Description
des dépôts du Nord
• Les trains marchandises-
voyageurs (2
de
partie)
trimestriel
n° 15
F:
9,90
– RD
Octobre 2010
Historail
T
rès rapidement, le transport ferroviaire a été un gros consommateur d’éclairage. Qu’il s’agisse des fanaux à l’avant et à l’arrière
des trains, de l’éclairage de l’intérieur des voitures, des gares et de leurs emprises, des passages à niveau, de la signalisation, des
lanternes portatives pour les agents dans les gares, les dépôts, les triages, sur les chantiers d’entretien de la voie, dans les tunnels…
Pour ce faire, des centaines de milliers de lampes et lanternes ont été mises à contribution. Fonctionnant concurremment à l’huile,
au pétrole, au gaz de ville, à l’acétylène, elles nécessitaient pour leur manutention, leur utilisation courante, leur répartition et, plus
encore, leur entretien, un lourd dispositif dont l’aspect le plus spectaculaire était certainement ces lampisteries, véritables ateliers où
s’activaient de nombreux ouvriers pour réparer, nettoyer, vérifier le matériel d’éclairage.
Bien entendu, les compagnies ferroviaires ont cherché très tôt à expérimenter des techniques de remplacement susceptibles d’alléger
leurs coûts, mais également de diminuer les risques, car certains systèmes, notamment ceux recourant au gaz acétylène, n’en étaient
pas dépourvus. Ainsi, l’électricité va commencer à être introduite dès le début des années 1880. Discrète à ses débuts, elle va pren-
dre de l’ampleur au fur et à mesure qu’elle gagnera en fiabilité et en souplesse d’utilisation (amélioration de l’ampoule à filament,
apparition de la pile au mercure…), jusqu’à devenir la source principale d’éclairage à partir des années 1960.
Résumée de cette manière, l’évolution des lampes et lanternes n’est pas sans rappeler celle du matériel moteur avec, au départ, une
technique, la vapeur, certes astucieuse et propice aux envolées poétiques, mais nécessitant la mise en œuvre d’un très imposant
dispositif de ravitaillement et d’entretien: que l’on se souvienne du tentaculaire réseau d’ateliers, de dépôts principaux, de dépôts
relais, avec leurs châteaux d’eau, leurs parcs à combustible, leurs toboggans, où s’affairaient d’innombrables cheminots. Et puis,
l’arrivée de modes de traction alternatifs (diesel, électricité), moins exigeants en maintenance et en logistique, moins voraces en
main-d’œuvre, qui s’imposent progressivement jusqu’à la disparition totale de la traction vapeur.
Cela étant, le parallèle s’arrête là, car il existe une différence notable: il est aujourd’hui beaucoup plus facile de collectionner les
lanternes que les machines à vapeur! Le très complet dossier réalisé par Dominique Paris et Daniel Juge comblera, à n’en pas douter,
tous les collectionneurs de lanternes et constituera une excellente introduction à tous ceux qui souhaiteraient s’intéresser de plus
près à ces objets et, pourquoi pas, se lancer à leur tour dans l’aventure…
Olivier BERTRAND
I
Au temps des lanternes…
I
Une 130 de l’Est
et son fanal
bien caractéristique
placé à l’avant
de la chaudière.
4-
Historail
Octobre 2010
1. Un lampiste transporte son lot de fanaux de queue et de lanternes
de côté de train au milieu d’un faisceau de voies de la région Nord;
en incrustation, une semblable lanterne d’origine Nord, avec sa cheminée
peinte en jaune pour rappeler sa région d’origine et faciliter son rapatriement
en cas de sortie vers une autre région.
2. Tableau indicateur PO-Midi «DCM» ou «disque à commande» éclairé
par la lanterne que l’on voit ci-contre.
3. Un fanal PO, typique avec sa longue cheminée, également visible
en deux exemplaires sur le tablier de la 3630; par contre, le fanal
du haut est à acétylène.
4. À la lampisterie de Portes-lès-Valence, en 1955, l’arrivée d’une lampe
électrique neuve annonce une fin proche pour les lanternes à acétylène qui
l’encadrent; de gauche à droite, une lanterne SNCF à grand carburateur,
une ex-PLM et une SNCF à petit carburateur; les deux SNCF sont allumées.
Photorail-Long
PO-Midi-Goursat-coll. A. Gernigon
Photorail
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Historail
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Le titre
Historail
a été retenu
avec l’autorisation du musée
du chemin de fer HistoRail
de Saint-Léonard-de-Noblat.
Historail
Historail
Toutcequevousvoulezsavoirsurl’histoiredurail
N°15-Octobre2010–Trimestriel-9,90
130ans
delanternes
ferroviaires
•LesEnguerthdel’Est
•Lareconstruction
desdépôtsduNord
•Lestrainsmarchandises-
voyageurs(2
de
partie)
130ans
delanternes
ferroviaires
Sommaire
Octobre 2010
Historail
Social
– Il y a 100 ans, la grande grève des cheminots
p.6
et ses enjeux médiatiques
– Sur le réseau Ouest-État: un témoignage
d’Eugène Poitevin
Matériel
– Les Enguerth de l’Est: des vapeurs ardennaises
p.12
au service de l’industrie
Dépôts
– Dans les coulisses de la reconstruction des dépôts du Nordp.26
Ouvrage d’art
– Latrape: un tunnel au lourd passé
p.38
Exploitation
– Les trains marchandises-voyageurs:
p.40
la France à petite vitesse (2
partie)
Dossier photos
Les belles lanternes de chemin de fer
p.62
Courrier
p.112
Livres
p.114
Photo de couverture:
fanal à pétrole restauré présenté sur la 130 B 348 de l’Ajecta au dépôt de Longueville,
en août 2010 (D. Paris).
Octobre 2010
Historail
A
u printemps 1910, le Syndicat
national des travailleurs des
chemins de fer fait campagne pour
le relèvement des salaires des chemi-
nots: minimum de 5francs pour
tous par journée effective de travail,
revendication traduite en un mot
d’ordre simple: « La thune pour
tous! » De plus, la loi votée en 1909
instituant un régime des retraites des
cheminots n’est pas rétroactive (1):
autre motif de mécontentement. Le
refus des grandes compagnies de
céder à la pression syndicale contri-
bue à élargir le front social. Sur le
Nord, le nouveau régime d’« exploi-
tation intensive » du réseau pousse à
bout les roulants, entraînés par le
mécanicien Toffin de la Fédération
des mécaniciens et chauffeurs (2),
ralliée ainsi au Syndicat national.
C’est au Nord que la grève, décidée le
10octobre, démarre le lendemain,
suivie le 12 sur le Réseau de l’Ouest-
État, où les leaders du Syndicat na-
tional revendiquent une orientation
« révolutionnaire », hostiles à tout
recours avec le Parti socialiste, en ne
comptant que sur l’action syndicale.
Ils ont réussi au congrès fédéral de
décembre 1909 à mettre un terme à
« la dictature » de Guérard, secré-
taire général jugé trop « réformiste »,
sans pour autant s’emparer de la
direction fédérale. La grève sera en
réalité affaiblie par les vives tensions
qui minent les états-majors du Syn-
dicat national.
Qui plus est, le gouvernement s’est
préparé à affronter cette grande
grève: un plan de mobilisation mili-
taire a été fourbi dans le plus grand
secret. Dès le 11, le chef du gouver-
nement, Briand, décide la mobili-
sation des cheminots « pour une
période d’instruction de 21 jours ».
Alors que les refus entraînent de pre-
mières révocations, l’armée occupe
les gares de la région parisienne et
autres centres névralgiques. La géo-
graphie de la grève révèle l’ampleur
de la fracture interne au Syndicat na-
tional: les 43000 grévistes (13 % des
effectifs des réseaux) sont les plus
nombreux sur les deux réseaux de
l’Ouest-État (15000) et du Nord
(16000). Les dissensions internes
et la répression gouvernementale
conduiront à l’échec de la grève:
après 10 jours, la reprise est générale
le 19octobre.
En région parisienne, les lignes de
banlieue avaient été fortement tou-
chées: aubaine pour les journalistes
et photographes de la presse pari-
sienne, découvrant pour la première
fois les scènes inédites et pittoresques
que suscite la paralysie du trafic sur
les lignes de la banlieue ouest. D’un
côté, l’envahissement des gares par
la gent militaire, malhabile à remplacer
les grévistes; d’autre part, les foules de
voyageurs en détresse circulant sur les
voies, parfois les cheminots grévistes
au pied de leur trophée, une loco-
motive déraillée… Très nombreuses
seront les cartes postales qui figeront
ces diverses scènes. Près d’une ving-
taine de cartes, marquées « F. F. Paris »,
caractérisées par une pièce de 5francs
en surimpression rappelant le motif
de la grève, seront ainsi abondam-
ment diffusées. Nous reproduisons ici
huit photos originales d’une collec-
tion appartenant à Pierre Tullin.
Chaque photo porte au dos une in-
dication de légende, soit ronéotée en
bleu (photos 2, 3, 4, 5, 7), soit ma-
nuscrite au crayon (1, 6, 8). Elles ont la
même origine, que signale la mention
suivante: « Reproduction interdite.
Copyright M. Branger Photo-Presse,
5, Rue Cambon, Paris».
Cet intérêt opportuniste de la presse
et des éditeurs de cartes postales pour
cette riche manne médiatique n’a pas
exclu un traitement plus critique de
la grève telle que suivie par des jour-
nalistes dépendant d’une presse bien-
pensante, respectueuse de l’autorité
des grandes compagnies. C’est tout
l’intérêt du témoignage du syndica-
liste Eugène Poitevin que d’évoquer
à la fois le pittoresque de ces scènes
de grève et leur signification sociale,
mais aussi de pointer les limites « po-
litiques » des reportages qu’elles ont
suscités.
Georges RIBEILL
(1) Voir G. Ribeill,
Histoire du régime
des retraites des cheminots des origines
à nous jours (1850-2003),
Dixmont,
2003, p.57-61.
(2) Organisation catégorielle à l’origine
de l’actuelle FGAAC.
En octobre 1910, le réseau ferré est touché par un important
mouvement de grève des cheminots qui prendra fin
au bout de 10 jours vaincu tout à la fois par la répression
gouvernementale et les divisions internes aux syndicats.
Ces événements ont fait l’objet d’une large couverture
médiatique à l’époque, rédactionnelle et photographique,
sur laquelle nous revenons un siècle plus tard.
Social
[ il y a 100 ans, la grande grève
L
es grands informateurs qui se van-
tent de tout dire n’ont pas montré,
au cours de cette grève, grand souci
de renseigner fidèlement leurs lecteurs.
Nous ne supposions pas ces génies
du journalisme moderne qui savent si
habilement noircir, huit jours durant,
trois grandes colonnes à propos du
petit chapeau de Liane de Pougy (2),
ah! non, nous ne les supposions pas
de force à pousser l’abnégation, par
complaisance envers les Compagnies,
jusqu’à priver leur clientèle des récits
savoureux qu’ils eussent pu lui servir
sur les aspects si divers des beaux
jours de la grève. Et cela, c’est bien
du sabotage journalistique.
Que faisiez-vous donc, messieurs les
reporters? Aviez-vous donc abandonné
le service comme de vulgaires chemi-
nots? Ce n’était pas le moment, je
vous assure. Aviez-vous un bœuf sur
la langue, ou une entrave aux jambes
qui vous mît à la mode du jour?
Peut-être avez-vous tout vu, peut-être
savez-vous tout, peut-être direz-vous
tout… à votre heure? Mais votre ra-
goût sentira l’éventé, quelles que soient
les épices dont vous l’assaisonnerez.
Pendant la matinée du premier jour de
grève, devant les trains arrêtés, alignés
à la queue leu leu, on ne pouvait se
défendre de la sensation d’un désas-
tre, d’une catastrophe, épouvantable.
Les quais étaient vides d’employés, les
compartiments bondés de voyageurs.
Le public qui arrivait dans les gares avec
l’intention de prendre un train regar-
dait avec stupéfaction ce spectacle vrai-
8-
Historail
Octobre 2010
Soldats gardant
la voie au dépôt
de Bois-Colombes
(voie 1 du groupe IV.)
Coll. P. Tullin/DR
Sur le réseau Ouest-État:
un témoignage d’Eugène Poitevin
La revue syndicaliste
La Vie ouvrière
consacra son numéro
du 5 novembre 1910 à faire un bilan de la grève, à rapporter
aussi plusieurs témoignages à chaud émanant des divers réseaux.
On doit à Eugène Poitevin (1) l’article reproduit ci-dessous,
où il s’en prend particulièrement au « sabotage journalistique »
de la grève, à des reporters qui, prompts à faire leur Une de faits
divers, « devenus subitement aveugles, sourds et muets », ne
s’intéressèrent pas au sort des cheminots emprisonnés. Pacifiste
et antimilitariste, son récit souligne aussi de manière originale
la sourde sympathie qui pouvait rapprocher des cheminots
en grève les soldats appelés à briser leur mouvement.
ment extraordinaire. Il regardait, mais
sans animosité contre le personnel. Puis
chacun prenait son parti de la situation
et se rendait vers son travail, soit à pied,
soit par un moyen de locomotion quel-
conque, ou bien se décidait à reprendre
le chemin de son domicile.
Cette patience du public devant un
événement qui dérangeait toutes ses
habitudes, contrariait tous ses besoins
et tous ses plaisirs, simplement gênant
pour quelques-uns, forte ment préju-
diciable pour le plus grand nombre;
cette patience, cette sympathie, dirai-
je même, du public pour le mouve-
ment des cheminots, fut bien l’une des
plus grandes surprises de mon exis-
tence. Et si je n’avais eu une foi ardente
dans la légitimité de nos revendications,
cet état d’âme des premières et inno-
centes victimes de la grève m’eût fixé
aussitôt. Revenus de leur ahurissement,
les voyageurs descendaient alors en
pleine voie, déchargeaient eux-mêmes
leurs bagages et se préoccupaient d’un
moyen de transport.
Oh! ce spectacle des voitures réquisi-
tionnées: depuis l’immense tapissière,
jusqu’aux plus étroites guimbardes à
l’aspect séculaire. J’ai vu jusqu’à quinze
personnes dans un char-à-banc. Où
étiez-vous, pousse-pousse de nos ex-
positions universelles et vous, antiques
et vénérables chaises à porteurs?
Pendant ce temps, le boutiquier s’amu-
sait fort sur le pas de sa porte et le
piéton en oubliait la chaussée boueuse
et les éclaboussures des autos.
Le deuxième jour voit finir le tumulte
joyeux des surprises. Cela fait place à
un vide et à un calme angoissants. Les
voies sont désertes. Pas un sifflet ne
jette dans l’atmosphère grise sa note
aiguë. Les premiers qui se font en-
tendre, dans les environs des dépôts,
ont l’air comme enrhumés. Les Com-
pagnies veulent donner l’illusion d’une
réorganisation du service et font cir-
culer des machines montées par un
soldat du génie, flanqué d’un beau
monsieur. L’armée française et le beau
monsieur arrivent à faire peut-être
beaucoup de bruit; n’empêche, ils
n’ont pas le coup de main. La machine
n’a pas son cri des jours ordinaires. Il
n’a pas dû y avoir grande besogne
de faite.
Pourtant, sur l’Ouest (ancien) (3), dans
l’après-midi, quelques trains circulent,
grâce au personnel fourni par l’État
(ancien). Et des wagons passent à
vide, personne n’osant risquer l’aven-
ture d’un cent mètres à l’heure ou
d’un tour de Paris en 80 jours. Dans
un poste d’aiguilleur, j’ai vu un soldat
en chemise; il suait, il jurait pour faire
manœuvrer un signal dont le disque
s’obstinait à se placer de guingois.
L’hésitation des voyageurs était telle-
ment compréhensible et je m’explique
que des policiers payés pour cela et
quelques chefs se soient seuls décidés
à entreprendre ces voyages au long
cours. Dans un wagon de première,
un gros chef lisait ostensiblement son
journal; trois heures plus tard, à son
retour, il le lisait encore. Jaunes de peur,
l’air inquiet comme des bêtes traquées,
deux ou trois renégats se pressaient
lentement vers le fourgon à bagages,
pour la descente de quelques rares
colis. «Quoi! vous avez peur des
apaches. Allez, allez, qu’ils y vien-
nent!» disait un chef de train pour
qui une bonne augmentation com-
pensera la révocation dont furent frap-
Octobre 2010
Historail
des cheminots et ses enjeux médiatiques ]
Soldat garde-
barrière sur la ligne
du Nord au
passage à niveau
de Saint-Ouen.
Sur la ligne
Ouest-État,
un sapeur
du génie remplit
les fonctions
d’aiguilleur.
Photos coll. P. Tullin/DR
pés ses camarades de misère. Les bons
bougres qui, la veille, avaient fait des-
cendre de sa machine un mécanicien
d’un train de marchandises et qui, pen-
dant qu’il éteignait son feu, débar-
rassaient le tender de son charbon,
avaient pourtant une autre valeur
morale que ce chef de train, plat valet
en quête d’avancement.
Durant le troisième jour se manifesta
le maximum de l’effort patronal; mais
le quatrième se ressentit du surme-
nage effroyable et criminel imposé
aux misérables effectifs restés fidèles
à leurs exploiteurs. Le fait d’un train
circulant, contre tous les règlements,
avec un seul homme sur la machine,
n’est pas de ceux dont je peux ré-
pondre comme l’ayant vu; mais j’en
tiens la nouvelle pour vraie, tant elle
est vraisemblable.
[…]
Nous n’avons pas encore parlé de
la troupe, de la présence des soldats le
long des voies et dans les gares, dans
les postes d’aiguilleurs, enfin dans
tous les bâtiments des chemins de fer.
Nous négligerions la partie la plus
intéressante de cette histoire anec-
dotique de la grève, si nous n’insis-
tions pas sur ce point.
À ce côté spécial de nos impressions
qui nous font considérer ce frotte-
ment des militaires en service com-
mandé avec les cheminots et le
public comme ayant été le plus im-
portant moyen de propagande anti-
militariste employé jusqu’à ce jour,
nous soulignerons cet acte mémora-
ble des cheminots déposant devant
le président de la séance du jeudi, à la
Bourse du travail, des milliers d’ordres
de mobilisation.
Pourquoi les forts ténors de la bonne
presse ne firent-ils pas à ce geste dont
les conséquences morales sont consi-
dérables, tous les honneurs d’une in-
dignation qu’ils doivent pourtant avoir
grand’ peine à contenir?
Mais ces admirables reporters, dont
quelques-uns, pendant l’affaire Stein-
heil, se découvrirent un flair policier
au moins égal à celui de Sherlock
Holmes, sont devenus subitement
aveugles, sourds et muets; ils ne vi-
Social
[ il y a 100 ans, la grande grève
10-
Historail
Octobre 2010
Photos coll. P. Tullin/DR
À la grille de Paris-
Saint-Lazare,
sur l’Ouest-État,
des voyageurs
parlementent avec
les soldats pour
prendre le train.
En bas à g.:
à la gare Saint-
Lazare, des soldats
affectés au service
des bagages.
En bas à d.:
locomotive mise
en travers de
l’aiguille V 1-V 2
à la sortie de la gare
de Colombes,
direction Bois-
Colombes sur
la ligne d’Argenteuil.
Octobre 2010
Historail
S
’il fut des locomotives des plus
familières et présentes dans la
mémoire collective de générations
de cheminots ardennais, ce sont bien
les «z’inguertes»!
Jusqu’au début des années 1950,
à Mohon, à Charleville, à Givet, à
Lumes, les riverains des emprises fer-
roviaires pouvaient voir s’époumoner
d’antiques locomotives contempo-
raines des premiers temps du chemin
de fer. Ces vieilles «bouilloires» (1)
terminaient alors une longue carrière,
assurant d’obscurs services de
manœuvres au «Petit Bois» à Char-
leville, en gare de Tournes, au port de
Givet, aux ateliers de Mohon. Au
dépôt de Lumes, quelques-unes de
ces antiquités assuraient encore ponc-
tuellement un service de ligne,
notamment la desserte du CFIL (che-
min de fer d’intérêt local) Vrigne-
Meuse – Vrigne-aux-Bois ou encore
le «chiffonnier» de Raucourt (2).
Dans l’entourage de nos familles
cheminotes, à Nouvion, à Villers-
Semeuse, à Lumes, à Amagne, les
amis, les voisins cheminots retraités
et… mon père évoquaient les «z’in-
guertes»…
Marcel Hardy, dit «Tarzan» (1903-
1987), mécanicien de route, retraité
de Lumes: «Ah! les “z’inguertes”,
ces vieilles casseroles… Fallait pas faire
des gros feux sur leur petite grille. La
“production” était laborieuse avec
leur échappement à valves… Pour
“décrasser le poêle”, y fallait sortir les
“os” (3) par la porte du foyer, y avait
pas de bascule jette-feu à la grille. Oh,
j’ai encore fait le “Vrigne-aux-Bois”,
en 50-51, avec une “inguerte”, peut-
être ben la 604 ou la 608…»
Mon père, Roger Villemaux (1921-
1996), «arpète» au dépôt de Lumes
en 1937: «Aux “arpètes”, en deu-
xième ou troisième année, nos promo-
tions assuraient le “levage” (4) d’une
petite machine, soit une 4900 (5), soit
une “inguerte”; moi j’ai concouru au
levage d’une “inguerte”; la 604…
En fin de troisième année, les arpètes
clôturaient leur formation par un stage
de chauffeur. J’ai fait mon stage à la
chauffe sur la 596, une “inguerte”…»
Et tous ces aînés d’évoquer les «z’in-
guertes», une «inguerte»… Tout
gamin, déjà, j’étais un passionné du
chemin de fer et surtout des locomo-
tives à vapeur; et aux questions pres-
santes que j’adressais à ces aînés sur
l’origine de l’appellation «inguerte»
– c’est ainsi qu’ils orthographiaient
dans les correspondances que j’ai eues
avec eux par la suite –, ceux-ci, bien
embarrassés, répondaient par un bref
et laconique propos: «Je n’ sais pas
trop d’où provient cette appellation.»
Dans les années 1950-1960, il n’y
avait pas d’ouvrages spécialisés qui
auraient pu apporter réponse à ma
curiosité, à moins qu’un cheminot ou
non, érudit de l’histoire de la traction
à vapeur, n’y répondît, mais je n’en ai
jamais rencontré à l’époque.
La genèse de ces locomotives remontait
à 1856 pour les 25 premières. À l’ori-
gine, elles reproduisaient un type de
locomotive pour lignes de montagne
à disposition d’essieux 032T et 042T,
étudiée par un ingénieur autrichien,
Wilhelm von Engerth, et ce dès 1851.
Le banc d’essai de ces engins primitifs
fut la ligne de Vienne à Trieste par le
col du Semmering.
À l’aube des premiers chemins de fer,
ces engins ayant donné satisfaction
pour l’époque, les réseaux ferrés tels
la Compagnie du Midi et le Nord,
notamment, en firent reproduire en
disposition d’essieux 022 T, 032T,
042T. La Compagnie de l’Est en fit
aussi l’acquisition, avec des caracté-
ristiques proches, à l’usine Schneider
du Creusot (actionnaire de la Com-
pagnie) en 1856-1857. Elles seront
En avril 1949,
la 040 A 604, de
Lumes, vient d’être
mutée à Troyes, où
elle finira sa carrière
aux ateliers voitures
de Romilly.
Un cheminot
facétieux
l’avait baptisée
«Rosalie»
sur les portes
de la boîte à fumée.
Roger Villemaux,
jeune apprenti
au dépôt de Lumes,
assurera avec
ses camarades
de promotion
le «levage»
de cette machine
durant l’année
scolaire 1938-1939.
Les 4900
constituent une
autre série de
petites locs. Ces
machines-tenders
furent construites
pour des services
de manœuvres
entre 1907 et 1912.
Elles devinrent
à la SNCF les 040
TA 901 à 990.
Elles furent
réformées dans
les années 1950,
après les livraisons
massives de
locotracteurs
diesels. Ici, la 040
TA 909, du dépôt
de Châlons,
dernière des 4900
à avoir été en
service. Détachée
à l’atelier-magasin
de Saint-Dizier,
elle sera radiée
le 7 février 1962.
Photos coll. F.Villemaux
Matériel
[ les Engerth de l’Est:
alors les plus puissantes locomotives
de leur génération. Mais ces machines
Engerth de l’Est étaient agressives
pour la voie et manquaient d’adhé-
rence en raison de la rigidité de
l’ensemble locomotive-tender.
À partir de 1860, l’ingénieur de la
Traction Est, M.Sauvage, va faire pro-
céder à leur découplement aux ate-
liers d’Épernay en les transformant en
locomotives à tender séparé (deve-
nues à disposition d’essieux 040).
La transformation concernera aussi
l’application d’un lest en fonte de
3700kg dans la traverse avant pour
améliorer la répartition de la charge
sur les essieux et la tenue en ligne.
Ainsi modifiées, elles vont devenir
d’excellentes locomotives pour service
de marchandises sur les lignes à mau-
vais profils ouvertes par la Compagnie
de l’Est durant la décennie 1860. Ces
Engerth d’origine modifiées, numé-
rotées Est 164 à 188, reçurent la
numérotation «zéro» (désignant les
locomotives à marchandises) Est
0.501 à 0.525. Selon les errements
en vigueur, elles avaient été baptisées
de noms tirés des personnages de
l’œuvre de Rabelais… La truculence
de ces noms mérite d’être rapportée
(voir tableau page15).
Ces 25 engins modifiés en 040vont
avoir une longue descendance. À la
veille du conflit franco-prussien de
1870-1871, deux lots de locomotives
ont déjà été livrés par l’usine Schnei-
der au Creusot et la Société alsacienne
à Graffenstaden, avec quelques
variantes dans les dimensions et les
apparaux par rapport aux 25 Engerth
modifiées. Ces machines seront les
dernières à la Compagnie de l’Est à
être baptisées (sous-séries 0.526 à
0.541 et 0.542 à 0.557). Elles vont
porter des noms de localités, notam-
ment du Luxembourg, de la Belgique
francophone, de Lorraine, d’Argonne,
localités atteintes par les lignes de
chemin de fer dans la grande région
durant la décennie 1860 (6).
Gage de leurs qualités de conception
et de leur robustesse, la construction
des 0.500 va se poursuivre jusqu’en
1886 et constituer la grande «série
9» Est 0.501 à 0.691.
Ces 190 machines vont être désignées
usuellement par le personnel (mais
improprement pour l’essentiel) sous
l’appellation «Engerth». Ce terme
va perdurer, mais son origine se perdra
pour les dernières générations de
cheminots qui les ont connues dans
leur état définitif.
14-
Historail
Octobre 2010
La salle
d’apprentissage
des ateliers de
Mohon (mai 1942).
Sur les tréteaux,
la 040 A 592,
du dépôt de Givet,
en «levage».
La grande opération
de révision sera
assurée par
les «arpètes» des
promos 1939-1941
et 1940-1942.
L’usine du Prieuré
à Mont-Saint-Martin
(Meurthe-et-
Moselle), vers 1912.
À ses débuts (1865-
1870), on y trouvait
les plus grands
hauts-fourneaux
de France.
Ce site constituera
l’apport du baron
Oscar d’Adelsward
à la création de
la Société des
aciéries de Longwy.
Photos coll. F.Villemaux
Octobre 2010
Historail
Les premières 0.500 «Engerth»
apparaissent à l’effectif du dépôt de
Mohon à l’ouverture de la première
ligne de Charleville à Hirson par
Rimogne et Auvillers en mai1869.
Cette ligne réalise désormais la liaison
entre les deux bassins miniers et indus-
triels émergents de la Lorraine et du
Nord; le profil difficile rencontré après la
gare de Tournes – une rampe quasi
continue à 14,15‰ pour «monter le
plateau de Rocroi» jusqu’à Maubert-
Fontaine – justifie l’affectation de ces
premières Engerth dans les Ardennes.
Les Engerth ardennaises,
pionnières de la sidérurgie
moderne dans le bassin
de Longwy
Le point de départ de cette épopée est
constitué par une découverte qui va
avoir un retentissement considérable.
Deux ingénieurs anglais, Sydney Tho-
mas et Percy Gilchrist, découvrent en
1878 un procédé qui permet désormais
la transformation de la «minette»
lorraine en acier de qualité (7). Les gise-
ments de «minette» sont connus
depuis les premiers temps de la métal-
lurgie; on en trouve en affleurements
abondants sur la lisière frontalière belgo-
luxembourgeoise de Gorcy à Villerupt,
et son extraction en est aisée par
«minières» ou galeries foncées à flanc
de coteau.
Au début du
XIX
siècle, des maîtres
de forges (les Labbé, d’Huart, de Sain-
tignon…) exploitent ce minerai
médiocre à forte teneur phosphoreuse
avec en moyenne 33% de fer pur.
Ce minerai n’est transformable qu’en
fonte de moulage ou d’affinage.
Après la découverte de la machine à
vapeur, première révolution industrielle,
le procédé de Thomas Gilchrist est
quasiment une seconde révolution
industrielle, qui va faire de la Lorraine la
région phare de production de l’acier
national durant un siècle… Le 1
juin
1880 est fondée la Société des aciéries
de Longwy. La première coulée d’acier
Thomas a lieu le 19février 1883 à
l’usine Labbé de Mont-Saint-Martin.
Dans ce sillage, d’autres maîtres de
forges et capitaines d’industrie déve-
loppent de nouvelles installations
durant les décennies 1880-1890:
Senelle-Maubeuge, Hauts Fourneaux
de la Chiers à Longwy, la Providence
à Réhon, Raty à Saulnes, Société d’Au-
brives et Villerupt à Villerupt… Parmi
les premiers «aciéristes» de Longwy et de
Mont-Saint-Martin, des Ardennais; les
maîtres de forges lorrains, connaissant
la tradition séculaire des Ardennes du
travail des métaux et le savoir-faire de
ses ouvriers, vont implanter dans le
département durant les décennies à
venir nombre de leurs succursales de
transformation à Sedan, Blagny,
Brévilly, Flize, Messempré, Monthermé-
Laval-Dieu, Vireux, Aubrives… Les demi-
produits– billettes, largets, coils, feuil-
lards, fil machine, gueuses de fonte –
sont destinés aussi aux entreprises de
fonderie, forges et estampages, et à
toutes les «boutiques» de nos vallées
industrielles ardennaises…
Le minerai est pour le moment
consommé par les hauts-fourneaux à
proximité, à Longwy, Mont-Saint-
Martin, Moulaine, Saulnes, Villerupt…
Mais une demande extérieure émerge
depuis les usines de l’Escaut (Denain,
Valenciennes) et de la Belgique. Pour la
production d’acier, il faut de la houille,
du coke, de la castine. Ensuite, pro-
duits finis et demi-produits doivent être
transportés (même les scories des acié-
ries Thomas produisent un excellent
engrais pour l’agriculture)… Toute
cette activité qui se développe génère
des vapeurs ardennaises au service de l’industrie ]
La loc 0.558
de Mohon, vue
à Bazeilles en 1875.
Elle est dans son
état d’origine, avec
sa chaudière sans
dôme, timbrée à
8hpz. Son mécano
(en veste blanche!)
pose la main sur
la commande de
l’injecteur Giffart.
La 0.558 a été
la première 0.500
construite aux
ateliers d’Épernay,
en 1872.
Les tenders usuels
de la série n’ayant
pas tous été livrés,
elle est ici associée
au tender 0.509,
tender hybride
provenant du
découplement des
«vraies Engerth»,
les 0.501-525
de 1856.
0.501Gargantua
0.502Grandgousier
0.503Gargamelle
0.504Pantagruel
0.505Panurge
0.506Rondibilis
0.507Alcofribas
0.508Badebec
0.509Bringuenarille
0.510Bruslefer
0.511Entommeures
0.512Gabara
0.513Gaster
0.514Grippeminaud
0.515Picrochole
0.516Tourquedillon
0.517Carpalin
0.518Raminagrobis
0.519Bridoie
0.520Trinquamelle
0.521Triboulet
0.522Riflandouille
0.523Tailleboudin
0.524Nabuzardan
0.525Saulpiquet
Numéros
QuantitéDate des livraisonsConstructeurs
Le Creusot
Graffenstaden
Fives-Lille
Ateliers d’Épernay
SACM
SACM
Le Creusot
SACM
Le Creusot
P. Gillet/Coll. F.Villemaux
Octobre 2010
Historail
tres de ce maelström économique
qu’accompagnent de fortes migrations
de population étrangère (des Belges,
des Polonais et surtout des Italiens, qui
vont constituer le gros du personnel
de fond des nouveaux puits, mais aussi
dans le «vieux» bassin minier de Hus-
signy-Villerupt). Patronat et pouvoirs
publics, dépassés, tardent à mettre des
structures d’accueil dignes pour cette
main-d’œuvre et leurs familles. Cette
population est hébergée de manière
précaire dans des baraquements, et
elle «cantine» un peu partout aux
abords des puits de mines. Dans cette
région sensible où règne un certain
climat d’espionnite, un commissariat
spécial est implanté à Longwy pour
surveiller tous ces «étrangers
bruyants» aux coutumes bien diffé-
rentes de celles des paisibles laboureurs
locaux. De cette situation naît un mou-
vement social vigoureux, qui aura pour
point d’orgue une grève très dure
(1905) des mineurs de Hussigny-
Thil-Villerupt, que ces derniers tentent
d’élargir aux métallurgistes de tout le
bassin de Longwy. Immense frayeur
des maîtres de forges, qui vont en tirer
des enseignements pour l’avenir. Toute
cette période intense, exaltante et
confuse à la fois, ce «nouvel horizon»,
fera écrire à Gérard Noiriel, universi-
taire et historien incontournable de la
métallurgie et du monde du travail:
«À cette époque les régions de Briey,
Longwy et la zone frontière, c’était
comme un véritable “Far West”.»
Nous voilà apparemment loin de notre
sujet… Pourtant, la logistique de trans-
port ferroviaire doit s’adapter à ce
«big bang». Les sièges de mines sont
désormais éloignés des usines de
transformation, et la demande en
minerai s’élargit: au sud, les Hauts-
Fourneaux de Pont-à-Mousson, les
Aciéries de Pompey (qui ont fourni
l’acier de la tour Eiffel); au nord, la
sidérurgie belge et luxembourgeoise;
au nord-ouest, les bassins industriels
de l’Escaut (Valenciennes, Denain,
Lourches…), de la Sambre (Mau-
beuge-Louvroil, Hautmont…). Le défi
à relever est considérable. Toutes les
adaptations sont décidées certes en
conseil d’administration et dans les
bureaux d’études des services centraux
de la Compagnie de l’Est, au 23, rue
d’Alsace à Paris, mais c’est depuis
Charleville que vont être encadrés et
affinés tous les projets de travaux.
Charleville est déjà le siège des arron-
dissements administratifs qui recou-
vrent l’organisation des chemins de fer
de l’Est dans les Ardennes et la partie
nord des départements de la Meuse
et de la Meurthe-et-Moselle, dont ce
«bassin» de Longwy-Briey (8). Une
structure du service de la Voie, division
des études et travaux, est créée dans
un immeuble de l’avenue Forest à
Charleville (9). Depuis Charleville, ses
bureaux d’ingénieurs et leurs planches
à dessin vont aboutir à ces travaux
pharaoniques de la décade 1900.
1902 : mise à double voie de la
ligne
11 Est, Longuyon – Pagny-sur-
Moselle;
décembre1906: mise en
service du nouvel itinéraire Charleville-
Hirson par Rouvroy, Liart – ligne 31
Est, itinéraire à double voie, canton-
nement par électrosémaphore, les
déclivités ne dépassant pas 8,5‰
(àl’époque, la zone de Charleville-
Mohon et la ligne de Hirson par la
«déviation» de Laval-Morency sont
complètement saturées); 1906-1907:
ouverture des lignes Baroncourt –
des vapeurs ardennaises au service de l’industrie ]
Arrivée en gare
de Revigny,
le 5 juin 1906, d’un
train de voyageurs
de la ligne 6,
Hirson – Revigny,
remorqué
par la 0.557,
du dépôt d’Amagne.
La machine a
encore son état
d’origine. La 0.557
sera la dernière
0.500 à être
baptisée
(«Clermont-en-
Argonne»).
Au dépôt
d’Amagne, en 1912.
La 0.533,
baptisée «Spa»,
est une machine
à chaudière
sans dôme,
timbrée à 8,5 hpz.
A. Henry/Coll. F.Villemaux
P. Gillet/Coll. F.Villemaux
Matériel
[ les Engerth de l’Est:
18-
Historail
Octobre 2010
Audun-le-Roman et Valleroy-Audun –
Villerupt, permettant la desserte des
carreaux des nouvelles mines de fer;
1908-1909: implantation d’une
grande gare de triage régulatrice à
Nouvion-Lumes, tandis que s’élèvent
trois nouveaux dépôts de locomotives,
à l’architecture commune, à Conflans-
Jarny (une rotonde), à Lumes (une
rotonde), à Mohon (deux rotondes
jumelées) (10). Tout cela s’accom-
pagne de la construction de grands
faisceaux d’attente dans les gares de
concentration de mines (Conflans,
Baroncourt, Audun-le-Roman…), de
raccordements directs à certaines bi-
furcations (Longuyon, Écouviez…), et
de voies d’évitement-circulation dans
plusieurs gares de Longuyon à Hirson.
Les Engerth à la peine…
et à l’honneur
Et nos braves Engerth? C’est leur
chant du cygne. Ce sont elles qui vont
assurer, au tout début du
des trains dont le nombre va en faire
une véritable noria
Mais ce n’est plus
tenable avec leur charge limitée à 750t
sur les sections de ligne les plus faciles
et cette rupture de charge qui abaisse
le tonnage des trains à 450t au-delà
de Charleville vers Hirson. Depuis la
sortie de construction des dernières
Engerth, en 1886, les progrès tech-
niques en matière de locomotive à
vapeur ont été considérables, notam-
ment avec l’apparition du moteur
compound
(11); en outre, une avan-
cée révolutionnaire en matière de ther-
modynamique avait lieu aux Chemins
de fer prussiens, en Allemagne, avec
la «surchauffe» (12). Ces progrès
étaient nécessaires avec l’élévation
générale du tonnage des trains de
toute nature. Concernant le transport
de pondéreux, vont apparaître les
wagons-tombereaux à charge unitaire
de 15t, puis 20t et même 40t avec
les premiers grands wagons minéra-
liers à trémie. C’est dans cet environ-
nement que voient le jour, en 1902,
deux locomotives prototypes au dépôt
de Longuyon; elles reproduisent une
locomotive type 140 –
compound
quatre cylindres – étudiée par la
Société alsacienne et remise quelques
mois auparavant à la Compagnie du
Midi pour le service difficile de la ligne
des Causses, de Béziers à Neussargues.
Numérotées Est 4001 et 4002, ces
deux locomotives effectuent des
essais d’endurance de Longuyon à Hir-
son ainsi que sur la section de Longwy
à Villerupt, qui présente la rampe la
plus sévère dans l’est de la France
(23‰). Elles seront la tête de série de
173 locomotives 4000 qui sortiront de
construction de 1905 à 1912 –n° Est
4003 à 4175 (série 12). Les premières
livrées (4003 à 4070), de 1905 à 1909,
sont affectées aux dépôts de Mohon,
Longuyon et Amagne. Ce sont désor-
mais les 4000qui relèvent les vieilles
Engerth. Elles vont assurer un service
sans défaillance, en dépit de quelques
défauts de vaporisation qui les feront
surnommer par leurs équipiers les
«dures au gaz». Au départ des nou-
velles gares de concentration de mines
de Baroncourt et Audun-le-Roman, au
départ des faisceaux de Longwy-Mont-
Saint-Martin, ces 4000 remorquent des
trains de 1450t jusqu’à Lumes et
Givet-Frontière, avec toujours une
«rupture de charge» au-delà de Char-
leville vers Hirson, la charge étant
réduite à 950t. C’est le double des
performances des Engerth. Avec ces
progrès et tous les travaux d’aména-
gement évoqués, cet itinéraire de ro-
cade Longuyon – Hirson sera, en 1913,
la ligne au tonnage kilométrique trans-
porté (TKT) le plus élevé du monde…
La légendaire artère nord-est était née.
Jusqu’à leur déclin, les Engerth auront
remorqué les trains les plus lourds de
leur époque, et ce, sans le frein
continu à air agissant sur le train. Le
freinage, tant pour l’arrêt que pour la
dérive dans les pentes, était assuré par
des «freins à vis gardés», répartis
dans le corps du train. Le chef de train,
dans son fourgon de tête derrière la
machine, puis un, deux, trois agents
(selon le tonnage) occupant des vigies
hautes sur des wagons équipés, enfin
le «conducteur d’arrière», chargé du
«frein à vis de queue» et de la «pro-
tection arrière» (13): ces agents
actionnaient leur frein à vis selon un
code donné au sifflet de la locomotive
par le mécanicien.
Dans les pentes parsemant les itiné-
raires empruntés, avec 25, 30, 35
petits tombereaux de minerai derrière
la loco, le mécanicien d’une Engerth
(et d’une 4000 durant leurs premières
années) contenait l’allure de son train
par la marche à contre-vapeur. On par-
lait alors de «battre la vapeur»…
Par une vanne depuis le poste de
conduite, le mécanicien admettait de
l’eau dans les conduits d’échappement
Jusqu’à leur déclin, les Engerth auront remorqué
les trains les plus lourds de leur époque
Le dépôt
des machines
d’Amagne, en 1905.
Sont présentes sur
le cliché deux des
machines les plus
représentatives de
la traction
marchandises dans
les Ardennes de
l’époque: à gauche,
une 0.500 Engerth;
à droite, une 030
«Zéro» Schneider
provenant
de la Compagnie
primitive
des Ardennes.
Coll. F.Villemaux
Octobre 2010
Historail
Malgré leur technologie vieillotte et
leurs performances dépassées, plus de
100 Engerth sont encore en service
au début des années 1930. La série est
dispersée (parfois un seul engin est
affecté) dans de nombreux dépôts Est,
où les machines assurent des services
secondaires: manœuvres de gare,
trains de travaux, et aussi les «renforts
en queue». Ainsi, dans la grande
région, les dernières Engerth de Ver-
dun assurent la pousse en queue des
lourds trains de chaux pour monter
la rampe du tunnel de Tavannes; à
Amagne, elles donnent le renfort en
queue (pousse non attelée) pour
«monter Launois»… Les dernières
Engerth de Châlons sont «renfort en
queue», pour «monter la Veuve»
(sic)…
À Lumes, ce sont 12 Engerth
qui «font l’ouverture» du dépôt
comme «établissement titulaire» en
septembre1920, où elles assurent les
nombreuses navettes marchandises de
l’ensemble ferroviaire Charleville-
Mohon- Lumes- Vrigne-Meuse – Fais-
ceau Sedan et les trains de desserte
locale sur les lignes faiblement armées,
tels le Chemin de fer d’intérêt local
Vrigne-Meuse – Vrigne-aux-Bois et la
desserte Monthermé-Laval-Dieu –
Phades. Concernant cette dernière
desserte, avec la longueur de l’étape
depuis Lumes ajoutée à la durée des
manœuvres, la capacité en eau du ten-
der était insuffisante et, à Monthermé,
il n’y avait pas d’installations fixes de
prises d’eau (château d’eau, grues
hydrauliques). Pour pallier cette sujétion
du service, l’équipe de la loco utilisait
un appareil spécial, le «Bohler»,
appareil consistant en une manche à
eau terminée par une crépine jetée à la
Semoy, eau aspirée depuis une prise
de vapeur branchée sur le «robinet
trois voies» du souffleur de la loco-
motive. Ce mode de prise d’eau res-
tait exceptionnel sur les grands réseaux,
alors qu’il était communément utilisé
sur les petites locomotives du réseau
CFD Ardennes de la ligne Monthermé-
Sorendal-Les Hautes-Rivières et Nou-
zonville – Gespunsart.
À la création de la SNCF, en 1938,
il restait 49 Engerth à l’effectif de la
nouvelle région Est, renumérotées
040 A (numéros compris entre 509 et
691). La moitié était à l’inventaire des
dépôts de l’arrondissement de Char-
(voir tableau page 24).
Après la Libération, la disponibilité des
locomotives de manœuvres 040 TA
et des modernes 040 TX (de techno-
logie allemande, construites en France
durant la guerre, du type KDL
Kriegsdampflokomotive,
«locomo-
tive à vapeur de guerre») précipite le
retrait des Engerth. Toutefois,
quelques unités sont reprises en
«levage» jusqu’en 1947-1948. La
dernière Engerth ardennaise – la
040 A 608 – «tombe le feu» au
dépôt de Givet au cours de l’hiver
(voir tableau page 24).
De nos jours, une vraie Engerth
remise à l’état d’origine est préservée
au musée de Mulhouse: la locomo-
tive 312
Adour
de la Compagnie du
Midi, construite par l’usine Kessler à
Esslingen en 1854… Pour ce qui est
de «nos» Engerth, celles de l’Est,
et compte tenu de leur carrière
exceptionnelle, la 0.540, qui fut long-
temps pensionnaire des dépôts de
Mohon et Longuyon, avait été rete-
nue avec mesures conservatoires pour
le futur musée national du Chemin
de fer et garée à son retrait de service
au dépôt de Sézanne en novem-
bre1953. Mais, dans l’euphorie de
la modernisation de la traction et à
une époque où la sauvegarde du
patrimoine historique n’était pas une
priorité, la 540 fut découpée dans
l’indifférence générale…
Francis VILLEMAUX
des vapeurs ardennaises au service de l’industrie ]
Conflans-Jarny…
Cette modeste
remise à machines
dans les années
1880 était rattachée
au dépôt de Verdun,
puis à celui
de Longuyon.
L’explosion du trafic
de pondéreux
(1900-1910) fait
élever le site
au rang de dépôt
titulaire en 1910,
rattaché à
l’arrondissement
traction de
Charleville.
La rotonde est
semblable à celles
de Mohon et
de Lumes, mais
avec un grand
atelier jumelé.
Vue du gril en 1922,
où domine la
«cavalerie lourde»
des locs 4000
à surchauffe.
Au milieu,
une Engerth 0.500.
Revin (Ardennes),
1912 : traversant
la gare, un train
complet de charbon
belge est remorqué
par la 4071,
de Mohon, mise
en service dans
ce dépôt en 1911.
Ce fut la première
machine de cette
série à être équipée
de construction
de la surchauffe
(lot 4071-4090,
issu des ateliers
d’Épernay
en 1911-1912).
Photos coll. F.Villemaux
Matériel
[ les Engerth de l’Est:
22-
Historail
Octobre 2010
À partir de 1905,
les 4000 vont
remplacer
progressivement
les Engerth 0.500.
Sur ce beau cliché
de 1910, on voit
la 4011, de Mohon,
sur le pont
enjambant la Meuse
à Revin, en tête
d’un train de
charbon.
Les Engerth
d’Amagne vont
elles aussi être
remplacées par
les nouvelles 4000.
Ici, la 4063 est vue
à Amagne en 1912
(elle avait été livrée
neuve à ce dépôt).
Ces 4000 assuraient
les trains de
la sidérurgie lorraine
vers le bassin
parisien, avec
de longues (pour
l’époque) étapes,
Longuyon – Amagne
et Amagne –
Noisy-le-Sec.
La 0.608 sera
la dernière Engerth
ardennaise
en service. Elle a été
réformée
au dépôt de Givet,
en avril1953.
On la voit ici,
le 26août 1934,
au dépôt d’Amagne,
où elle assurait
la pousse des trains
dans la rampe de
Launois (renfort en
queue non attelé).
Coll. F.Villemaux
Coll. F.Villemaux
P. Gillet/Coll. F.Villemaux
26-
Historail
Octobre 2010
En prolongement de la parution récente d’un ouvrage
consacré à la carrière des dépôts vapeur du Nord*, retour
sur le programme de reconstruction des établissements
endommagés ou détruits élaboré au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale. Des projets dont certains
n’aboutirent pas, tandis que l’édification de nouvelles
rotondes P sur d’autres emplacements fut finalement
abandonnée.
Dépôts
Dans les coulisses
de la reconstruction
des dépôts du Nord
À Valenciennes,
vue générale,
côté intérieur,
de la rotonde
de type P
alors en
construction
(22février 1949).
Octobre 2010
Historail
ar suite de l’ampleur des bom-
bardements subis par ses dépôts
de locomotives, notamment en 1944,
la SNCF se trouva à la Libération
devant un programme considérable
de reconstruction des remises à
machines. Celui-ci portait sur une su-
perficie totale d’environ 200000m².
Sur le Nord, seul le dépôt de Petit-
Thérain fut entièrement démoli. D’au-
tres sites furent à peine moins touchés,
avec un degré de destruction de
95 % (Valenciennes, Aulnoye…).
En dehors des cas particuliers repré-
sentés par les dépôts Est de Chau-
mont, Châlons-sur-Marne et Nancy-
Heillecourt, dont les projets de dé-
localisation dans de nouvelles
installations ultramodernes pour
l’époque avaient été approuvés dès
1941, la politique d’aménagement et
de reconstruction des dépôts dépen-
dait étroitement des dommages
subis et de la situation future proje-
tée. En effet, la SNCF avait engagé un
important programme d’électrifica-
tion qui devait avoir une incidence sur
l’avenir de certains dépôts.
Aussi, la reconstruction de ces der-
niers fut adaptée au cas par cas, en
fonction bien entendu des dégâts
causés aux installations. La SNCF était
ainsi confrontée aux différents cas de
figure suivants:
remise en état sur le plan primitif;
reconstruction à l’identique;
reconstruction sur un nouvel empla-
cement (Calais, par exemple);
reconstruction avec installations ren-
forcées;
remise en état avec amélioration et
modernisation des installations;
rationalisation des installations;
suppression pure et simple (cas de
Petit-Thérain, sur le Nord).
Pourtant, au fil des ans et en fonction
des enveloppes financières allouées à
la reconstruction ainsi que des maté-
riaux immédiatement disponibles pour
ce faire, ce programme évolua d’une
manière significative. Certains projets
n’aboutirent d’ailleurs pas, du fait
principalement des nouvelles orienta-
tions prises en matière de modes de
traction, mais aussi des retards accu-
mulés, ceux-ci rendant de fait certains
programmes caducs.
Les rotondes prennent
le pas sur les remises
Avant d’entreprendre la reconstruc-
tion des remises à machines, le Ser-
vice technique des installations fixes
de la SNCF se devait d’examiner si les
orientations qui prévalaient précé-
demment dans le domaine de l’amé-
nagement des dépôts devaient être
maintenues ou corrigées. Ce faisant, il
devait rechercher, en outre, les dispo-
sitions en matière de construction les
plus appropriées afin de concilier le
souhait d’une exploitation facile et les
considérations d’économie qui préva-
laient au moment de la reconstruc-
tion. Enfin, il lui fallait prendre des
mesures pour standardiser et préfa-
briquer autant que possible les
éléments de la construction.
* M. Chavy et O. Constant,
Les Dépôts
vapeur du Nord
, Éd. La Vie du Rail.
Coll. J.-M. Steiner
Dépôts
[ Dans les coulisses de la reconstruction
28-
Historail
Octobre 2010
arrondissement traction
La Chapelle
10%
77 vapeurs + 15 autorails
Remise en état à l’identique
La Plaine
90%
125 vapeurs
Reconstruction sur le type ancien, modernisé par un gril
d’entrée, un gril de sortie, un pont transbordeur de 24m
et une travée d’atelier type
Creil
85%
104 vapeurs + 12 autorails
Reconstruction avec installations renforcées pour absorber
Petit-Thérain et le centre «autorails» de Compiègne
Petit-Thérain
100%
0 vapeur
Supprimé
Beaumont
60%
44 vapeurs
Remise en état provisoire en attente d’électrification de la banlieue
Crépy
35%
22 vapeurs
Reconstruction sur le type ancien modernisé (pont tournant
de 23m, amélioration de la circulation)
arrondissement traction
Lens
60%
109 vapeurs
Reconstruction sur le type ancien, modernisé avec,
en 2
urgence, le rapprochement des grils d’entrée et de sortie
Valenciennes
95%
120 vapeurs + 3 autorails
Dépôt renforcé aux dépens d’Hirson. Reconstruction suivant
le plan type
Béthune
90%
92 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type
Somain
95%
79 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type
Douai
90%
61 vapeurs
Reconstruction sur le plan ancien, modernisé par juxtaposition
des grils d’entrée et de sortie et emploi d’un transbordeur
de 24m
Arras
80%
51 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type sur un nouvel emplacement
Cambrai
80%
28 vapeurs + 17 autorails
Reconstruction suivant le plan ancien, modernisé
par un atelier type et la couverture d’un secteur de rotonde
Saint-Pol
50%
13 vapeurs
Reconstruction à l’identique
arrondissement traction
Longueau
70%
117 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type avec conservation de l’atelier
et d’une rotonde
Amiens
25%
71 vapeurs + 20 autorails
Reconstruction suivant le plan ancien avec, en 2
urgence,
modernisation par un gril de sortie et par des ponts transbordeurs
de 24m et de 27m. Première étape en cours
Boulogne
80%
82 vapeurs + 8 autorails
Reconstruction suivant le plan type sur un nouvel emplacement
(projet de la ville de Boulogne), mais remise en état sommaire
des installations pour durer jusqu’à la construction définitive
à Outreau
Beauvais
75%
22 vapeurs + 8 autorails
Reconstruction suivant le plan ancien et création d’un centre
d’autorails par suite de la suppression du centre de Compiègne
Abbeville
60%
11 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type sur un nouvel emplacement
(projet de la gare d’Abbeville), mais remise en état sommaire des
installations pour durer jusqu’à la construction du dépôt définitif
arrondissement traction
Aulnoye
95%
118 vapeurs
Reconstruction suivant le type ancien avec, en 2
étape,
modernisation par un pont transbordeur de 27m
Tergnier
50%
117 vapeurs
Reconstruction en cours suivant le type ancien avec, en 2
étape,
modernisation par un secteur de rotonde et rapprochement
des grils. Dépôt renforcé aux dépens de Laon
Hirson
75%
64 vapeurs + 4 autorails
Dépôt réduit. Reconstruction en cours. 1
urgence
de la modernisation: une rotonde
Laon
80%
66 vapeurs + 12 autorails
Dépôt réduit. Reconstruction suivant le type ancien avec
une rotonde à exécuter en 1
urgence, juxtaposition des grils
et du centre d’autorails
Busigny
95%
38 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type
Compiègne
25%
18 vapeurs
Reconstruction à l’identique, avec suppression
du centre d’autorails
Aménagement et reconstruction des dépôts de la région Nord
Dépôts
Degré de
Situation projetée
Nombre de levages
Travaux à effectuer
destruction(parc engins)
mensuels
Octobre 2010
Historail
Le Service central du matériel adopta,
en premier lieu, comme règle géné-
rale le classement des machines sur
des voies rayonnantes et non sur
des voies parallèles. En clair, la SNCF
marqua alors sa préférence pour les
rotondes au détriment des remises
rectangulaires. Par cette décision, elle
enterrait une bonne fois pour toutes la
controverse qui, depuis des décennies,
avait vu s’affronter les adeptes de
l’une ou de l’autre des solutions. Tout
en évitant les contraintes d’un trian-
gle de tournage, l’utilisation d’un pont
tournant permettait de positionner
une locomotive et de la faire sortir du
dépôt dans un minimum de temps.
Gare, cependant, aux locomotives qui
tombaient parfois dans la fosse et qui,
de fait, pouvaient immobilier plusieurs
dizaines d’engins prêts à assurer leur
service! De plus, le système des
rotondes permettait de réduire sensi-
blement les surfaces d’emprise pour
un parc de machines équivalent.
L’emploi, au contraire, d’un gril amé-
ricain avec des voies correspondant à
trois engins – façon Sotteville ou
Nantes-Blottereau – nécessitait le
déplacement d’une machine froide
lorsqu’il s’agissait de sortir rapidement
une locomotive en pression. Enfin, les
remises rectangulaires des dépôts
importants étaient desservies par un
pont transbordeur, équipement qui,
à l’usage, se révélait plus coûteux et
plus délicat à l’entretien qu’un pont
tournant.
Compte tenu de ces considérations,
c’est la rotonde en anneau ou en sec-
teur d’anneau qui fut choisie dans la
majeure partie des cas, et il fut décidé
de mettre au point des bâtiments
types.
Les rotondesP sur le Nord
Au-delà de la simple reconstruction
des bâtiments détruits ou endom –
magés, c’est véritablement l’édifica-
tion des toutes nouvelles rotondes P
qui fut le symbole de la remise en état
des établissements vapeur. À l’origine
de l’étude menée par l’architecte Paul
Peirani, associé à l’ingénieur Bernard
Lafaille (ce dernier s’illustra également
dans la construction de la nouvelle
église de Royan), une augmentation
envisagée de la longueur des futures
locomotives à vapeur. En plus du type
normal, correspondant à un pont
tournant de 24 m et auquel les tech-
niciens imposèrent un vide intérieur
de 29 m, quelques rotondes conçues
pour être équipées d’un pont de 27 m
furent édifiées avec un vide de 34 m.
On se souvient ici que la SNCF était
toujours en négociation avec la Com-
pagnie des forges et aciéries de la
marine et de Homécourt en 1946-
1947 pour la construction de deux
machines prototypes 152 P qui
devaient préfigurer la traction vapeur
de l’avenir. Ce programme, dont le
développement était confié au célè-
bre ingénieur André Chapelon, fut
finalement abandonné devant les
progrès réalisés ou à venir des autres
modes de traction.
Au nombre de quatre, dont trois sur la
région Nord (Béthune, Longueau et
Somain), ces rotondes avaient donc
des dimensions amplifiées par rapport
au type normal. Baptisées type G, une
appellation plutôt curieuse puisque
ce type existait déjà (les rotondes G
ex-PLM conçues au début des années
1920), elles présentaient un rayon
extérieur de 71,70 m et un rayon
intérieur de 37,05 m.
Mais par suite du développement
escompté de l’électrification, la
conception de rotondes unifiées de
type G fut abandonnée dès 1947.
En conséquence, toutes les autres
rotondes P – 15, dont huit sur la région
Nord – de type normal vont présenter
les caractéristiques suivantes:
nombre de voies rayonnantes: 48;
largeur disponible entre les poteaux
intérieurs: 4,50 m;
rayon intérieur: 36,45 m;
longueur des fosses de réparation:
25 m;
rayon extérieur: 66,7 m;
hauteur façade extérieure: 12,95 m.
La rotonde P se signalait donc par la
répétition de modules identiques
des dépôts du Nord ]
arrondissement traction
Fives
95%
91 vapeurs + 15 autorails
Reconstruction suivant le plan type dans le cadre du projet général
de Lille
La Délivrance
55%
81 vapeurs
Reconstruction en cours suivant le plan ancien avec, en 2
étape,
modernisation par adjonction d’une rotonde découverte
et juxtaposition des grils
Dunkerque
25%
72 vapeurs + 9 autorails
Reconstruction sensiblement sur le plan ancien. Développement
du centre d’autorails
Calais
90%
79 vapeurs
Reconstruction suivant le plan type dans le cadre du projet général
de Calais
Hazebrouck
20%
41 vapeurs
Reconstruction suivant le plan ancien modernisé par juxtaposition
des grils d’entrée et de sortie
Tourcoing
75%
56 vapeurs
Reconstruction suivant le plan ancien. En 2
urgence, modernisation
par extension de la rotonde et regroupement des grils
Saint-Omer
25%
11 vapeurs
Reconstruction à l’identique
Aménagement et reconstruction des dépôts de la région Nord
(suite)
Dépôts
Degré de
Situation projetée
Nombre de levages
Travaux à effectuer
(parc engins)destruction
mensuels
Octobre 2010
Historail
Centre des archives historiques de la
SNCF du Mans nous ont amené à
découvrir des projets de construction
de cinq rotondes supplémentaires (à
Arras, à Béthune, à Boulogne, à Calais
et à Valenciennes). La physionomie de
certaines installations vieillissantes,
voire inadaptées au trafic de l’après-
guerre, en aurait été profondément
bouleversée.
Intéressons-nous tout d’abord à Arras.
Ce dépôt avait été détruit à 80 %, et
un effectif de 51 vapeurs était projeté
dans les années de l’après-guerre. Une
correspondance datée du 1
octobre
1945 fait mention d’un projet de
construction d’une rotonde P de
type G comportant 26 voies couvertes
dont 14 avec une fosse de 30 m et
12 avec une fosse de 12 m. Ces voies
auraient été desservies par un pont
tournant de 27 m. Le projet fait aussi
état de la mise en place d’un atelier
accolé à la rotonde et d’un « triangle
de virage » des locomotives.
Cette reconstruction suivant le plan
type sur un nouvel emplacement ne
fut pas suivie d’effet, et le dépôt
conserva ses remises et un hangar
aussi anachroniques que les 230 D qui
stationnaient dessous durant les der-
nières années.
Ce n’est pas une mais deux rotondes
P qu’aurait dû comporter le dépôt de
Béthune. En plus de celle de type G
érigée à partir de 1945, une seconde
rotonde de dimensions beaucoup plus
réduites aurait dû être édifiée. Un plan
daté du 5 février 1946 évoque la
construction d’une rotonde de huit
voies couvertes (sur fosses de 25 m) et
de 37 voies découvertes (+ trois voies
d’accès), le tout étant desservi par un
pont tournant de 24 m. Ce projet ne
fut pas mené à bien, et seule la rotonde
P de type G (40 voies couvertes) fut
effectivement mise en service en
mars 1948.
des dépôts du Nord ]
31-
Historail
Octobre 2010
1. Mise en place
du pont tournant sur
le site de Somain
février 1947).
2. Toujours à Somain,
construction
de la rotonde P
(28avril 1948).
3. À Valenciennes,
la construction
de la rotonde P
et l’installation
de la plaque
tournante sont
en cours
(6décembre 1948).
4. La rotonde P de
Laon est quasiment
achevée
(5mai 1948). On
distingue les hottes
d’évacuation des
fumées, en cours
d’installation.
On notera enfin
la grande surface
occupée par
les baies vitrées.
Photos coll. J.-M. Steiner
Dépôts
[ Dans les coulisses de la reconstruction
Tout comme Arras et Béthune, Bou-
logne avait beaucoup souffert des
bombardements de la Seconde Guerre
mondiale. Ses installations devaient
donc être reconstruites sur un nouvel
emplacement, plus précisément à
Outreau, dans le cadre d’un projet de
la ville de Boulogne. Un plan daté du
9 février 1945 et intitulé « 3
projet
de reconstruction » prévoyait donc
l’édification d’une rotonde P de type
G comportant 37 voies couvertes
dont deux de circulation, le tout étant
desservi par un pont tournant de
27 m, d’un parc découvert de 48 pla-
ces(dont 44 de remisage) relié à la
rotonde P par une voie de circulation,
d’un vaste atelier de six voies et d’une
remise autorails à quatre voies. Si les
installations de ce nouvel établisse-
ment étaient plus éloignées de la
gare et des voies du port, elles pré-
sentaient au moins l’avantage d’être
pratiquement accolées au triage
d’Outreau. Au fil des mois, le projet
évolua significativement, tant et si
bien qu’un programme n° 5 de
reconstruction fit l’objet d’un nou-
veau plan, daté du 22 mai 1946. La
rotonde P était dorénavant dotée de
38 voies couvertes, les installations
comprenant également un parc décou-
vert de 48 voies desservies par un
pont tournant de 24 m, d’un atelier
de type B de six voies et d’une remise
à autorails de type C² à cinq voies.
Ce projet semblait déjà avoir peu de
chances d’aboutir si l’on prend pour
référence un courrier du 23 août
1946. En effet, il y était indiqué: « La
construction d’un nouveau dépôt à
Outreau ne paraît pas devoir être
réalisée à brève échéance et le
dépôt va continuer à être utilisé pen-
dant une période assez longue et
d’ailleurs indéterminée. Pour per-
mettre au dépôt de faire face à
l’accroissement prévu du trafic, il
conviendrait d’apporter quelques
améliorations aux installations. » Et
la correspondance de détailler les
opérations à mener, dont la mise en
place de quatre hangars trapézoï-
daux au-dessus des voies 6 à 12.
Comme à Calais, ces installations
provisoires perdurèrent, et le projet
de reconstruction du dépôt de Bou-
logne tomba finalement à l’eau.
À 42 km de là, le dépôt de Calais
devait être reconstruit sensiblement
suivant le plan ancien. Pourtant, son
degré de destruction était de 90 %,
soit 10 % de plus qu’à Boulogne.
C’est donc sans surprise qu’une cor-
respondance datée du 1
décembre
1945 confirma la mise en œuvre du
projet de reconstruction sur un nou-
veau site. L’ingénieur en chef, chef du
Service du matériel et de la traction,
indiquait alors: « Sur la demande des
Services de Reconstruction et de
l’Urbanisme, M. le Directeur des Ins-
tallations Fixes a décidé de reporter le
dépôt actuel au droit du triage de
Rivière-Neuve dans un terrain à
acquérir. Nous avons étudié un pro-
jet de dépôt de capacité sensiblement
équivalente à celle du dépôt actuel,
en nous inspirant des directives que
vous [la direction du Service central
du matériel, NDLR] nous avez don-
nées pour les plans types. L’ancien
dépôt de Calais avait en juillet 1939
quatre-vingt-deux machines à l’effec-
tif, 72 y rentraient par jour et 80 pou-
vaient y remiser simultanément. Les
destructions ont affecté les parties
vitales du dépôt: rotondes, les 3/4 de
l’atelier, tous les bâtiments à l’usage
du personnel et endommagé le pont
32-
Historail
Octobre 2010
À Longueau,
la construction
du toboggan
est achevée
(18 octobre 1951).
Soit plus de sept ans
après les derniers
bombardements…
Coll. J.-M. Steiner
Dépôts
[ Dans les coulisses de la reconstruction
34-
Historail
Octobre 2010
arrondissement
La Plaine
6 grues
Compresseur
Rétablis en provisoire
Toboggan
1) Pont de 17m
70%
hydrauliques
sur 3/4 du parcours
2) Une plaque fonctionne
électriquement, l’autre à main
Creil
5 grues
Compresseur
100kW, extérieur
Grue
1) Un pont de 17m
70%
hydrauliques
en provisoire
2) Pont de 24m
Pont de 17m
Beaumont
1 grue
Compresseur
Rétablis
Grue
1) Néant
100%
hydraulique
2) Néant
Crépy-en-Valois3 grues
Compresseur
Rétablis
Grue
1) Néant
hydrauliques
2) Pont de 17m en service
arrondissement
Lens
5 grues
Compresseur
200 kWA
Portique
1) Néant
90%
hydrauliques
à scories
2) Triangle
de rentrée
Valenciennes
5 grues
Compresseur
Sous-station provisoire
Grue
1) Néant
65%
hydrauliques
2) Pont de 24m en service
Pont de 23m en cours,
fonctionne à main
Béthune
4 grues
Compresseur
Sous-station intacte
Toboggan
1) Néant
80%
hydrauliques
Éclairage des installations
2) Pont de 24m
provisoires réalisé
Somain
3 grues
Compresseur
Sous-station provisoire
Toboggan
1) Détruit
70%
hydrauliques
en service
2) Triangle
Éclairage provisoire
Douai
3 grues
Compresseur
Sous-station partiellement Grue
1) Néant
90%
hydrauliques
en service 50 kWA
2) triangle
Éclairage intérieur des locaux
occupés réalisé
Arras
100%
Compresseur
Rétablis
Grue
1) Néant
95%
2) Triangle
Cambrai
3 grues
Pompe
Sous-station provisoire
Grue
1) Néant
85%
hydrauliquesWestinghouse
2) Pont de 24m
Saint-Pol
100%
Néant
Rétablis
Toboggan
1) Néant
100%
2) Triangle
arrondissement
Longueau
7 grues
Pompe
150 kWA
Portique
1) Néant
80%
hydrauliquesWestinghouse
à scories et
2) Pont de 24m
grue Caillard
Amiens
100%
Compresseur
100%
Toboggan
1) 22m en service
100%
2) Deux ponts de 24m
Boulogne
2 grues
1 groupe
Rétablis provisoirement
Grue
1) Détruit
90%
hydrauliquesde 8kW
2) Pont de 24m
Beauvais
100%
Compresseur
Rétablis
Grue
1) Néant
100%
2) Triangle
Abbeville
100%
Néant
Rétablis
Potence
1) Néant
80%
2) Triangle
arrondissement
Aulnoye
4 grues
Compresseur 400 kWA
Portique
1) Néant
90%
hydrauliquesmobile
Éclairage extérieur partiel
à scories
2) Triangle
Tergnier
9 grues
Compresseur
200 kWA
Toboggan
1) Néant
80%
hydrauliques
Éclairage intérieur
2) Triangle
Laon
3 grues
Petit
200 kWA
Portique
1) Néant
60%
hydrauliquescompresseur
Éclairage intérieur
à scories
2) Triangle
Situation au 1
er
septembre 1945
Dépôts
Installations Air compriméÉclairage et
Chargement 1) Transbordeurs
Machines-outils
d’eau
force motrice
combustible2) Ponts tournants
(% en service)
Octobre 2010
Historail
blies pour le dépôt après la guerre,
soit un effectif de 120 locomotives,
115 rentrées journalières et une
capacité de stationnement simulta-
née de 85 machines.
Là encore, ce projet ne vit pas le jour,
et une seule rotonde P desservie par
un pont tournant de 24 m fut ache-
vée en 1948. Cet abandon trouva sa
justification six ans plus tard avec
l’électrification d’une première partie
de l’artère Nord-Est. À partir de 1954,
les installations du dépôt de Valen-
ciennes étaient donc vouées à péri-
cliter tôt ou tard.
Une reconstruction étalée
sur une dizaine d’années
La reconstruction des dépôts de la
région Nord débuta dès la Libération,
intervenue en septembre 1944. Pour
Dunkerque, cette remise en état ne
débuta pas avant l’été 1945, cette cité
ayant été tenue par l’occupant alle-
mand jusqu’au 9 mai 1945.
La reconstruction démarra par une
phase de déblaiement des gravats
dans les dépôts. Cette tâche était déjà
terminée pour les dépôts suivants au
septembre 1945: Beaumont,
Crépy, Longueau, Amiens, Boulogne,
Beauvais, Abbeville, Valenciennes,
Béthune, Somain, Douai, Arras, Saint-
Pol, Aulnoye, Tergnier, Hirson, Busi-
gny, Compiègne, Hazebrouck et
Saint-Omer.
Les degrés de déblaiement pour les
autres dépôts étaient les suivants:
95 % pour Lens, Cambrai et Tour-
coing;
90 % pour Creil, La Plaine, Fives,
La Délivrance et Calais;
70 % pour Laon.
Dans le même temps, la remise en
état des diverses installations se pour-
suivait, ainsi qu’en témoigne le
tableau ci-contre, qui reprend de
façon exhaustive la situation au
septembre 1945.
Concernant les surfaces couvertes,
seuls les dépôts de Crépy et de Saint-
Omer pouvaient faire état d’une
remise en état achevée. Au sein des
grands établissements, la situation
était moins reluisante. Ainsi, à Valen-
ciennes, qui comprenait 9675m² de
surface couverte (remise ou rotonde)
avant la guerre, pas le moindre mètre
carré n’avait été, au 1
septembre
1945, remis en état! La situation était
analogue aux dépôts de La Plaine,
d’Arras, de Cambrai, de Saint-Pol, de
Beauvais, de Hirson, de Calais et de
Tourcoing. En revanche, La Délivrance
pouvait se prévaloir de 7800m²
restaurés (sur 9100m²) et Longueau,
de 5600m² (sur 12360m²).
Les capacités de remisage consti-
tuaient également un excellent éclai-
rage de la remise en état progressive
des installations
(se reporter au
tableau p.36).
Autant dire dans ces conditions que le
travail des agents d’entretien et des
équipes de conduite était pour le moins
difficile, surtout en période hivernale.
En attendant l’édification de nouvelles
rotondes P et la remise en état des
installations, c’étaient surtout les hangars
qui apportaient une solution provi-
soire – de qualité toute relative – pour
abriter les locomotives et le person-
nel travaillant dessus. À la fin de
des dépôts du Nord ]
Hirson
3 grues
Compresseur
Force motrice normale
Toboggan
1) Néant
40%
hydrauliques
réalisé au grand entretien
et grue
2) Triangle
Busigny
2 grues
Néant
100 kWA
Grue
1) Néant
80%
hydrauliques
Éclairage intérieur
2) Pont de 24m
et extérieur
Compiègne
100%
Compresseur
Rétablis
Grue
1) Néant
80%
2) Triangle
arrondissement
Fives
70%
Pompe
Sous-station en état
Grue
1) Néant
100%
WestinghouseÉclairage en cours
2) Pont de 24m en service
La Délivrance
3 grues
Compresseur
Force motrice en état
Toboggan
1) Néant
100%
hydrauliques
Éclairage extérieur en cours
2) Triangle
Calais
2 grues
Pompe
Sous-station provisoire
Grue
1) Néant
100%
hydrauliquesWestinghouseÉclairage en cours
2) Pont de 24m en service
Tourcoing
100% – eau Compresseur
Force motrice en état
Grue
1) Néant
100%
non adoucie
Éclairage en cours
2) Pont de 24m en service
Saint-Omer
100%
Compresseur
En état
Grue
1) Néant
100%
2) Pont de 17m en état
Hazebrouck
1 grue
Compresseur
Force motrice en état
Grue
1) Néant
100%
hydraulique
Éclairage extérieur en cours
2) Pont de 14m en état
Triangle
Dunkerque
Pas d’eau
Compresseur
Force motrice normale
Grue
1) Néant
90%
Pas d’éclairage
à chenilles
2) Triangle
Situation au 1
er
septembre 1945
(suite)
Dépôts
Installations Air compriméÉclairage et
Chargement 1) Transbordeurs
Machines-outils
d’eau
force motrice
combustible2) Ponts tournants
(% en service)
Octobre 2010
Historail
de hangars à autorails à Boulogne et
à Beauvais et d’une troisième voie
d’accès au toboggan à Lens, à Somain
et à La Délivrance.
Preuve que la reconstruction était
désormais en bonne voie, huit
dépôts virent l’achèvement de tra-
vaux au cours de l’année 1949. En
voici la liste exhaustive:
La Plaine: gros œuvre de l’atelier
diesel;
Creil: mise en service de la rotonde
sud (type P) et mise en place du
pont tournant nord (27 m) desser-
vant le parc découvert;
Somain: mise en service de la ro-
tonde P, du gril et de la sous-station;
Valenciennes: sablerie, gril partiel;
Longueau: toboggan;
Boulogne: hangar à autorails;
Hirson: mise en service de la
rotonde P;
Fives: bâtiments et une partie de
rotonde P.
Au nombre de neuf, les opérations
terminées en 1950 avaient concerné
notamment l’achèvement du gros
œuvre de l’atelier diesel de La Plaine,
la mise en place d’un pont tournant
de 27 m à Valenciennes, la mise en
service du hangar autorails à Laon et
l’installation du silo portique et d’un
distributeur à briquettes à Fives.
Les années suivantes permirent de faire
disparaître certaines installations pro-
visoires et de parachever l’équipe
ment des dépôts en les dotant de nou-
veaux bâtiments modernes, comme
des bureaux administratifs (à La Plaine
et à Longueau) et des foyers (à Fives, à
La Plaine). Il fallut cependant attendre
1953 pour voir la rotonde P de Fives
achevée, celle de Tourcoing l’ayant
été l’année précédente.
Dix ans après la Libération, les tra-
vaux menés dans les dépôts concer-
naient principalement la réalisation
de bâtiments d’hygiène et de foyers
et la poursuite de l’aménagement
des bureaux.
Certaines de ces installations, pour-
tant ultramodernes, furent cepen-
dant rapidement désertées par les
locomotives à vapeur et ce, d’autant
que le Nord fut la première région
SNCF à se passer de ce mode de
traction (dès le mois de mai1971).
Ainsi, la rotonde de Tourcoing ne fut
effectivement utilisée que durant une
vingtaine d’années. D’autres installa-
tions provisoires comme les hangars
trapézoïdaux de Boulogne et de
Calais ne furent, en revanche, jamais
démontés et terminèrent leur carrière
en même temps que les locomotives
à vapeur.
De toutes ces installations recons-
truites à grands frais après la Seconde
Guerre mondiale, il ne reste plus
grand-chose aujourd’hui. Seule l’une
des deux rotondes P de Longueau
continue d’abriter des engins « moder-
nes », tandis que les remises et autres
ateliers de La Chapelle, d’Amiens, de
Longueau et de Lens ont été adaptés
à l’entretien des locomotives diesels
et électriques et des autorails.
Olivier CONSTANT
(Nous tenons à remercier l’ensemble
du personnel du Centre des archives
historiques de la SNCF du Mans pour
l’aide apportée lors de la rédaction de
cet article.)
des dépôts du Nord ]
1 et 2. Deux vues
sur la reconstruction
des ateliers
de Laon,
respectivement
le 21avril 1947
et le 25août
suivant.
3. Un aperçu du site
de Douai en 1945.
Photos coll. J.-M. Steiner
Ouvrage d’art
38-
Historail
Octobre 2010
Un X 73500,
assurant
une relation entre
Périgueux et Agen,
à la sortie
du tunnel
de Latrape,
au Km 579
(16 mai 2010).
Latrape:
un tunnel
au lourd passé
Plus long tunnel de la ligne Paris – Tarbes, cet ouvrage construit
sur la section Périgueux – Agen, ouvert en 1863, débouche
sur une gare aujourd’hui fermée, la gare du Got, qui fut
celle de la ville-champignon de Mazeyrolles, née avec l’arrivée
du chemin de fer. Son percement fut endeuillé par une tragédie
aujourd’hui bien oubliée…
Octobre 2010
Historail
la France à petite vitesse – 2
de
partie ]
4223/4232 Nîmes – Sète (77km).
Parmi les MV classiques, une brochette
de parcours excède les 100km, cas de:
Cravant-Bazarnes – Autun (125km);
Chalon-sur-Saône – Lyon-Saint-Paul
(129km);
Valence – Veynes (135km);
Lyon-Brotteaux – Valence (106km);
Oullins – Le Teil (154km);
Le Teil – Nîmes (125km).
Quant aux MV de substitution sur les
axes cordonnés, ils représentent
encore 1139km.
Retour à la normale
et MV en baisse
Alors que le rétablissement des lignes
coupées par les dommages de
guerre se poursuit, la fermeture de
celles ayant un trafic omnibus jugé
déficitaire reprend de plus belle, au
fur et à mesure du retour à la nor-
male. De fin 1944 à fin 1949, la
mesure touche 398km de lignes
appartenant pour la plupart à la
région de l’Est, où la purge concerne
surtout les lignes de Lorraine et
d’Alsace, qui avaient été peu concer-
nées pendant le conflit puisque sous
contrôle du Reich. La remise en ser-
vice du parc vapeur et des voitures
voyageurs endommagées permet de
revenir, dans de nombreux secteurs,
à des marches omnibus classiques.
Par ailleurs, outre les autorails légers
– de type Floirat X 5700 rail-route
autour d’Agen, puis X 5600 FNC
dans plusieurs zones autour des cen-
tres de Bourges, Agen, Montauban,
Annemasse, Nîmes –, sortent deux
séries d’autorails dérivés des De Die-
trich et Renault ABJ d’avant-guerre,
les X 3700 à l’Est et les X 3600 au
Sud-Ouest. Ils provoquent un moin-
dre emploi des trains vapeur omni-
bus et des MV, dont la circulation est
en chute sur les lignes tant princi-
pales que secondaires. Quant à ceux
qui circulent sur les lignes coordon-
nées, où ils étaient réapparus pendant
la guerre, les derniers s’éclipsent vers
1947, les autocars ayant retrouvé
F. Fontaine/Doc.
Y. Broncard/Doc.
Années 1960:
en gare de
Neufchâteau,
sur la transversale
électrifiée Metz –
Dijon, arrivée
du MV 22476
en provenance de
Pagny-sur-Meuse;
derrière
la 040 DE 716,
une voiture
Armistice
ex-allemande.
Sur la ligne
Perpignan –
Villefranche,
encore électrifiée
de façon atypique
en monophasé
16 2/3Hz, arrivée
à Prades d’un
convoi tracté
par une paire
d’automotrices
Z4900,
en octobre 1969.
(1) Il faut signaler l’existence à partir de 6novembre 1944,
suite au lancement d’un ouvrage provisoire au viaduc
de Moret, jusqu’au rétablissement du tronçon
Les Laumes – Dijon le 6février 1945, des MV 4301/4300
Paris-Lyon – Les Laumes, via Corbeil et Laroche (270km).