déflecteur statique formant corniche
et qui, par sa forme même et celle de
la voûte parabolique, crée à cet
endroit une zone permanente de
dépression, accélérant l’évacuation
des fumées
(47)
L’éclairage naturel de l’édifice est
assuré par de vastes surfaces vitrées.
Sur la paroi extérieure, la surface éclai-
rante représente 75% de la surface
totale de la façade
(48)
Au total, 19 rotondes de ce type, mais
d’importance variable, furent édifiées
en France sur les plans de Bernard Laf-
faille entre 1944 et 1952: Avignon
(36 voies), Béthune (40 voies), Cam-
brai (neuf voies), Chalindrey
(37voies), Creil (36 voies), Hirson
(34voies), Laon (36 voies), Lille-Fives
(40 voies), Longueau (deux rotondes:
22 et 23 voies), Mantes (23 voies),
Metz (29 voies), Noisy-le-Sec
(46voies), Poitiers (12 voies), Sarre-
guemines (31 voies), Somain
(36voies), Tourcoing (21 voies), Valen-
ciennes (30 voies), Villeneuve-Saint-
Georges (32 voies)…, autant de noms
liés à l’histoire et à la géographie fer-
roviaires.
«Mettant en œuvre des
techniques de construction rapides et
économiques, ce spécialiste du béton
armé réalisa de vraies créations archi-
tecturales»,
souligne Nicolas Nogue,
même si, à l’exemple de Tourcoing, la
plupart de ces constructions monu-
mentales ont aujourd’hui disparu
(49)
À Tourcoing, où la rotonde pouvait
accueillir 21 machines
(50)
, la largeur du
secteur d’anneau atteignait 30 m. La
portée du porte-à-faux était de 8 m,
celle du voile torique de 20 m. Les
façades intérieure et extérieure s’éle-
vaient respectivement à 7,50m et
13m
(51)
. Par ailleurs, en raison de cer-
taines contraintes liées à la topogra-
phie, la façade extérieure présentait,
en deux endroits, la particularité de
pans en retrait par rapport à la ligne
circulaire du modèle type
(52)
« La nouvelle rotonde sera entière-
ment en béton,
peut-on lire dans le
journal
Nord-Éclair
du jeudi 12février
1948.
En ce moment, les ouvriers édi-
fient la charpente pour le coffrage
d’une portion de voûte qui doit abri-
ter trois fosses. Les travaux sont déjà
bien avancés. La besogne sera plus
rapide ensuite car l’échafaudage,
monté sur galets, pourra être déplacé
sans démontages importants et le
36-
Historail
Octobre 2009
Ci-dessus de
haut en bas:
en avril 1947, le
pont tournant
de 24m et une
extrémité de
l’ancienne
rotonde
provisoirement
réparée et
réduite à neuf
voies couvertes
après les
bombardements
de 1944;
la nouvelle
rotonde
«Lafaille» en
construction et
le même
bâtiment peu
avant sa
démolition.
SNCF région Nord/Coll. particulière
Photos X DR/Coll. particulière
Gare
[ Petite histoire des quatre gares maritimes
40-
Historail
Octobre 2009
l’autorité militaire, qui, jusqu’au
bout, se sera farouchement opposée
à ce que le chemin de fer pénètre
dans l’intérieur de la place, obligeant
le Nord à multiplier les projets sus-
ceptibles de contourner l’obstacle.
Le dernier, objet d’une lettre au
ministre des Travaux publics en date
du 29 septembre 1847, est le bon.
«Dans le nouveau système, le tracé
contourne la citadelle du côté du
sud et atteint, à l’aide d’une courbe
de 400 à 500 mètres de rayon,
le bassin à flot et le bassin
d’échouage. Des voies particulière-
ment destinées au service des mar-
chandises se ramifient sur les quais.
Les voies principales, après avoir
franchi sur un pont tournant le
canal qui alimente les fossés de la
citadelle, atteignent la station
terminale des voyageurs établie au
pied des remparts qui ferment la
ville du côté du port. Les deux
portes par lesquelles la ville
communique avec le port aboutis-
sent au bâtiment principal de la sta-
tion projetée, qui se trouve égale-
ment à portée du débarcadère où
stationnent les bateaux à vapeur.
«Nous croyons que l’espace des-
tiné à la gare, quoique fort rétréci,
suffira aux besoins du service en
reportant plus loin quelques éta-
blissements accessoires qu’il eût
été sans doute plus commode de
placer à portée de la station, mais
que l’espace trop restreint dont on
peut disposer forcera d’éloigner,
en le réservant exclusivement aux
besoins directs du service des voya-
geurs et des marchandises.
«La communication directe qu’éta-
blit ce projet entre la station des
voyageurs et les arrivages par mer
est une circonstance fort heureuse,
rarement atteinte dans les ports, et
qui réunira les suffrages des per-
sonnes qui s’intéressent à l’avenir
de Calais.»
Pour imposer ce projet, le Nord a
dû déployer toute son énergie, ne
trouvant pas nécessairement un
appui solide auprès des notabilités
locales.
«Quant à l’opinion de la
ville de Calais sur ce point,
devait
écrire la Compagnie au ministre des
Travaux publics,
elle a si souvent
varié qu’il est difficile de reconnaî-
tre ce qu’il y a de sincère dans ces
manifestations opposées et la part
que peuvent y avoir pris les intérêts
privés; quelles que soient à cet
égard les prétentions actuelles des
autorités de Calais, il nous paraît
évident que, vu la concurrence
redoutable de la ville de Boulogne
pour les communications avec
l’Angleterre, Calais doit se féliciter
d’une disposition qui établit une
communication directe entre la vie
maritime et la voie de fer, avantage
dont sa rivale est privée.»
La gare maritime
du Petit Paradis (1849)
La décision finale n’intervient qu’en
décembre 1848, trois mois donc
après l’inauguration officielle de la
ligne jusqu’à Saint-Pierre. Le 2 jan-
vier 1849, le Nord autorise son
ingénieur, Vincent Maniel, à s’occu-
per des plans des bâtiments de la
future gare maritime. Le 18 du
même mois, plusieurs «ateliers»
sont ouverts sur la commune de
La gare maritime
provisoire de Calais,
située sur le quai de
marée. La vue a été
prise du phare
construit en 1848,
en direction
du nord.
Archives CCI Calais
Octobre 2009
Historail
de Calais ]
et d’une lanterne rouge pendant
la nuit, la vitesse étant limitée à
25km/h sur les autres points du
parcours.
Dans le même temps, la gare se
dote, pour le service des «trains de
marée», de quais couverts supplé-
mentaires, établis en lieu et place de
la remise aux voitures, elle-même
déplacée plus avant et complétée
par un atelier et un magasin. Le Nord
sollicite également l’autorisation
d’implanter des voies le long du quai
des paquebots pour permettre le
transbordement direct des marchan-
dises des bateaux aux trains, et vice
versa. Ces voies complètent celles
qui furent établies en 1850 le long
du quai sud du bassin à flot. Tous ces
travaux sont achevés en 1868.
En 1872, d’autres voies sont posées
sur les quais nord du bassin à flot
et du bassin d’échouage en
réponse aux demandes réitérées de
la municipalité et de la chambre de
commerce. Leur construction se
justifie par la progression rapide
des marchandises à destination ou
en provenance du chemin de fer:
11915t en 1860, 83213t en 1870.
À nouveau port, nouvelle
gare maritime (1875)
Cependant, la grande affaire des
années 1860-1870 reste celle de
l’agrandissement du port de Calais,
projet qui prévoit notamment le
creusement, dans le prolongement
du chenal, d’un avant-port destiné
plus spécifiquement au service des
paquebots et d’un nouveau bassin
à flot communiquant avec l’avant-
port par une écluse. Autorisés par
la loi du 14 décembre 1875, ces
travaux intéressent directement la
Compagnie du Nord dans la
mesure où ils remettent entière-
ment en question la desserte ferro-
viaire du port.
Un document daté de janvier 1875
rappelle ainsi que les paquebots qui
circulent à heures fixes entre Calais
et Douvres continuent d’accoster
tantôt à proximité de la gare, tantôt
au quai de marée, un embranche-
ment autorisant la circulation entre
ces deux points des trains en cor-
respondance. Mais, poursuit ce
même document, le creusement du
nouveau bassin à flot et de son
avant-port conduira à interrompre
cette communication, obligeant
d’abandonner la gare actuelle,
d’ailleurs insuffisante pour les
besoins croissants du service. Aussi,
afin de maintenir les commodités
offertes aux voyageurs, la desserte
ferroviaire du port est-elle entiè-
rement repensée. Le document
préconise la construction de deux
nouvelles gares: la première au
sud, commune à Calais et à Saint-
Pierre (gare centrale), la seconde à
hauteur du nouvel avant-port côté
du Courgain (gare maritime), la
relation entre les deux bâtiments
étant assurée par un nouveau rac-
cordement à deux voies contour-
nant la ville par l’est, à l’opposé
donc des voies conduisant à la gare
primitive.
Ci-contre de haut
en bas :
la gare monumentale
de 1889, qui fut
construite d’après
les plans de
l’architecte Sidney
Dunnett. Elle sera
entièrement
détruite par les
bombardements de
la Seconde Guerre
mondiale ;
la gare provisoire de
1882. Son ouverture
sonnera le glas
de la gare maritime
d’origine.
Photorail
Photorail
Gare
[ Petite histoire des quatre gares maritimes
44-
Historail
Octobre 2009
Les travaux sont en cours lorsque
le déclassement des fortifications
des fronts nord, est et sud de la ville
et le parti d’établir une nouvelle
enceinte englobant Calais et Saint-
Pierre (loi du 21 avril 1879) condui-
sent à revoir le plan d’aménage-
ment. En 1881, la décision est alors
prise d’élever la nouvelle gare mari-
time non plus côté du Courgain,
mais sur le quai d’en face, afin
d’éviter que la circulation au débou-
ché des rues du quartier en ques-
tion soit entravée par les mouve-
ments des trains.
La gare provisoire du quai
de marée (1882)
Pour l’heure, le Nord a une préoccu-
pation autrement plus urgente:
maintenir en place jusqu’à la fin des
travaux l’embranchement condui-
sant du bassin du Petit Paradis à la
jetée est du chenal. En effet, peu
après avoir contourné le Courgain,
ce dernier est amené à couper en
diagonale le futur nouvel avant-
port. Le début des fouilles, en 1880,
exige une solution rapide. Ce sera la
construction d’une estacade provi-
soire utilisant autant que possible
l’ancien tracé, travaux exécutés en
moins d’une semaine et en période
de vive-eau afin de permettre aux
paquebots de venir accoster le long
de la gare du Petit Paradis.
La même année, il est question
d’allonger l’ancien bassin à flot,
projet qui aurait pour avantage,
notamment, de dégager le quai de
marée
«aujourd’hui constamment
encombré par les grands navires
qui ne peuvent trouver place au
bassin à flot et qui rendent si diffi-
cile et si incommode le service des
dépêches et des voyageurs»
La chambre de commerce recom-
mande par ailleurs l’établissement
d’une gare maritime provisoire au
quai de marée, ce qui aurait pour
résultat d’abréger le trajet de Paris
à Londres de 15 à 20 minutes au
moins:
«Cette gare contiendrait
un buffet, un bureau de douane,
de police,etc. Pendant le débar-
quement ou l’embarquement des
bagages, opérations toujours assez
longues, la douane pourrait procéder
à ses vérifications et les voyageurs
prendre un repos indispensable
dans un trajet de neuf heures.
Actuellement, deux arrêts assez
longs et de toute nécessité ont lieu
au quai de marée et à la gare de
Calais. Avec l’établissement de la
nouvelle gare maritime, on n’aurait
plus qu’un stationnement de 20
à 30 minutes environ au quai de
marée, et un arrêt de 5 minutes à
la gare, arrêt suffisant pour pren-
dre les voyageurs de Calais. On
pourrait, en outre, établir sur le
terre-plein qui touche au quai de
marée un nombre de voies suffi-
sant pour former les trains pos-
taux, et dégager ainsi la gare de
Calais, toujours encombrée par
suite de son domaine trop res-
treint. On éviterait ainsi les retards
qui se produisent presque journel-
lement à l’entrée de la gare de
Calais, surtout pendant le service
de nuit.»
La chambre de commerce se dit
prête à prendre en charge les frais
de cette construction si on lui
accorde les mêmes avantages qu’à
son homologue de Boulogne, à
savoir la perception de droits sur
tous les colis à l’embarquement et
le débarquement. Sa proposition
est prise en compte par le ministre
des Travaux publics lors de sa visite
à Calais le 17 novembre 1880.
Un projet de gare provisoire est
demandé au Nord, qui rend sa
copie le 31 juillet 1881.
Construite entre avril et août 1882,
la gare maritime provisoire se
compose d’un bâtiment en bois de
plain-pied de 89m de long sur
16,9m de large et comprend toutes
les commodités traditionnellement
exigées par un service international.
Le confort des voyageurs n’est pas
oublié: deux salles d’attente, une
salle des bagages et un buffet avec
salon, cuisine et office sont à leur
disposition. Son ouverture sonne le
glas de la gare maritime d’origine.
Désignée sous le nom de «Calais-
Marée», ne bénéficiant d’aucun
entretien, elle fera pourtant l’objet
de deux projets de rénovation, le
dernier en 1901. Elle s’écroulera
lors d’une tempête en 1902.
La gare définitive (1889)
Le projet de la gare maritime appe-
lée à s’élever le long du nouvel
avant-port est approuvé par déci-
sion ministérielle du 18 août 1887.
Il se compose d’un bâtiment prin-
cipal à deux étages, long de
126,50m et large de 16,80m, com
por-
tant:
au rez-de-chaussée, les installa-
tions des services voyageurs, de
bagages et de douane, des
bureaux, le buffet et ses annexes;
La gare maritime provisoire comprend toutes les
commodités exigées par un service international.
Gare
[ Petite histoire des quatre gares maritimes
46-
Historail
Octobre 2009
à l’entresol, des dépendances du
buffet et les logements réservés
aux surveillants;
aux étages, des chambres d’hôtel
(2)
Deux bâtiments annexes abritent la
lampisterie et les cabinets.
Œuvre de Sidney Dunnett
(3)
, la gare
est mise en service le 21 octobre
(4)
. Elle s’élève sur le terre-
plein du quai nord-est de l’avant-
port. Long de 570m, ce dernier a
la particularité d’être équipé à sa
base de quatre chambres, appelées
«retraites», dans lesquelles sont
établis des appontements à étages
formés de charpentes métalliques
et disposés de manière à permettre
l’embarquement et le débarque-
ment des voyageurs et de leurs
bagages quelle que soit la hauteur
de la marée. Ces quatre groupes
permettant le stationnement et les
opérations simultanées, à toute
heure, de quatre grands paquebots
de 100 à 120m de longueur et de
3,50m de tirant d’eau.
À la fin du siècle, les paquebots mis
en marche par le Nord et par le
South Eastern and Chatham
accomplissent la traversée Calais –
Douvres en moins d’une heure.
Ils sont en correspondance avec
de grands trains nationaux ou inter-
nationaux, dont trois relient chaque
jour, matin, midi et soir, Paris à
Londres (et vice versa) en 7heures.
En 1900, un hangar en bois abri-
tant deux voies est d’ailleurs
construit à proximité de la gare
pour les besoins de la CIWL.
En 1906, un second hangar est édi-
fié à la demande du South Eastern
and Chatham pour abriter les trois
wagons-salons affectés aux dépla-
cements des membres de la famille
royale sur le continent.
Si la nouvelle gare fait la fierté de
Calais (elle passe pour être l’une
des plus fonctionnelles d’Europe),
elle a pour inconvénient d’être
isolée de la ville, ce qui nuit au
trafic des excursionnistes, qui lui
préfèrent Boulogne. Pour remédier
à cet inconvénient, le South Eastern
and Chatham propose en 1898
d’établir un petit ferry qui permet-
trait de rejoindre un appontement
situé au pied du fort Risban afin
d’accéder au casino et à la plage.
Sans succès.
En retrait par rapport au port de
Boulogne (principal lieu de transit
des corps expéditionnaires anglais
Les améliorations
de 1938:
en haut:
la salle de douane;
ci-contre, à gauche:
un vestibule
de 180m de long et
disposant de larges
baies dessert
les locaux mis
à la disposition des
passagers;
ci-contre, à droite:
les portiques
en béton abritant
les quais établis
derrière la gare.
Photos Photorail
Octobre 2009
Historail
de Calais ]
puis américains), le port de Calais
(jugé trop exposé) ne subit pas
moins les aléas de la Grande
Guerre. Le nombre de «civils»
transitant par la gare maritime ne
cesse de s’effondrer (13268 voya-
geurs en 1917 contre 290434
en 1914). D’ailleurs, le site est pro-
gressivement détourné de ses fonc-
tions: réquisitionnée dès le mois
d’août 1914, la gare abrite diffé-
rents services et sert de lieu de
réunion à plusieurs conférences
interalliées, telle celle du 5 juillet
1915, qui aborde la question de
l’entrée en guerre effective de
l’Italie auprès des Alliés. Ces réu-
nions se tiennent généralement
dans la grande salle de l’hôtel
Terminus. Le bombardement de la
gare maritime, le 25 janvier 1918,
incite les autorités militaires à
déserter les lieux.
Des projets d’agrandissement sont
envisagés en 1927 pour mettre les
installations de la gare maritime
en harmonie avec les exigences
du trafic international (quelque
400000 voyageurs par an).
(2) L’hôtel Terminus était réputé
pour sa carte et le confort de
ses chambres, au grand désespoir
du buffet de la gare maritime
de Boulogne, particulièrement
décrié.
(3) Régulièrement sollicité par
le Nord, il est aussi l’auteur,
notamment, des gares de Roubaix
(1888), de Calais-Centre (1889),
de Lille-Flandres (en partie, 1892)
et de Tourcoing (1905).
(4) Les 4 km de l’embranchement
sont livrés à l’exploitation
le 15 janvier 1889, permettant
ainsi de répondre partiellement
aux besoins de l’Exposition
universelle de Paris.
Plan d’ensemble
du port de Calais
en 1930:
a)hangars et
entrepôts de
la chambre
de commerce;
b)ponton pour
les ferry-boats;
c)forme de radoub.
Au centre:
les destructions de
la dernière guerre.
En bas:
les installations
provisoires
reconstruites sur
les ruines de la gare
de 1889.
«Génie civil », 28 mars 1931
Fénino/Photorail
Photorail
Octobre 2009
Historail
de Calais ]
les surfaces de dégagement par rap-
port aux anciennes installations;
d’un plus grand confort mis à la
disposition des voyageurs.
Mis en service par étapes à partir de
1956, officiellement inauguré le
10 septembre 1959, le nouveau
bâtiment se présente avec une sur-
face au sol de 3180m
, au lieu de
4658m
pour l’ancien. Le parti
architectural adopté a consisté à
traiter toute une partie de la façade
du rez-de-chaussée comme un
grand vitrage derrière lequel se
distribuent tous les locaux, de
manière à éviter que les voyageurs
stationnant dans le vestibule et la
salle de douane aient l’impression
d’être enfermés. Par ailleurs, pour
ne pas encombrer le rez-de-chaus-
sée, le restaurant a été reporté à
l’étage, de façon à ce que les clients
bénéficient de plus d’air et de
lumière et d’une vue dégagée sur
l’avant-port. Enfin, le caractère de
gare maritime est souligné par un
ensemble composé du pylône porte-
antenne et du local abritant le poste
radio largement vitré côté mer.
L’inauguration, le 6 mai 1994, du
tunnel sous la Manche sonne le
glas de la gare maritime, qui expé-
die son dernier train le 21 janvier
1995. Un an plus tard, les annexes
sont démolies et le faisceau de
voies est déferré.
Bruno CARRIÈRE
Bibliographie:
Audrey Austin, «Les Gares maritimes
de la Compagnie du chemin de fer
du Nord à Calais et à Boulogne-sur-
Mer (1849-1937)», essai historique
de master 2 (juin 2007), université
du Littoral-Côte d’Opale/Centre de
recherche en histoire atlantique et
littorale (Crhael).
Photorail
Y. Broncard
À
partir de 1863, année qui voit
la mise en service de la première
ligne du métropolitain
railway
Londres, sept autres capitales ou
grandes métropoles vont se doter,
jusqu´en 1898, de lignes ferro-
viaires de desserte interne, alors
qu´à Paris on attend… que le
conflit qui oppose l´État et les
réseaux à la Ville sur le tracé du
métro soit résolu.
Certes, il paraît logique de relier les
gares par un réseau qui dessert
aussi la ville. Et, à l’instar de ce qui
se pratique ailleurs, la desserte
intra-muros de Paris pourrait être
assurée par les compagnies ferro-
viaires. Leurs lignes, disposées
majoritairement en surface ou en
tranchée, aboutissent à des gares
terminales relativement éloignées
du centre; il paraît donc logique de
relier les premières par un réseau
desservant le second.
Or, en cette dernière partie du
XIX
siècle, l´État, dont le gouverne-
ment est majoritairement provin-
cial, soutient les propositions des
compagnies. Ce que n´entend pas
le conseil municipal de Paris, qui
défend le projet d´un réseau propre
de desserte de ses quartiers et
ignorant les grandes gares.
La position du conseil municipal
peut s´expliquer par des arrière-
pensées d´ordre économique. Car,
si la périphérie devient correctement
reliée au centre de la capitale, où
se trouvent encore la plupart
des emplois, les travailleurs seront
tentés d´habiter la banlieue. Consé-
quence: les maisons et les terrains
de la périphérie vont prendre de
la valeur, pendant que ceux du
centre-ville connaîtront la situation
inverse
Le gouvernement pourrait certes
passer en force avec une loi s´impo-
sant au conseil municipal; il tente
d´ailleurs de le faire en 1887, mais
ne peut obtenir l´accord du Parle-
ment, plutôt à gauche, qui estime
trop belle la part faite aux grands
réseaux.
Pendant que les autres grandes
villes du monde se dotent de lignes
intérieures de desserte ferroviaire,
tous à traction sur vapeur charbon-
nière, certains hauts membres du
corps des Ponts et Chaussées esti-
ment que les lignes ferroviaires des-
servant le centre de Paris, et devant
donc être établies en souterrain,
doivent recevoir des trains mus par
la traction électrique, technique
maîtrisée dès 1888 aux États-Unis
mais pas encore en France.
L´État reconnaît enfin le
caractère d´intérêt local du
futur réseau métropolitain
de la capitale
C´est alors que, après celle de
1878, une nouvelle Exposition
universelle doit avoir lieu dans la
capitale, en 1889. On sait que
celle-ci posera de difficiles pro-
blèmes d´accès. La réalisation des
premières lignes métropolitaines
tomberait à point nommé, mais le
conflit entre l´État et Paris
demeure…
En 1893, un important événement
technique, apparemment passé
inaperçu des hommes politiques
mais suivi de près par d´autres,
intervient: le centralien André Hil-
lairet parvient à faire fonctionner
correctement, à Saint-Étienne, une
ligne électrique à alimentation
continue sur troisième rail. Ses tra-
vaux sont suivis, en 1894, sur le
réseau de la Compagnie de l´Ouest,
par ceux des ingénieurs Clairaut et
Heilmann.
Pour la nouvelle Exposition univer-
selle de 1900 qui approche, le
préalable technique étant levé, il
est temps de mettre fin au conflit
qui oppose les deux parties. Deux
ingénieurs des Ponts, Alfred Picard,
commissaire général de l´Exposi-
tion, et Clément Colson, ministre
du Commerce, s´y emploient. Au
titre d´une transaction proposée en
décembre 1895 par le ministre des
Travaux publics, Edmond Guyot-
Dessaigne, et acceptée par le
conseil municipal, l´État reconnaît
le caractère d´intérêt local du
futur réseau métropolitain de la
capitale, et le conseil municipal
donne son accord pour la réalisa-
tion à l´intérieur de Paris de deux
lignes proposées par des compa-
gnies ferroviaires: la jonction, par
la Compagnie de l´Ouest, de Cour-
celles (au nord-ouest de Paris) au
Champ-de-Mars, avec traversée de
la Seine; et le prolongement par la
Compagnie d´Orléans de sa gare
(1) On peut se demander si ce ne sont
pas des arrière-pensées du même
ordre qui ont conduit Orléans et
Tours à refuser leur desserte par
la Compagnie d´Orléans…
Octobre2009
Historail
Tracé du réseau
métropolitain
de Paris, approuvé
en 1897 par
le conseil
municipal.
On manque
l’occasion de
réaliser une
«ceinture des
gares» dont
l’absence se fait
encore sentir
aujourd’hui.
Page précédente:
la station
de la place
de la Nation
en cours
de construction
(décembre1898).
«Le Génie civil»
Métro
[Fulgence Bienvenüe,
Austerlitz, ce pour quoi, indique-
t-il aux conseillers,
«la Compagnie
d´Orléans accordera toutes les
facilités»
Difficiles combats pour
la desserte par la ligne n° 4
de la station Saint-Michel
et de la gare Montparnasse
En dépit de l´ordre des numéros, la
ligne n° 4, Porte-de-Clignancourt –
Porte-d´Orléans, sera réalisée après
la ligne n° 5. La 4 pose de nombreux
problèmes, techniques, comme la
traversée sous-fluviale de la Seine,
mais aussi politiques. Bienvenüe va
s´en affranchir à sa manière, avec
diplomatie et efficacité. Il recevra les
soutiens du préfet de la Seine, Justin
de Selves, du conseil général des
Ponts et Chaussées et des élus des
XIX
et XX
arrondissements (où il
avait servi comme ingénieur du
service municipal), auxquels se
joindront ceux du XI
Lorsqu´elle a exécuté son prolonge-
ment d´Austerlitz à Orsay, autorisé
au titre de la transaction de 1895,
la Compagnie d´Orléans a eu le bon
goût d´aménager au milieu du par-
cours une station
intermédiaire
place Saint-Michel. Car, conformé-
ment aux souhaits du conseil muni-
cipal, le tracé prévu pour la ligne
n°4 ignore tant la place du Châte-
let que cette station, dont il s´écarte
de près d´un kilomètre à l´ouest,
devant passer, au sud de la Seine,
par la rue de Rennes qu´il est prévu
de prolonger au nord de l´église
Saint-Germain-des-Prés. La situa-
tion n´est guère meilleure plus au
sud: après avoir suivi la rue de
Rennes, le parcours la quitte pour
prendre le boulevard Raspail,
s´écartant ainsi de la gare Mont-
parnasse, dont il est au plus près
distant de plus de 600 m.
Bienvenüe va s´appuyer sur les diffi-
cultés techniques et politiques du
tracé initial, notamment ses
atteintes aux bâtiments de l´Institut
et leurs répercussions financières,
pour le modifier. Lors de deux
séances du conseil, les 13 mars
et 9juillet 1903, les interventions
décisives de deux élus du
XIX
arrondissement, Arthur Rozier
et Armand Grébauval, conduisent
une majorité du conseil à renoncer
au prolongement vers le nord de la
rue de Rennes, et à ramener le
tracé un kilomètre à l´est, le faisant
passer par la place du Châtelet et la
station Saint-Michel.
54-
Historail
Octobre 2009
En juin 1902, le
viaduc de la
ligne «2 nord»
n’attend plus
que la pose des
voies; on
distingue au
fond à droite la
rotonde de
LaVillette
(ancienne
«barrière» de
l’enceinte des
Fermiers
généraux), ainsi
que de
nombreuses
cheminées
d’usine qui
trahissent la
présence d’une
force motrice à
la vapeur.
Métro
[Fulgence Bienvenüe,
successivement les boulevards
Saint-Germain et Raspail, puis la
partie sud de la rue de Rennes,
cela jusqu´à la gare Montparnasse,
ainsi desservie par cette ligne, mais
non par la ligne n° 4 Porte-de-
Clignancourt – Porte-d´Orléans.
Bienvenüe prépare une nouvelle
manœuvre, pour laquelle il va cher-
cher d´autres alliés: en effet, il se
rend compte que les conseillers
des XIX
et XX
arrondissements,
connus de leurs collègues comme
trop proches de lui, sont désormais
brûlés. Quatre conseillers des VI
XIV
et XV
arrondissements, Chau-
tard, Deville, Pannelier et Ranson,
proposent en séance plénière du
3juillet 1905 d´intervertir dans le
arrondissement le tracé de la
ligne n° 4 et celui du Nord-Sud, ce
qui permettra, à égale desserte de
cet arrondissement, d´obtenir celle
de la gare Montparnasse par les
deux compagnies au lieu d´une
seule. L´affaire est mise à l´étude.
Dès le lendemain, Bienvenüe pro-
pose en commission, pour compen-
ser le supplément de dépenses du
Nord-Sud, de prolonger celui-ci au
nord jusqu´à la porte de la Chapelle,
ce qui entraîne immédiatement
l´accord des conseillers du
XVIII
arrondissement, celui de leurs
collègues des XI
, XIX
et XX
étant
acquis. L´interversion des tracés est
approuvée en séance du 13 juillet
du conseil municipal: le tenace
Breton a enfin gagné la bataille de
la desserte de la gare de ses frères
De Bienvenüe au Réseau
express régional
de l´Île-de-France
Aidé de ses précieux collabora-
teurs, au premier rang desquels
son fidèle adjoint Louis Biette,
Bienvenüe va poursuivre son œuvre
– il ne prendra sa retraite qu´en
1932, à l’âge de 80 ans. L´année
précédente, il a fait entreprendre
des études pour un raccordement,
par le carrefour de la Défense, du
réseau métropolitain au Chemin
de fer de Paris-Saint-Lazare à
Saint-Germain-en-Laye, et pour le
prolongement jusqu´à la place
Saint-Michel de la ligne de Sceaux,
préfigurant ainsi les futures lignes A
et B du Réseau express régional de
l´Île-de-France, autrement dit le
«RER».
56-
Historail
Octobre 2009
Dans les
premiers mois
d’exploitation
de la première
ligne du
métropolitain,
à la station
Bastille: une
rame primitive
à caisses en bois
attend que les
employés aient
refermé les
portes pour
repartir
(la fermeture
automatique
n’existe pas
encore).
La partie
sud du réseau
du métropolitain,
tel qu’il avait
été déni par
le conseil
municipal de
Paris en 1905,
avec notamment
une liaison
Bastille – Jardin
des Plantes –
Maubert, qui ne
sera jamais
réalisée.
LL-Viollet
«Le Génie civil»
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
58-
Historail
Octobre 2009
60-
Historail
Octobre 2009
guerres apparaissent les «logo-
types» de conception moderne,
souvent constitués des initiales de
la société, plus ou moins entrela-
cées et souvent enfermées dans un
rond (ou toute autre figure géomé-
trique), le tout plutôt en caractères
sans empattements, selon le goût
en matière de graphisme de
l’époque. Des éléments stylisés,
symbolisant l’activité de l’entreprise,
peuvent éventuellement s’y ajouter.
La SNCF n’y échappera pas.
La toute jeune société nationale, qui
reconduit dans la plupart des cas les
prestataires et fournisseurs des
anciens réseaux, procédera de
même pour la création de son iden-
tité visuelle. Il est ainsi fait appel au
créateur typographe (on ne parle
pas encore de directeur artistique…)
Samuel Théodore William Monod,
alias Maximilien Vox (1), qui s’est
déjà fait remarquer en concevant le
Standard typographique (on parle-
rait aujourd’hui de «charte gra-
phique») de la Compagnie du PLM,
publié en 1936.
Le monogramme qui sera la pre-
mière signature graphique de la
nouvelle société nationale créée le
janvier 1938 apparaît au cours de
l’année. Il est d’abord conçu avec un
lettrage en caractères «bâton»
sans pleins ni déliés. Il figure ainsi sur
les premières locomotives à vapeur
construites par la SNCF, sur le
devant de la porte de la boîte à
fumée, à la convergence de trois
pentures, dans une configuration
héritée de la Compagnie du Nord.
Mais, dès son apparition, on note
déjà les premières dérives: deux
formes différentes du «S» coexis-
tent, avec extrémités droites et hori-
zontales sur le matériel roulant ou
sur les bâtiments, ou incurvées sur la
communication écrite! Sur la fiche
d’instruction NCF 20-9901 du
Bureau de normalisation des che-
mins de fer, datée de mai 1938, il
figure sous la première forme citée.
Constituant une sorte de logo
annexe, le monogramme à «S»
incurvé est en outre décliné sur
deux modèles de médaillons avec
des locomotives à vapeur. Ces
médaillons sont employés sur les
publicités, les affiches,etc.
Le médaillon «Pacific PLM»
Conçu comme un élément de complément au
monogramme, il se présente sous la forme d’une
machine à vapeur stylisée (proche d’une Pacific
PLM) avec le monogramme sur la porte de boîte à
fumée, le tout dans une carte de France. On
retrouve ce médaillon par exemple sur la couverture de
Notre métier
(ancien titre de
La Vie du Rail
) avant la Seconde Guerre mondiale ou
bien dans le cendrier ci-dessous.
(1) Après la guerre, Maximilien Vox
(1894-1974) deviendra célèbre
en créant une classification
(dite «classification Vox-Atypi»)
des caractères d’imprimerie en
fonction de leur structure technique
et artistique, et non plus seulement
en fonction de la forme
des empattements.
En haut de
la page, à droite:
reproduction
approximative du
monogramme sur la
grille du centre
d’apprentissage des
Aubrais (1956).
Perrelle/Photorail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
Le médaillon
«Pacific Nord»
Variante du modèle précé-
dent, ce médaillon appa-
raît, sous des déclinaisons
diverses, surtout sur cer-
taines affiches publici-
taires de la période 1938-
1939 (1, 3 et 4). Signe de
l’absence d’unification, on
voit des affiches arborer
seulement le monogram –
me (2, affiche Nord rela-
bellisée SNCF, et 5, affiche
touristique Alsace).
Octobre2009
Historail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
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Historail
Octobre 2009
Le monogramme 1938 figure aussi sur
les bâtiments, tantôt avec le «S» droit,
tantôt avec le «S» incurvé.
1.
Pont transbordeur de l’établissement
Matériel de Limoges (état actuel).
2.
Remise du dépôt de Thionville
(années 1960).
3.
Ancienne sous-station 750V de Saint-
Cloud (état actuel avec lettrage repeint en
vert au lieu du noir d’origine).
Grille de la gare de Paris-Austerlitz
(état actuel).
SNCF – communication régionale Limoges
Chris/Photorail
D. Paris/Photorail
D. Paris/Photorail
Le monogramme
«modifié 43»
Après avoir été marqué par le goût
des années 1930 pour les formes
strictes, le monogramme s’adoucit
en 1943, avec un dessin de lettres
comportant pleins et déliés. On voit
pour la première fois le mono-
gramme modifié dans le Standard
typographique de la SNCF, de
Samuel Théodore William Monod,
qui a reconduit, en l’adaptant,
le document similaire qu’il avait éla-
boré pour le PLM quelques années
auparavant. La nouvelle typographie
avec pleins et déliés figure sur la
fiche d’instruction U 00-001 du
19 juin 1944 du Bureau de normali-
sation, qui remplace celle de mai
1938. Le monogramme est avant
tout utilisé sur les engins moteurs,
parfois sur les bâtiments industriels
(dépôts et ateliers, notamment).
Sur les en-têtes de lettres, pas de
monogramme: la raison sociale
«Société nationale des chemins de
fer français» est déclinée en toutes
lettres, en caractères «bâton» et
centrée en haut de page. Le mono-
gramme est cependant utilisé sur
certains imprimés internes, comme
le recommande le Standard typo-
graphique: bulletins de traction,
fiches et bordereaux divers, au gré
du bon vouloir des services éditeurs.
La création du nouveau logo «mou-
ture 1943» n’empêche pas l’ancien
de 1938 d’être appliqué sur des
engins sortis après la guerre: les
diesels 030 DA et 040DA portent
le monogramme de 1938, alors
que le prototype 030 DC est, lui,
muni du modèle de 1943.
Le nouveau
monogramme 1943
figure sur le
macaron de la porte
de boîte à fumée de
cette 241P, vue en
février 1954 sur la
ligne Paris – Creil;
sur la travée de
tamponnement,
on en est resté
au modèle 1938.
F. Floquet/Photorail
Lapi/coll. Didier Leroy
Le monogramme 1938 décliné
sur différents objets.
1.
Tampon caoutchouc de
mécanicien, avec encreur dans
la partie inférieure.
Jeton pour obtention d’huile à
l’usage des roulants.
3.
Bouton de porte de «cubilot»
(poêle de fourgon).
4.
Bouton d’uniforme antérieur à
l’apparition du monogramme,
début 1938, bouton que l’on
retrouve sur la veste du
contrôleur sur la photo 5.
Image de 1943: l’homme a
encore sa casquette PLM
et il accompagne une
femme, avec calot SNCF,
en formation en raison
de la pénurie de main-
d’œuvre masculine.
Bouton d’uniforme
de 1938-1939.
Octobre2009
Historail
Octobre2009
Historail
Le monogramme 1943
est celui qui reste gravé
dans toutes les mémoires.
Il s’inscrit à merveille sur
la face frontale des engins
moteurs de l’Entreprise, comme en
témoignent ces images.
1.
La 150P de la Cité du train, exposée au Grand Palais en 2008; elle porte
le monogramme 1943 sur la travée de tamponnement, mais celui de 1938
sur la porte de boîte à fumée.
L’A1A-A1A68001 toute neuve à Longueville en juin 1963.
3.
Monogramme sur macaron en bronze (coll. Daniel Juge).
4.
Machine diesel 060 DB 5 à son dépôt de La Rochelle en juin 1958.
Autorail panoramique en présentation à Paris-Saint-Lazare en1960.
6.
Une RGP verte à Lyon-Perrache dans les années 1950.
La BB 9201 au dépôt de Paris-Charolais en 1957.
La BB 12044 en livrée d’origine bleue en 1957.
La BB 16011 en 1958.
10 et 11.
La diesel 040 DG 1 à Dax en septembre 1959, et la plaque de la 77
(coll. Daniel Juge).
La BB15020, au dépôt de La Villette, en avril 1977.
Broncard/Photorail
Billy/Photorail
Fénino/Photorail
Roca/Photorail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
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Historail
Octobre 2009
1 et 2
Le monogramme
figure sur
deux affiches
touristiques.
3 et 4.
Bien que
cette disposition
n’ait pas été
systématisée,
le monogramme
1943 a figuré sur
des bâtiments:
en métal façonné
sur la toiture des
ateliers de
Nevers-Vauzelles,
et sur plaque
émaillée à l’entrée
de la cour
marchandises
de la gare
d’Aix-en-Provence.
Irlande/Photorail
Avenas/Photorail
Quant au monogramme annexe
représenté sur une locomotive à
vapeur, il est lui aussi modifié selon
la nouvelle norme. Il est présent par
ailleurs sur les fameux camions bleu
marine de la Sceta qui livrent les
bagages à domicile ou transportent
la messagerie. Dès 1947, alors que
se profilent les grandes électrifica-
tions, la machine à vapeur est rem-
placée par un écusson représentant
une carte de France stylisée.
Ce nouvel élément ne se substitue
pas au monogramme, mais il consti-
tue en quelque sorte un logo
bis
Hormis les locomotives qui arborent
exclusivement le monogramme, la
répartition entre ce dernier et l’écus-
son est finalement plutôt floue. Il n’y
a pas vraiment de règle. Ainsi, sur les
affiches publicitaires, on voit tantôt
l’un, tantôt l’autre. Avec le mono-
gramme et l’écusson, qui n’ont
graphiquement rien de commun, on
est bien aux antipodes du concept
d’image unique…
Il est intéressant de noter que le
monogramme est appliqué sur
presque tous les objets appartenant
à la Société nationale: cela va des
couverts de cantine aux timbres à
dates, en passant par les cendriers
des voitures ou les sifflets des contrô-
leurs. C’est, entre autres, une façon
de dissuader d’éventuels chapar-
dages en vue d’un usage personnel:
Avant d’être détrôné
par l‘écusson
«carte
de France»,
le médaillon avec
locomotive Pacific
Chapelon Nord a
été actualisé, son
monogramme 1938
étant remplacé par
le modèle 1943.
Il apparaît en bas de
la couverture de
«Notre métier» (1),
sur les camions du
Service de contrôle
de l’exploitation
des transports
auxiliaires (Sceta) (2)
ou sur cette broche
d’uniforme (3).
Sceta
Octobre2009
Historail
1 et 2.
Sur les affiches
des années 1950-
1960, qu’elles soient
touristiques ou
commerciales, il a
souvent été fait
usage de l’écusson,
comme on peut le
voir sur ces deux
exemples. Mais cela
n’empêchait pas
d’utiliser aussi
parfois le
monogramme
(voir pages
précédentes), car
aucune règle
précise n’a semblé
se dégager
en la matière.
3.
L’écusson
représenté de
façon stylisée,
en relief dans un
cercle, sur le
bâtiment voyageurs
de la gare de
Chalon-sur-Saône.
4.
Double apposition
de l’écusson sur
une pancarte
de la «nouvelle»
gare de Paris-
Montparnasse
en 1967.
SNCF
Photorail
Octobre2009
Historail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
1965: le sigle à liseré
d’entourage
Dans le contexte de ces années 1960
éprises de modernité, où il convient
de faire table rase du passé dans
tous les domaines, le milieu de la
décennie constitue en quelque
sorte une charnière: les posses-
seurs d’automobiles deviennent
majoritaires, y compris dans la
classe ouvrière, et l’on commence
à transformer le paysage, aussi bien
urbain que rural, pour l’adapter
à ce nouveau mode de transport.
Alors que l’on finit de «débarras-
ser» les villes des derniers tram-
ways qui «gênent» le transport
individuel, on prépare un grand
mouvement de suppression des
lignes régionales de la SNCF.
Désormais, en effet, on imagine
l’avenir du train à travers le trans-
port du fret et, pour les voyageurs,
à travers un réseau très resserré de
quelques grandes lignes, auquel
s’ajoute la banlieue parisienne.
Dans ce contexte de rupture, la
SNCF change radicalement son
identité visuelle, et, au cours de
l’année 1965, un nouveau logo
apparaît sur les documents offi-
ciels: les quatre lettres du sigle
SNCF sont déclinées dans un carac-
tère «bâton», genre Helvetica ou
Univers, mais stylisé, en extra-gras
et en italique. Les lettres sont
enfermées dans un liseré d’entou-
rage épousant les contours du
74-
Historail
Octobre 2009
Représentations
atypiques…
Projets non retenus, interpréta-
tions fantaisistes du monogram –
me, les exemples de bizarreries ne
manquent pas en ces années où l’on
semble loin de la préoccupation d’image
unique de l’identité visuelle.
1.
Cendrier SNCF-SO (pour Sud-Ouest) avec un
monogramme traité en losange.
2.
Broderie en cannetille pour uniforme; il pourrait s’agir soit
d’un élément antérieur à l’apparition du logo, soit d’un modèle
non retenu.
3.
Boutons d’uniformes avec monogramme atypique; une matrice de
1947 a été retrouvée chez le fabriquant; il pourrait donc s’agir d’un
projet de nouveau monogramme non retenu, mais rien ne le prouve.
1.
Mise à jour du
marquage des
cendriers des
voitures:
le nouveau sigle
a chassé
le monogramme.
2.
Le nouveau sigle
est apparu sur
les publications
de l’Entreprise au
cours de l’année
1965; on le voit
sur ce document
rétrospectif édité
annuellement en
avril, «Activité et
productivité»,
mais ce sera
aussi le cas sur
le rapport annuel.
Octobre2009
Historail
gramme (pourtant obsolète) sur les faces
frontales, et le sigle «spécial» sur les faces
latérales, sous forme de lettres, soit
peintes, soit en relief sur la caisse (carac-
tères en aluminium) selon les séries. Seront
ainsi concernées les CC 6500, BB 15000
(première série), BB 20200 et CC21000.
L’ultime application de ce logo particulier
se fera sur les rames à voie métrique du
Saint-Gervais – Vallorcine à l’occasion de
leur rénovation avec passage à la livrée
orange au lieu du rouge d’origine.
On peut supposer que, par la suite, des
directives furent données pour que les
machines à «nez cassé» de Paul Arzens
adoptent enfin le nouveau logo, car la
deuxième série de BB 15000, les BB 7200 et
les 22000 porteront bien, quant à elles,
une identité visuelle «à jour» sur les faces
frontales – il en sera de même pour les
BB «Jacquemin» 9200 et 9400 passées en
grande révision avec peinture grise et
retrait des enjoliveurs.
(1) Locomotives à caisse aux coins arron-
dis, caractéristiques des engins électriques
SNCF des années 1960, esthétique due à
André Jacquemin, chef d’études principal
à la Division des études de la traction élec-
trique de la SNCF.
1.
À l’occasion de leur passage en grande révision, certaines séries
de BB «Jacquemin» perdront leurs enjoliveurs chromés d’origine
et recevront une livrée gris «béton» à la place du vert, comme sur
la BB9527 vue à Paris-Charolais en juillet 1980; à l’avant, le sigle
correct de l’Entreprise, dans un arrangement esthétique rappelant
les projets d’habillage des 9300; à l’inverse, sur la face latérale,
le sigle «spécial». Rien de moins que deux identités visuelles
pour une machine sortant d’atelier!
2 et 3.
Déclinaison du sigle spécial sur les faces latérales: en relief
sur cette BB15000 tête de série vue en 1971, et peint sur la 6558
«Maurienne» maintenue en livrée d’origine. Toutes deux ont
conservé le monogramme obsolète, selon les désirs de Paul Arzens.
La direction du Matériel et de la Traction ainsi que Paul Arzens
finissent par «rentrer dans le rang»: la seconde série de BB15000
portera bien le sigle officiel de l’entreprise. On voit les deux types
d’engins, avec sigle et monogramme, à La Villette, au début
des années 1990.
Koch/Photorail
Roca/Photorail
Denis Redoutey
Georges Mathieu
78-
Historail
Octobre 2009
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
Application du sigle
à liseré dans les
gares: sur le BV
de Saint-Martin-
d’Étampes (3), avec
un interlettrage
exagéré sur celui
de Saint-Gervais-
LeFayet (4) et sur
un caisson lumineux
à Chamarande (5).
6.
Broches
de casquettes
d’uniforme
en laiton, avec
un exemple sur
cet agent de gare
photographié
à Pont-Sainte-
Maxence,
en octobre 1989.
7.
Cartes à débit et
tickets de cantine
portant le sigle
allongé.
1.
Un «kit billet»,
avec le nouveau
sigle, au
complet: billet,
réservation
(àl’époque, celle-
ci est distincte du
billet), pochette et
fiche horaires.
2.
Badge porté par
les agents
d’accueil qui sont
apparus avec
l’instauration du
compostage des
billets en 1978.
L’orange, couleur
du TGV Sud-Est,
est alors à la
mode et a toutes
les faveurs.
Perrelle/Photorail
Photorail
Jean-Paul Demoy
D. Paris/Photorail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
80-
Historail
Octobre 2009
liseré. Ces fiches, éditées depuis le
premier monogramme, nous l’avons
vu, sont en quelque sorte les ancêtres
des chartes graphiques, mais elles
sont loin d’en avoir la précision
dans les études de cas d’appli-
cation. Pour la reproduction,
on utilise la bonne vieille mé-
thode des petits carreaux
(2)
et pour l’impression on pho-
tographie des tirages appelés
«bromures» afin d’en faire
des clichés typographiques.
Pour les références de cou-
leurs, on n’utilise pas encore
le nuancier Pantone®, mais
le catalogue du fabricant
de peinture Lorilleux. Cependant,
ces fiches de normalisation restent
insuffisamment diffusées, quand on
voit à quel point le logo est souvent
reproduit de façon très approxima-
1 et 2.
Aspect
graphique
de «SNCF
voyageurs»
et «SNCF
marchandises»,
inscrits dans un
polygone incliné
qui rappelle le filet
du sigle de 1965.
Le diffuseur pour
WC relooké avec
le sigle allongé;
il sera généralisé
sur le matériel
voyageurs,
jusqu’aux rames
du TGV Atlantique.
4 et 5.
Une des
affiches de la
campagne
publicitaire «Merci
le train»; en détail,
la broche de la
casquette de
l’agent de train.
6.
Turbotrain ETG
avec sigle sans
liseré en 1969.
(2) La méthode consiste à quadriller
le sujet original que l’on veut
reproduire. Sur le support qui doit
recevoir l’original agrandi, on trace
un quadrillage avec le même nombre
de carreaux, mais proportionnés au
nouveau format. Le dessinateur
analysera chaque carreau l’un après
l’autre et le reproduira sur le
nouveau support.
Pilloux/Photorail
7 et 8.
Application
du sigle sans liseré,
sur le panneau de la
halte de l’isthme
de Penthièvre et en
caissons lumineux
sur la gare de
Perpignan.
9.
Application du sigle
sans liseré en
lettrage de laiton
en relief à l’avant
des autorails X2800
rénovés «Massif
central» en 1977;
c’est alors que ces
engins ont
abandonné le rouge
et crème au profit
du bleu.
Photorail
Avenas/Photorail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
1985 : le logo
«double ligne»
Au début des années 1980, sous la
présidence d’André Chadeau, la
SNCF, devenue un «établissement
public, industriel et commercial»
(Epic) au 1
janvier 1983, s’était
dotée un an auparavant
d’une vraie direction de la
Communication, dirigée par
Yves Chenel. Celle-ci va
pouvoir se pencher sur
l’image de l’Entreprise. La
nécessité de mettre de l’ordre
dans son identité visuelle se
fait sentir:
«Il existe en effet
une très grande diversité dans
l’expression visuelle et il en
résulte un brouillage au niveau
de la communication et une
altération de l’identité de
l’entreprise que de nombreuses
études ont révélés.»
De plus, la sup-
pression progressive du liseré apparaît
rétrospectivement comme négative.
La direction de la Communication
l’exprime ainsi:
«Les dimensions
affectives véhiculées par le logo de
1965 disparaissent avec la suppres-
sion du liseré et ne subsistent que les
évocations les plus paralysantes
(bureaucratie, mauvais service, anony-
mat, univers sans attrait…).»
En 1983, Roger Tallon, styliste du TGV,
est choisi pour réfléchir à un nouveau
logo. Parmi ses propositions, celle qui
est retenue en 1984 voit la reconduc-
tion du logo antérieur sans liseré, dont
les lettres seront séparées en deux par
un filet blanc médian: c’est la symbo-
lisation des deux lignes que consti-
tuent les deux files de rails d’une voie
ferrée ou encore une double voie.
84-
Historail
Octobre 2009
1.
Badge de
casquette d’agent
de train.
2.
Deux documents
synthétisant
les diverses
propositions
du designer
RogerTallon;
sur le second,
on note une
proposition de
logo sans
typographie avec
symbolisation
d’un croisement
de voies.
3.
Le «manuel
d’application»,
un des
documents
de la charte qui
analyse les
différents champs
d’application du
nouveau logo.
Extrait du
«manuel
d’application»
concernant les en-
têtes de lettres.
5 et 6.
Charte du
slogan publicitaire
«SNCF c’est
possible !»
et exemple
d’application
sur une publicité
pour les TGV
intersecteurs
Lyon – Lille.
Porte-clés
«SNCF Île-de-
France» décliné
à partir de la
charte de «SNCF
c’est possible !».
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
Mais il répond surtout au cahier des
charges: exprimer
«une évolution et
non une rupture, évoquer la moder-
nité, le dynamisme, la volonté de chan-
gement, l’ouverture sur l’extérieur».
Le concept de la double ligne est alors
complètement dans l’air du temps:
plusieurs autres réseaux européens
ont également opté pour son principe
(NS, BR…), et Roger Tallon avait
d’ailleurs également envisagé un tel
logo, purement graphique, sans la
typo des initiales SNCF.
La décision de généraliser le nouveau
logo est prise au printemps 1985.
Mais cette fois-ci, dans le but de
couper court aux incroyables dérives
et aux confusions vécues antérieure-
ment, le lancement du logo est
accompagné d’un manuel d’utilisa-
tion et d’une charte graphique très
précise; celle-ci analyse presque tous
les cas de figure et clarifie la taille du
logo selon les différents champs
d’application, la teinte avec les réfé-
rences prises sur des nuanciers de
couleurs officiels (tel le Pantone®).
Les applications sur le matériel
moteur, les bâtiments, l’ensemble des
supports imprimés (cartes, lettres,
enveloppes,etc.), tout est soigneuse-
ment envisagé et détaillé. Une décli-
naison aux logos des sociétés et des
filiales composant le groupe SNCF est
également prévue.
Enfin, pour la première fois, l’identité
visuelle de la SNCF va présenter un
aspect clair et unifié et s’imposer partout.
«Sur le terrain», la disposition gra-
phique de la double ligne inspirera
le sobriquet de «logo vermicelle»,
voire
de «logo nouilles» dans la
version la plus railleuse; mais
ce nouveau logo sera plutôt
bien accepté, chacun recon-
naissant qu’il était devenu
urgent d’unifier une identité
visuelle partie à la dérive.
86-
Historail
Octobre 2009
Porte-clés
fabriqué au début
du projet Socrate,
visant à adapter
le logiciel aérien
Sabre à
l’émission de
billets de train;
sa mise en
service
prématurée,
au début des
années 1990,
occasionnera
de mémorables
perturbations
dans les ventes
voyageurs.
3 et 4. Application
du logo1985 sur
des bâtiments
de gares:
Saint-Étienne-
Châteaucreux
en2002 (lettres
lumineuses
séparées),
LesLaumes-
Alésia (caisson
lumineux unique
adapté aux gares
moyennes) et
Montparnasse-
Gare-Pasteur
(gravure sur
aluminium).
Pastille moulée
sur un cendrier
(objet
promotionnel).
Recoura/Photorail
Recoura/Photorail
D. Paris/Photorail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
88-
Historail
Octobre 2009
2.
Publicité avec le
nouveau slogan
des années 1990:
«SNCF. À nous
de vous faire
préférer le train».
3.
Exemple
d’application de
la charte 1992 sur
la couverture du
dossier de presse
de la Tangentielle
nord (1997).
4. Bonbon
promotionnel avec
le logo 1992.
Déclinaison de la
charte pour ce qui
concerne les
directions
régionales,
d’activités ou de
domaines.
1.
Un objet presque
envoyé aux
oubliettes par
la généralisation
de la téléphonie
mobile, la
télécarte qui
permet l’usage
des cabines
téléphoniques,
désormais
réfractaires
aux pièces de
monnaie, pillage
systématique
de ces appareils
oblige…
1992 : le logo
«à casquette»
Le logo 1985 n’aura pas le temps
de fêter ses dix ans car, sous la pré-
sidence de Jacques Fournier, on
assiste déjà à sa remise en question
à l’occasion de l’avènement du
nouveau plan d’entreprise censé
«initier un nouveau mode de fonc-
tionnement»
. Pour marquer ce
changement de grande ampleur, la
direction de la SNCF juge souhaita-
ble de renouveler son identité
visuelle. Après appel d’offres,
l’agence Desgrippes et Associés est
retenue. Le fruit de son travail est
publié en 1992. Là encore, pas de
rupture, mais à nouveau une évolu-
tion fondée sur le logo précédent.
Celui-ci sera accompagné:
– d’une flèche rouge se voulant
«vigoureuse et dynamique, proje-
tant la SNCF dans l’avenir, visualisant
la force et l’ambition qui l’animent
et qu’elle communique à toute
l’entreprise»
– d’une barre d’appui dans un ton
gris
«symbolisant le professionna-
lisme»
qui, selon la communication
de la SNCF,
«assied la pérennité
de l’entreprise, figure le lien de l’ins-
titution avec ses différentes entités,
souligne sa puissance et la constance
de sa mission»
Le lancement est décidé en décem-
bre 1992, le déploiement s’effec-
tuant surtout à partir de 1993.
Comme en 1985, une charte et un
manuel d’application sont édités
pour éviter les dérives. L’application
sur le matériel et les bâtiments est
standardisée. En outre, les kits distri-
bués dans l’ensemble des services de
la SNCF tiennent compte cette fois-ci
du développement de l’informatique
(applications pour la PAO).
Comme le dit clairement le dossier
de presse de l’époque, le déploie-
ment de la nouvelle identité devra se
faire de la façon la plus économique
possible:
«Seules les nouveautés et
rénovations présenteront, en 1993,
la nouvelle identité.»
Il ne faut pas
heurter la sensibilité du personnel et
de l’opinion à une époque où
l’Entreprise est loin d’être bénéfi-
ciaire. Cette progressivité aura pour
effet de laisser cohabiter longtemps
l’ancienne et la nouvelle identité,
une erreur stratégique dont on tirera
les leçons au changement suivant.
Il faut bien reconnaître que ce logo,
dit «à casquette», ne fera guère
l’unanimité à la SNCF. Sur le terrain,
le changement est considéré comme
trop précoce, alors que la généralisa-
tion du précédent logo, plutôt
apprécié, n’a même pas eu le temps
d’être parachevée (nombreux sont,
par exemple, les
matériels non encore retouchés),
malgré les années passées. De plus,
en raison des nouveaux éléments
ajoutés, le sigle SNCF lui-même se
trouve, à surface égale par rapport
au précédent logo, très amenuisé.
De loin, on voit surtout la grosse
flèche rouge, mais on a du mal à lire
«SNCF», comme si l’entreprise avait
honte de sa raison sociale. Enfin, il se
décline assez mal sur les engins
moteurs: son aspect très direction-
nel fait que, sur l’une des deux faces
latérales, il montre la direction de
l’arrière. Apposé sur les faces avant,
il produit un effet nettement moins
heureux que son prédécesseur : la
flèche, en indiquant le côté droit,
produit un effet visuel déséquilibré.
On trouve décidément bien peu de
monde pour adhérer à cette nou-
velle identité visuelle.
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
90-
Historail
Octobre 2009
1.
Positionnement
du logo sur
le bâtiment
de la gare de
Valenciennes,
en 2004,
avant l’arrivée
du tramway.
2.
Utilisation du logo
dans le cadre
de la charte
Transilien.
Devanture
de la boutique
de Paris-Saint-
Lazare
en 2003
4.
Déclinaison
du logo sur
la casquette de
cet agent de gare
(à Arches, dans
les Vosges) et sur
des badges
d’agents de
trains.
Recoura/Photorail
Didier Leroy
Carémantrant/Photorail
Photorail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
2005 : le logo
«carmillon»
Avec les années 2000, sous la
direction du tandem Gallois-Pepy,
la SNCF connaît une mutation sans
précédent. La cote d’amour pour le
train n’a jamais été aussi élevée.
Grâce à la politique de volume pour
la grande ligne et à l’énorme inves-
tissement des collectivités territo-
riales pour le train régional, le trafic
voyageurs connaît un niveau jamais
atteint dans l’histoire du chemin de
fer. Débarrassée de la dette de
l’infrastructure, la SNCF gagne
désormais de l’argent. Un change-
ment d’identité visuelle, peu envi-
sageable dans la période difficile de
convalescence après les déconve-
nues des années 1990 (échec du
lancement de Socrate, mise en
service décevante du TGV Nord,
grande grève de 1995,etc.), où
l’affectation d’un budget substan-
tiel à un changement de logo aurait
été mal vécue, peut s’envisager de
façon sereine.
Le logo de 1993, de toute façon
très critiqué, n’est plus du tout en
phase avec cette nouvelle politique.
92-
Historail
Octobre 2009
Personnalisation des
«idées d’avance», les
petits personnages
baptisés Idix ont connu un
grand succès, et on s’est
arraché les objets
promotionnels édités à
cette occasion, telles la
clé USB ou la collection
des trois poupées que l’on
a pu voir dans les spots
publicitaires diffusés à la
télévision.
Le siège de
l’entreprise, rue
du Commandant-
Mouchotte à Paris,
a en toute logique
fait partie des
premiers supports
de la nouvelle
identité visuelle.
Chessum/Photorail
1, 2, 4 et 5.
Les
grandes gares
ont été relookées
prioritairement;
à l’inverse
des errements
précédents,
on est enfin arrivé
à une véritable
unité dans
le traitement
graphique.
3 et 6.
Déclinaison
de la nouvelle
identité sur
les potelets
d’information et
sur la tenue des
agents des gares.
7 et 8.
Les gares
moyennes et
petites, gérées par
SNCF Proximités,
n’ont pas été
oubliées, même
si leur multitude
n’a pas permis
un traitement
aussi rapide que
celui des grandes
gares.
Chessum/Photorail
Jeantet-Leclerc/Photorail
Didier Leroy
C. Hector/Photorail
M. Barberon/Photorail
D. Paris/Photorail
M. Barberon/Photorail
G. Paumier/Photorail
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Historail
Dossier
[ la saga du logo SNCF ]
La SNCF reconnaît elle-même qu’il
«illustrait avant tout la puissance
industrielle et ne traduisait plus la
vraie mesure du groupe SNCF, une
entreprise à dimension européenne
décidée à s’organiser autour du
client»
. De plus, comme le «logo
à casquette», associé à la
période tourmentée des
années 1990, n’a pas vraiment été
porteur de positivité, la communi-
cation a été centrée sur les
marques (TGV, Thalys, Eurostar,
Corail, TER…), qui, toutes, bénéfi-
cient d’une identité visuelle en
phase avec les nouvelles concep-
tions graphiques issues de l’ère du
dessin assisté par ordinateur (DAO).
Maintenant que la SNCF a amorcé
son tournant, le moment est venu
de valoriser la grande entité qui est
derrière les marques et le groupe,
et de la doter d’une identité à la
hauteur des nouvelles ambitions.
C’est l’idée-force de Bernard
Emsellem
(3),
le nouveau directeur
de la Communication qui accom-
pagne le tandem Gallois-Pepy.
La SNCF n’a plus besoin de rester
dans l’ombre des marques et peut
maintenant s’afficher avec fierté.
La recherche d’une nouvelle iden-
tité débute, là aussi, par un appel
d’offres auprès d’agences spéciali-
sées. Une fois qu’un prestataire est
déclaré vainqueur de la compéti-
tion, en l’occurrence l’agence Carré
Noir, tout un travail de réflexion est
mené, aboutissant à un panel
d’identités possibles. Le choix sera
arrêté en 2004, mais le secret
restera bien gardé jusqu’au lance-
ment officiel. C’est finalement en
mars 2005 que la nouvelle identité
est révélée, au cours d’une conven-
tion interne de la SNCF,
«Les journées de la
com», déclenchant
parmi les collaborateurs
de l’Entre prise présents
un enthousiasme tout à
fait sincère et spontané.
Dans la communication
écrite qui accompagne
le lancement du logo,
la SNCF justifie ainsi son choix:
«Par son audace, sa force et sa visi-
bilité, le nouveau logo affirme le
dynamisme, le changement, la
créativité et la modernité. Cette
perspective d’ouverture trouve son
assise dans la fidélité à ses racines,
symbolisée, comme dans le premier
logo de 1938, par l’écriture des
lettres SNCF, entrelacées dans un
nouveau monogramme. Ce nou-
veau logo est porteur de signes
forts de transformation:
détermination et mou-
vement. Directionnelle, puissante
et dynamique, la forme incarne le
mouvement et les qualités du
train: fiabilité, linéarité, sécurité. La
forme compacte traduit la détermi-
nation de l’entreprise à être leader.
Exclusive et originale, elle ne pourra
être associée qu’à la SNCF.
connivence et chan-
gement. Chatoyante, vivante, pro-
fondément contemporaine, la cou-
leur symbolise la créativité,
l‘anticipation, l’adaptation, la sou-
plesse, l’optimisme. Le dégradé de
couleur du rouge carmin au rouge
vermillon symbolise une entreprise
non figée, multiple. Les couleurs
chaudes toniques, jeunes renvoient
l’image d’une entreprise moderne,
communicante, à l’écoute de ses
clients. Ce dégradé rouge est quali-
fié de “carmillon”.
relation et flui-
dité. L’écriture a trouvé ses racines
fondatrices dans le logo de 1938.
Tout en s’inspirant de ce patrimoine
culturel, la nouvelle typographie
introduit une véritable rupture et
incarne dans ce sens une entreprise
qui change tout en respectantson
94-
Historail
Octobre 2009
(3) Bernard Emsellem, qui a lancé et
supervisé le changement de logo,
l’exprime ainsi:
«Nous avons donné
aux marques de la SNCF leurs lettres
de noblesse, c’est le cas pour TGV,
Corail, TER, Transilien, Eurostar,
Thalys,etc., il devenait nécessaire de
faire reconnaître l’entreprise qui est
derrière ces marques pour donner du
sens à tout ce qui les fédère.»
La nouvelle identité
sur la tenue des
contrôleurs signée
Christian Lacroix.
Titre de transport
avec logo 2005.
M. Bono /Photorail
1, 2, 3 et 4.
nouvelle identité
s’harmonise
parfaitement avec
la charte
Transilien, qui lui
est pourtant
antérieure.
6 et 7.
Exemples
d’application de la
nouvelle identité aux
bâtiments
industriels des
établissements de
maintenance:
atelier TER de
Perrigny à gauche,
et celui de Nevers
àdroite, en 2008.
Octobre2009
Historail
S. Assez/Photorail
G. Pourageaux/Photorail
D. Paris/Photorail
Photos M. Carémantrant/Photorail
1 et 3.
Application
du logo sur des
machines diesels
anciennes:
la première est
revêtue de la
livrée actuelle
«envoyage…» ;
celle de la
seconde photo
est restée, comme
ses consœurs,
dans ses couleurs
des années 1960.
2.
Cabine de
réversibilité sur
une rame type
VO 2N.
Deux extrémités
d’automoteurs
AGC accouplés:
on peut voir
le logo décliné
avec le fond
«carmillon» dans
les deux sens.
Pendant l’année
2005, le temps de
traiter l’essentiel
du parc TGV,
on a pu comparer
les impacts
graphiques
des logos 1992
et 2005.
Carémantrant/Photorail
Carémantrant/Photorail
Denis Redoutey
G. Pourageaux/Photorail
G. Pourageaux/Photorail
Octobre2009
Historail
Octobre 2009
Historail
P
lusieurs lecteurs ont été frappés
par les illustrations accompa-
gnant le règlement P. 9a n° 1,
«Sécurité du personnel», reprises
par Bruno Carrière dans le dernier
numéro d’
Historail
(1)
et telles qu’il
les avait retrouvées dans un exem-
plaire de ce règlement de la SNCF
daté de 1957. Notamment, celle
qui est reportée en page4 du
même numéro, où il était conseillé
aux agents de compter sur l’expé-
rience de leurs anciens: elle a pu
inspirer quelque amertume ou nos-
talgie à des lecteurs anciens chemi-
nots qui ont souvent du mal à se
reconnaître dans les nouvelles
générations d’agents de la SNCF…
Nous avons cherché à en savoir un
peu plus sur ces illustrations. Et
nous avons pu ainsi reconstituer
une certaine filiation. Alors que les
brochures pédagogiques vouées à
la « sécurité du travail » éditées
dans les années 30 par les
Compagnies du Nord ou de l’Est
sont accompagnées de photogra-
phies mettant en scène les gestes
et attitudes des agents à proscrire,
c’est sur l’Instruction générale pour
la sécurité du travail (IST), éditée
en 1937 par les Chemins de fer de
l’État, que nous avons retrouvé un
premier dessin colorié: « Avec
l’accident, le malheur entre dans la
maison. Pensez-y. » Sur le réseau
de Dautry, on a préféré faire appel
à des images coloriées pour illustrer
ces documents pédagogiques à
très grand tirage. C’est cette même
composition que nous retrouvons,
mais fortement rajeunie, dans le
P.9a n°1 édition de 1947, repro-
Revenant sur la publication d’images extraites du règlement
de sécurité P. 9a n°1 de la SNCF version 1957 dans
Historail
n°10, il nous a paru pertinent de nous intéresser
également aux documents homologues qui l’ont précédé
ou qui lui ont fait suite. On peut ainsi reconstituer
une filiation qui apporte de précieuses indications sur
l’évolution du métier de cheminot…
Sécurité
du personnel:
quand une image
chasse l’autre
(1) «Sécurité du personnel. Un petit
dessin vaut mieux qu’un long
discours», p.80
et sq
.
Doc. SNCF – 1957
Curiosité
[ sécurité du personnel: quand une image
duite ensuite à l’identique en 1957
Historail
, n°10, page87). Par
contre, dans une édition plus ré-
cente du P. 9a n° 1, datée de 1965,
la nouvelle composition dédrama-
tise en quelque sorte la menace de
l’accident: « Agent, prend garde à
toi, pense donc à ton épouse et à
ta fille. »
Le dessin relatif à l’expérience des
anciens évoqué plus haut se
retrouve déjà tel quel dans l’édition
de 1947; mais lui aussi est moder-
nisé dans le règlement de 1965,
où il a bien perdu de sa force…
Quant au cheminot armé d’un
carré et stoppant le spectre de la
mort, s’il est bien présent dans les
règlements de 1947 et de 1957
Historail
, n°10, p.80), il a disparu
en 1965.
En revanche, dans cette dernière
version de 1965 apparaît une nou-
velle image: elle invite l’agent à
ne pas laisser à l’abandon son P. 9a
n°1 sous les toiles d’araignée ou
livré aux dents des souris…
Il serait intéressant de poursuivre
cette enquête documentaire avant
1937 et après 1965, qui en dit long
au fond sur les progrès accomplis
en matière d’accidents d’agents…
En 1938, on compte 262 accidents
du travail mortels à la SNCF, mais
plus «que» 85 en 1965, soit trois
fois moins.
Georges RIBEILL
102-
Historail
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Dans l’édition
1965, la menace
de l’accident est
dédramatisée
Doc. SNCF – 1965
Octobre 2009
Historail
P
our le passionné de chemin de fer qui a aujourd’hui
la cinquantaine ou plus, Paris-Nord évoque l’ultime
refuge des trains de banlieue à vapeur qui ont continué
d’enfumer la verrière de cette grande gare parisienne
jusqu’à la fin de 1970. Et pour ceux qui n’ont pas vécu
cette époque, la présence de trains à vapeur jusqu’à
une période aussi récente reste un sujet d’étonnement.
En effet, voir ces rames des années 30 côtoyer les Trans
Europ Express ou faire la course avec les – alors ruti-
lantes – rames inox desservant la ligne de Creil sous
caténaire depuis la fin des années 50, c’est, déjà à cette
époque, un bel anachronisme. Autre contraste qui
frappe le lecteur, c’est l’aspect des gares encore « tran-
quilles et proprettes »; alors que l’explosion urbanis-
tique débute à peine, on est là bien loin des barbouil-
lages des tagueurs, que les grandes clôtures grillagées
qui ont succédé aux petites barrières blanches ne par-
viennent pas à dissuader. À part le secteur de Sarcelles,
qui a été « bétonné » le premier, on se rend compte
que la banlieue nord, c’est, à l’époque, majoritaire-
ment la campagne: des autorails suffisent même à
écouler le trafic sur certaines lignes, les champs ne sont
pas encore devenus des cités ou des lotissements à
perte de vue…
Une recherche longue et minutieuse, essentiellement
dans la photothèque de
La Vie du Rail
mais aussi chez
des collectionneurs, a permis aux auteurs de retrouver
de magnifiques images où dominent, on s’en doute,
les fameuses rames réversibles vapeur composées
d’une 141 TC et de voitures métalliques de banlieue de
la Compagnie du Nord, épaulées par un petit contin-
gent de Talbot ex-État. Mais c’est aussi des clichés pris
sur le vif de métiers totalement effacés du paysage fer-
roviaire, de gares disparues ou complètement transfor-
mées.
Bienvenue dans un monde révolu où Thalys s’appelle
encore l’
Étoile-du-Nord
ou le
Nord-Express,
Eurostar la
Flèche-d’Or
et où le Transilien se contente encore du
modeste vocable de « train de banlieue »…
Dominique PARIS
En vente à la boutique de
La Vie du Rail
ou sur
www.laviedurail.com/boutik
Prix : 48
Ci-dessus : la gare du Nord, côté ville, en 1952; parmi les automobiles
de l’époque: 402 Peugeot, Traction avant et C 4 Citroën (avec roue de
secours sur la malle arrière), 4 CV Renault; s’y ajoutent des autobus
de la RATP: au centre, un TN 4 B 2 à plate-forme ouverte de la ligne
49 Gare-du-Nord – Le Kremlin-Bicêtre; sur la gauche un TN 4 H BLA
fermé de la 47 Gare-du-Nord – Porte-de-Versailles. (Dubruille/LVDR.)
Ci-contre : en gare du Nord, en juin 1950: au premier plan la 231 A 3
arrivée de Hirson en tête du train 260, la 231 E 9 venant de Jeumont
au train 158 composé de voitures Rapides et Express-Nord, dont
une mixte 2
classe/fourgon dotée d’une vigie, et la 230 D 37 au train
1412 en provenance du Tréport. En arrière-plan, les rames
de banlieue. (Y. Broncard.)
Bonnes feuilles
[ les grandes heures de Paris-Nord ]
106-
Historail
Octobre 2009
Vue plongeante sur la
gare du Nord prise
depuis le pont Saint-
Ange, en mai 1959;
au premier plan le
TEE 185 «Paris-
Ruhr» pour Dortmund
en rame diesel
allemande VT 11; en
arrière-plan, une rame
de voitures Express-
Nord à portières
latérales, une 040 DE
en tête d’une rame
voyageurs et une 242
TA du dépôt du Mitry
en tête d’une rame
de voitures
banlieue nord.
(F. Fénino/LVDR.)
Mythique vapeur en
gare du Nord, avec
trois 141 TC fumantes
en tête de quai au
printemps 1970,
à quelques semaines
de l’électrification de
la ligne de Persan.
Notons le nombre
important de
voyageurs attendant
la mise à quai
de leur train au
premier plan. C’est le
dernier été de la
vapeur en gare du
Nord: la présence
discrète d’une Z 6100
en arrière-plan atteste
que la relève
électrique est là, prête
à prendre le relais.
(G. Rannou/Coll. YB.)
Octobre 2009
Historail
Au passage à niveau
d’Enghien, sur
l’antenne de
Montmorency,
en mars 1949,
la garde-barrière
en tablier referme
l’archaïque barrière
roulante.
(Dubruille/LVDR.)
De g. à d. :
la lampisterie de
Paris-Nord en 1954;
tandis qu’un agent
remplit le réservoir
d’un fanal à pétrole,
on voit sur la droite
des lanternes
à acétylène d’origine
Nord.
(P. Ramette/LVDR) ;
l’équipe mécanicien-
chauffeur de la
Pacific Chapelon
231 E 48.
(Henri Daudonnet.)
Aujourd’hui remplacé
par un édifice
moderne, l’ancien
bâtiment voyageurs
d’Ermont-Eaubonne,
en juillet 1967;
à g., près de
la grue hydraulique
Nord à col tournant,
l’omnibus 641 pour
Pontoise; à d.,
la ligne d’Argenteuil
(F. Fénino/LVDR.)
Bonnes feuilles
[ les grandes heures de Paris-Nord ]
108-
Historail
Octobre 2009
La 141 TC 3 avec
son équipe de
conduite penchée à
l’abri de la cabine,
quitte Taverny pour
Valmondois;
l’omnibus longe
la rue Gambetta,
empruntée par les
banlieusards de
retour de la capitale.
Les poteaux
télégraphiques et
la palette SEM
évoquent un chemin
de fer traditionnel.
Notons aussi, sur
cette vue, l’absence
de protection des
installations
ferroviaires; les
dégradations
coutumières de
nos jours étant
encore quasi
inexistantes au
cours de l’été 1969!
(G. Rannou/Coll. YB.)
En gare de Sannois, à
l’été 1968, une rame
réversible vapeur
poussée par la
141 TC 27 assure la
desserte Argenteuil –
Ermont-Eaubonne.
(G. Rannou/Coll. YB.)
Octobre 2009
Historail
À l’été 1968, un
omnibus Argenteuil –
Paris-Nord via
Gennevilliers dans
le site très particulier
de la station de
La Plaine-Tramway,
enclavée dans les
faisceaux de voie
de la Plaine-Saint-
Denis; cet arrêt
disparaîtra le
25 septembre 1977
lorsque le terminus
de la ligne de
Gennevilliers sera
reporté à Garibaldi,
suite au
remaniement
de l’avant-gare
de Paris-Nord;
derrière le poste 6,
construit lors de
l’électrification, on
distingue l’église
Sainte-Geneviève
de Saint-Denis
(G. Rannou/Coll. YB.)
À la fin de l’été 1966,
la 141 TC 2
en tête d’une rame
de voitures Talbot.
(G. Rannou/Coll. YB.)
Bonnes feuilles
[ les grandes heures de Paris-Nord ]
110-
Historail
Octobre 2009
En avril 1965
en gare de
Pierrefitte-Stains,
une rame Z 6100
des Joncherolles
alors toute récente.
(A. Breton/LVDR.)
Entre Montsoult-
Maffliers et
Luzarches, en mars
1966, le train omnibus
marchandises, tracté
par la 040 D 138,
du dépôt de
Beaumont, (ancienne
G 8-1 prussienne),
traverse un passage
à niveau manuel à
barrières oscillantes.
(J. Bazot/Coll.
Monique Bazot.)
Octobre 2009
Historail
À Pontoise, au
cours de l’été 1967,
contraste entre
l’autorail 150 ch
et sa remorque
Verney en
provenance de
Persan-Beaumont,
matériel déjà
obsolète, et le
nouveau poste
type PRS
(F. Fénino/LVDR.)
À Montsoult-Maffliers,
au cours de l’été
1968, au niveau
de la bifurcation
des lignes de
Beaumont et
de Luzarches,
un autorail
Renault ABJ 1,
assurant la navette
omnibus 3423;
en arrière-plan, deux
wagons-tombereaux
à trémies sur
un embranchement
particulier.
(G. Rannou/Coll. YB.)
Livres
112-
Historail
Octobre 2009
S’il est connu en tant que photographe
ferroviaire traquant depuis 1946 les bons
angles de vue à l’instant propice, l’auteur
doit peut-être à sa carrière dans
l’industrie automobile son engouement
pour ces autorails qui suscitèrent l’intérêt
de nombre de constructeurs de moteurs
ou de châssis automobiles.
Comme les quatre volumes précédents,
l’ouvrage ne se réduit pas à un catalogue
de fiches techniques; Yves Broncard a fait
un vrai travail d’historien en évoquant le
rôle des contextes politique, économique
et énergétique dans ce foisonnement
d’engins destinés à de fragiles exploi-
tations secondaires, souvent des proto-
types, au mieux construits en courtes
séries. La variété des archives prospectées
(Roubaix, Le Mans…) et une riche
iconographie témoignent d’un travail
fouillé et quasi exhaustif à propos de
constructeurs de tous rangs: pionniers
comme Georges Tartary, François Baert et
son gendre Louis Verney, Albert de Dion
et son associé Georges Bouton, ou
entreprises plus ou moins spécialisées
(Schneider et sa filiale Somua, Brisson-
neau et Lotz, Alsthom, Corpet-Louvet).
La surprise vient d’y voir aussi évoqués
les autorails militaires de la DRB circulant
pendant l’Occupation, puis, après la
guerre, les ex-voitures de la DRG
transformées en remorques d’autorails:
un parc spécifique de la SNCF, que
l’auteur n’a pas oublié de traiter. Clin
d’œil attendu en évoquant les ancêtres
des actuels AGC bibi de Bombardier,
les deux automotrices «amphibies»
construites en 1937 pour le PO-Midi par
Alsthom et Soulé…
Une possible suite est évoquée par le
préfacier, Paul Carenco. Nous la souhai-
tons vivement et suggérons qu’elle puisse
se conclure par une synthèse quantifiée et
chronologique de cette «saga» des au-
torails français du point de vue des ex-
ploitants et non plus des constructeurs:
répartition des marques selon les réseaux
(intérêt général et intérêt local, voie
normale/voie étroite) et les périodes.
Autorails de France
, t. V,
De Dion-Bouton,
Somua, Brissonneau et Lotz, Alsthom,
autorails d’origine allemande, Corpet-
Louvet, remorques d’autorails unifiées
Éditions La Vie du Rail. Un ouvrage de
349 pages, au format 21cm x 30cm,
illustrations N&B et couleurs.
Prix: 69
G. R.
Autorails de France: un tome V très attendu
Rappel sur les quatre
premiers volumes parus
T. I*,
Les Automotrices à vapeur.
Michelin, Bugatti
(1992), 327p.
T. II*,
CGC, Decauville, Lorraine,
Berliet, Renault
(1994)
, 391p.
T. III*,
De Dietrich, Franco-Belge,
ADN, Standard, Les voyages officiels
par autorails
(1997), 359p.
T. IV,
Les Autorails légers des années
1930, Les autorails légers des années
1940, Billard
(2007), 279p.
(*) Avec la collaboration d’Yves
Machefert-Tassin et Alain Rambaud
(décédé en 2003).
N.B.: sont toujours disponibles les
tomes II et IV, au prix respectivement
de 50,30 et 65 euros.
Livres
MARTINE MEISSIMILLY
Petites Chroniques
ferroviaires autour
de l’étoile de Veynes
L’auteure, petite-fille de chemi-
not, célèbre par ce petit livre
les 10 ans d’existence de l’éco-
musée du Cheminot veynois.
L’ouvrage ne remplace pas
l’excellente et ample monogra-
phie parue en 1999 (
L’Étoile de
Veynes
, M. Florès et J.-M.
Steiner, Presses et Éditions ferro-
viaires), ouvrage aujourd’hui
épuisé. C’est plutôt une chro-
nique ferroviaire bien fournie,
brassant grande histoire ferro-
viaire nationale et petite histoire
locale, qui nous rappelle que le
PLM y installa en 1885 un dépôt
avec rotonde à 26 voies et l’une
de ses toutes premières cités
cheminotes. L’auteure privilégie
les hommes plutôt que les tech-
niques et matériels, et l’on
comprend tout l’attachement et
la nostalgie qu’a inspirés aux
cheminots veynois le déclin
progressif de cet important car-
refour ferroviaire, à la croisée
des lignes Grenoble – Marseille
et Livron – Die – Gap – Briançon.
Le 6 novembre 1971, le dynami-
tage de la rotonde inspirera à
l’un d’eux quelques vers:
« Il ne
restait plus rien du colosse de
pierre, Rien qu’un immense vide
qu’emplissait le regret… »
131p., format 16 cm x 24 cm,
broché, illustrations N&B.
Prix: 17
franco de port.
Contact: Éditions du Buëch,
Le Village, 05400 Chabestan.
www.editionsdubuech.com
GÉRARD VACHEZ
L’Arrivée du chemin
de fer à Roanne il y a
150 ans
L’auteur, qui avait déjà cosigné en
2000 une importante monogra-
phie très documentée,
La Loire,
berceau du rail français,
pointe sa
focale sur Roanne: en 1833, la ville
refuse à la Compagnie du chemin
de fer de la Loire, concessionnaire
d’un chemin d’Andrézieux à
Roanne et troisième compagnie
française, l’entrée dans ses murs:
la ligne devra ainsi s’arrêter sur
l’autre rive de la Loire, au hameau
du Coteau. Il faut attendre la
fusion en 1853 de cette société
avec les deux premières compa-
gnies stéphanoises puis leur
absorption par le Grand-Central
pour qu’une nouvelle impulsion
soit donnée: concession en 1855
de la ligne du Bourbonnais per-
mettant de relier Paris à Saint-
Étienne
via
Moulins,
Saint-
Germain-des-Fossés et Roan
ne,
rectification totale du premier
tracé de Roanne à Andrézieux,
jonction de ces lignes, ouverture
enfin, en 1858, de la gare de
Roanne. De très nombreux plans,
cartes postales et photos contem-
poraines évoquent les importants
travaux de la ligne reliant Saint-
Germain-des-Fossés au Coteau,
son exploitation ultérieure et les
intéressants vestiges actuels d’un
site ferroviaire pionnier.
80p., format 15 cm x 21cm, bro-
ché, illustrations N&B et couleurs.
Prix: 9
+ frais de port.
Contact: Les Amis du rail du
Forez, gare SNCF de Bellevue,
42100 Saint-Étienne.
COLLECTIF
Cahiers du CEHD n°37
Ces actes d’une journée d’études
organisée le 6 juin 2007 à
Vincennes par le Centre d’études
d’histoire de la défense (CEHD)
rassemblent une douzaine d’inter-
ventions dont trois sont consa-
crées aux bombardements des
Alliés sur des cibles ferroviaires.
Chiffres et cartes à l’appui, Yves
Machefert-Tassin établit
« la fai-
blesse des résultats, leur utilité
douteuse, à un prix exorbitant »
À partir du cas de l’Yonne, où,
à l’été 1944, les Alliés s’acharnè-
rent principalement sur Migennes,
son pont sur l’Yonne et son
dépôt de locomotives, Georges
Ribeill explore le dilemme:
« Bombarder ou saboter? »
À la
condition de disposer de bonnes
informations sur l’état du réseau,
il rappelle comment, en Meur-
the-et-Moselle, la pénurie d’explo-
sifs, combinée à la connaissance
précise des lignes déjà coupées
par des bombardements, avait
suscité de la part des saboteurs
« des opérations très efficaces en
nombre limité et à faible coût »
Bruno Benoît s’intéresse au bom-
bardement de Lyon, ciblant les
établissements ferroviaires de
Vaise, Perrache, la Guillotière et
Vénissieux. Avec pour résultats
de très nombreuses victimes
civiles, qui nourrissent autant la
propagande de Vichy que la
condamnation des bombarde-
ments par la Résistance…
Cahiers du CEHD, n°37, 213p.,
illustré (prochainement en ligne).
Contact:
cehd@sga.defense.gouv.fr
COLLECTIF
Louis Harel de la Noë,
l’ingénieur-architecte
des voies ferrées, des
gares et des ponts
Sous l’égide de l’Association pour
la mémoire et la notoriété de
Louis Harel de la Noë (1852-
1931), fruit d’un travail collectif
dirigé par François Lépine, cet
ouvrage peut être considéré
comme une encyclopédie vouée à
l’œuvre féconde et
originale d’un
polytechnicien bre
ton, dont la
carrière d’ingénieur des Ponts et
Chaussées s’acheva dans ses ter-
res natales, au service du départe-
ment des Côtes-du-Nord. La pre-
mière partie retrace sa carrière
dans la Sarthe puis dans les Côtes-
du-Nord. La seconde partie pré-
sente une cin
quantaine de mono-
graphies d’ou
vrages d’art, ponts,
viaducs et gares, richement illus-
trées et confrontant photos
anciennes et photos contempo-
raines. Alors que bon nombre de
réseaux ferrés départementaux
disparurent vite sous le poids de
charges excessives, Harel de la
Noë s’évertua à faire des ouvrages
aussi économiques que possible,
optant en fonction des lieux pour
des techniques variées (ouvrages
métalliques, en maçonnerie ou en
béton armé) auxquelles il apporta
des innovations (ponts biais ou en
«X», arches de béton préfabri-
quées…).
194p., format 21,5cm x 31cm,
cartonné, illustrations N&B et
couleurs.
Prix: 35
franco de port.
Contact: A. Perrin, 12, rue de la
Mardelle, 22000 Saint-Brieuc.
114-
Historail
Octobre 2009