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UGS : HR22 Catégories : ,

Description

• Portfolio. À la belle époque des trains de marchandises
• Dijon. L’acte Idu tramway
• Feuilleton. Les automotrices du jeudi
• Le musée d’Ambérieu
• Louis Armand: l’orgueil de ma fatigue
Juillet 2012
Historail
U
n président qui prend le train, ce n’est pas nouveau: l’histoire politique de la France
s’est longtemps confondue avec son histoire ferroviaire. Les présidents
des trois républiques aimaient les trains, pour voyager, pour faire campagne, pour signer
des armistices. Avant François Hollande, donc, le premier Président de la V
République,
Charles de Gaulle, préféra ce mode de locomotion qui le dispensait de banquets
républicains lorsqu’il parcourait les provinces françaises.
Le roman-photo que vous propose
Historail
est tiré d’un film réalisé par un ancien chef
de Traction du Général, Jean Denis. Il raconte avec une émouvante précision petits détails et
moments forts du 23
voyage de Charles de Gaulle qui se déroulait dans les Pays de la Loire.
Un document inédit qu’
Historail
est heureux de vous proposer, le DVD de ce voyage étant,
lui, sous presse et bientôt disponible.
Autre document passionnant de ce numéro22, le voyage souvenir de Louis Armand,
cheminot homonyme de l’autre, qui nous parle d’un temps où le rail assurait l’essentiel
de la logistique des fruits et légumes. « L’orgueil de ma fatigue » est un splendide
document dont la nostalgie parle à chacun d’entre nous.
V. L.
Photos SP
La lettre de l’éditeur
Votre témoignage nous intéresse…
Les Éditions de La Vie du Rail préparent un beau livre intitulé
Au bon temps des wagons-restaurants
à paraître en octobre2012.
L’auteur recherche des témoignages de chefs de train, de maîtres d’hôtel, de contrôleurs, de chefs cuisiniers ou tout autre
personnel susceptible de raconter la vie à bord des voitures de la Compagnie des Wagons-Lits. Laissez vos coordonnées
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Matériel
6-
Historail
Juillet 2012
Dijon
L’acte 1
tramway
À la rentrée prochaine les premières rames Citadis du nouveau
tramway dijonnais desserviront ville et agglomération
de l’ancienne capitale des ducs de Bourgogne.
Un retour aux sources après un demi-siècle d’interruption.
C
’est en 1876, année où la Com-
pagnie générale des omnibus de
Paris inaugure ses premières lignes à
traction hippomobiles, que naît l’idée
de créer un réseau de transport en
commun à Dijon. Si ce mode de trac-
tion est retenu dans un premier
temps, il faut attendre 1885 pour
voir un avant-projet présenté par
Bardon et Hérault. La situation finan-
cière du premier étant précaire, la
municipalité repousse l’avant-projet
pour éviter une faillite de l’entreprise
amenée à exploiter le tramway. En
1886, Hérault s’associe à Dufrasne
et demande la rétrocession d’un
réseau hippomobile de quatre lignes,
projet qui ne verra pas le jour face
aux importantes dépenses à enga-
ger pour une petite ville comme
Dijon qui ne compte alors que
65000 habitants. Dijon ne dispose
donc toujours pas d’un réseau de
transport en commun.
Mais, les arrêtés municipaux du
31mars et 25juillet 1888, autorisent
MM.Verlin et Levy à exploiter un
réseau omnibus hippomobile. Ce
réseau s’avère relativement réduit,
puisque constitué de seulement
deux lignes, l’une reliant la gare PLM
à l’actuelle place Wilson, l’autre joi-
gnant la place de la République au
pont du Canal. Les voitures, d’aspect
similaire aux tramways hippomobiles,
tractées par deux chevaux sont
dénommées « Cars Rippert », du nom
du carrossier marseillais qui les a
conçues. Le service, au quart d’heure,
était assuré de 7h00 à 22h00, avec
service spécial jusqu’à minuit les soirs
de théâtre. Les correspondances entre
les deux lignes étaient assurées à
Miroir, au croisement de la rue de la
Liberté et de la rue des Godrans. Ce
point est encore aujourd’hui un gros
centre de correspondance de l’actuel
réseau de bus Divia. Ce service s’ar-
rête en 1895, lorsque le tramway
électrique est mis en service.
C’est donc le 1
janvier 1895 que la
Compagnie des tramways électriques
dijonnais, dénommée TED, com-
mence l’exploitation d’un réseau qui
dans un premier temps comptera
quatre lignes:

ligne 1: Caserne-Heudelet – Arsenal
(3,976km);

ligne 2: Gare-de-Dijon-Ville – Gare-
de-Dijon-Porte-Neuve (2,256km);

ligne 3: Place-de-la-République –
Cimetière (3,479km);

ligne 4: Place-Saint-Pierre – Bois-
du-Parc (1,641km).
Soit un réseau de 11,352km, aux-
quels il faut ajouter un raccordement
de 258m greffé sur la ligne 1 pour
rejoindre le dépôt implanté rue des
Trois-Forgerons.
En 1910, une ligne pour Talant est
inaugurée, et l’année suivante le
réseau est remanié:

ligne 1: Gare-Ville – Parc;

ligne 2: Gare-Ville – Cimetière, dont
une partie en tronc commun avec
la ligne 1;

ligne 3: Gare-Ville – Rue-des-Trois-
Ponts;

ligne 4: Gare-Porte-Neuve – Talant,
dont une partie en tronc commun
avec la ligne 1;
Page de droite,
le tramway rue
Rameau à Dijon.
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Historail
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ligne 5: Arsenal – Caserne-Heudelet.
À ce stade, la longueur du réseau
atteint les 27,2km.
mars 1935 voit la mise en
service de la ligne 6, Place-Wilson –
Ouges, d’une longueur de 5,678km
et destinée principalement à desser-
vir le terrain d’aviation militaire de
Longvic.
Les lignes TED coupent les voies du
PLM en de nombreux points.
La ligne 3 coupe la ligne de Chalin-
drey grâce à un passage à niveau!
Les trains étant bien sûr prioritaires,
les traminots doivent marquer l’arrêt
et attendre l’autorisation d’avancer
donnée par le garde-barrière. Le
novembre 1932, l’express Nancy –
Saincaize entre en collision avec un
tramway suite à l’autorisation de fran-
chissement donnée à ce dernier par
l’agent du PN en état d’ébriété…
Quatre morts et de nombreux blessés
sont à déplorer.
La ligne 6 franchit la ligne PLM Dijon –
Belfort par un passage inférieur.
La ligne à voie métrique, à rail de
17kg/m, est noyée dans la chaussée,
sauf la partie en site propre le long de
l’allée du Parc constituée de rails
Vignole de 25kg/m posés sur tra-
verses en bois. Le rayon minimal d’ins-
cription en courbe est de 16m, avec
un alignement minimum de 2m en
courbe et contre-courbe pour pallier
tout déraillement. La voie d’origine,
hormis la section en site propre, type
Marsillon, s’avère d’une pose et d’un
entretien assez délicat puisque consti-
tuée de deux rails similaires à double
champignon reposant sur T métallique
inversé. L’écartement entre les deux
rails DC est rendu par des fourrures
et coussinets en fonte. Elle est pro-
gressivement remplacée par du clas-
sique rail Broca à gorge. La soudure
par aluminothermie se généralise sur
l’ensemble du réseau, améliorant le
confort tout en ménageant la voie et
le matériel.
Les appareils de voie étaient manœu-
vrés manuellement et talonnables.
Le réseau est électrifié en 550/600V
continu. Le courant est produit par
deux machines à vapeur, entraînant
deux dynamos, installées directement
dans le dépôt. À l’origine, les
potences supportant la caténaire
étaient ornementées avec des volutes
dans le style du XIX
siècle. Au centre-
ville, aux endroits où l’installation de
potences n’était pas possible, la caté-
naire était supportée par des câbles
transversaux raccordés aux façades
des immeubles avec des rosaces. Peu
avant 1910, les TED adoptent la prise
de courant par archet en lieu et place
de la perche. Les potences d’orne-
ments sont démontées et remplacées
par de simples poteaux tubulaires. Le
fil, d’une section de 68mm², est à
6,30m au-dessus du rail et est ins-
tallé en zigzag pour permettre une
meilleure usure du frottement, prin-
cipe que l’on retrouve sur toutes les
caténaires. La ligne d’Ouges reçoit
dès sa mise en service des poteaux
en béton, le prolongement de la ligne
5 recevant quant à lui des poteaux
métalliques. La signalisation assez
rudimentaire est assurée par un block
Matériel
Motrice Buire
tirant sa baladeuse,
les «Buffalos»,
place Darcy.
DR/Coll. D. Robin
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lumineux alimenté en 110V et des
disques.
décembre 1961, le couperet
tombe, les tramways disparaissent de
Dijon pour céder leur place à des bus.
Une autre ligne de tramway prend
naissance à Dijon, celle de Gevrey. Elle
a pour particularité d’être d’abord
exploitée par les TED, puis d’être
reprise les CDCO (Chemins de fer
départementaux de Côte-d’Or) en
1921, et incorporée au réseau dépar-
temental, formant de ce fait la ligne
Dijon – Beaune
l’arrière-côte. Mise
en service le 23octobre 1909, elle est
le prolongement naturel de la ligne 1.
Desservant Chenôve, Marsannay-la-
Côte, Couchey et Fixin, elle est dotée
d’un profil assez facile et suit prati-
quement tout le long les différentes
routes et chemins. La longueur totale
du parcours est de 10,577km. Le
rayon de courbure minimal est de
70m, les autres courbes, en faible
nombre, pouvant atteindre les
1500m. Des petits bâtiments en
ciment, avec toiture en tôle ondulée,
d’environ 8m² permettent aux voya-
geurs d’attendre le tramway à l’abri.
Le service est assuré tous les jours
de 6h00 à 20h00 avec passage
d’un train toutes les 40min. Le trafic
annuel atteint tout de même les
400000 voyageurs. Un service de
messagerie est aussi assuré.
La voie, posée sur du ballast de 35cm
d’épaisseur, est constituée de rails
Vignole de 25kg/m, sauf une courte
section de 91m dotée de rails
Broca de 51kg/m à «la barrière de
Beaune » posée sur du sable. Les
haltes de Chenôve, Marsannay-la-
Côte, Fixin et Gevrey sont dotées
d’évitement d’une longueur variant
de 60 à 90m. Les appareils de voie
sont bien sûr manœuvrés à la main.
La vitesse maximale est de 25km/h
pour des trains composés de quatre
véhicules au maximum.
La ligne électrique constituée d’un fil
de 8,25mm² de section est soutenue
par des poteaux tubulaires en acier.
Tous les kilomètres, des interrupteurs
permettent l’isolement de la section
correspondante. À noter que les
trains à vapeur du service Dijon –
Beaune empruntent aussi cette
section électrifiée.
La fermeture intervient le 23mai
LE MATÉRIEL
Motrices Buire
À sa mise en service, le réseau reçoit
20 motrices Buire (du nom des Chan-
tiers de la Buire à Lyon) à deux essieux,
numérotées1 à20. Longues de
7,08m et larges de 2m, elles sont
mues par un unique moteur de
25CV, et captent le courant au
moyen d’une perche. Ces petites
motrices disposent de deux plates-
formes ouvertes de 10places chacune
et une fermée de 16places. Cinq
nouvelles motrices du même type font
leur apparition entre 1900 et 1906,
avec une différence esthétique
puisque le pavillon était galbé. Sans
attelage jusque-là, elles sont équipées
Pour Dijon le tramway d’aujourd’hui
est un retour aux sources.
Une motrice Buire
sur la place Darcy.
DR/Coll. C. Robin
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Historail
utilisées dans un premier temps uni-
quement sur la ligne d’Ouges notam-
ment pour le transport des officiers
de la base aérienne de Longvic. À ce
titre, l’armée a d’ailleurs imposé des
conditions de confort supérieures au
reste du parc dijonnais puisque l’inté-
rieur était en acajou avec des porte-
pots de fleurs! Numérotées 28 à 30
à leur mise en service, elles prennent
les numéros31 à33 en 1940. Avec
leur longueur de 9,34m, elles peu-
vent accueillir 50passagers dont 26
debout. Leur motorisation fait appel à
deux moteurs de 40CV. Intégrale-
ment fermées, les plates-formes sont
dotées de portes à fermeture pneu-
matique dans le but de l’exploitation
avec le conducteur seul à bord. Mais
en définitive, il y aura toujours un
receveur à bord. Pouvant tracter deux
remorques, elles sont équipées du
frein à air en complément du frein
rhéostatique. Toujours en prévision de
l’exploitation en agent seul, un panto
est installé à la place d’un archet, évi-
tant ainsi une manœuvre de retour-
nement de ce dernier au terminus. Du
fait de la présence d’un deuxième
agent, la commande pneumatique
des portes est supprimée et le panto
remplacé par un archet. Pendant la
guerre, les banquettes en cuir sont
remplacées par de banals sièges en
bois. Les Allemands tentent sans
succès de transférer les motrices 31
et 32 ainsi que deux remorques sur le
réseau d’Essen. En 1950, on les ren-
contre aussi sur la ligne de Chenôve.
Motrices type E
Les E arrivent à partir de 1938 dans
le but de remplacer une partie des
antiques Buire. Les caisses sont
construites par Carel et Fouché, tandis
que les châssis le sont par De Dietrich.
Sur les 12motrices prévues, seules
huit sont livrées, probablement en rai-
son du conflit. D’aspect plus moderne
que les tramways antérieurs, avec des
formes plus rondes, les E sont équi-
pées de portes pneumatiques à deux
vantaux, la commande pneumatique
agissant aussi sur les marchepieds qui
se replient à la fermeture. La capacité
totale est de 40passagers dont 24
debout. Les assises sont constituées
de simples sièges en bois. La motori-
sation est assurée par deux moteurs
de 49CV, faisant d’elles les plus puis-
santes du réseau.
D’abord numérotées40 à47, elles
prennent les numéros41 à48 en
1940 suite à la renumérotation du
parc. À sa mise en service, la 41 bat le
record de vitesse du réseau des TED,
puisqu’au cours d’essais elle atteint la
vitesse de 70km/h sur la ligne
d’Ouges. Cette vitesse a toutefois été
atteinte sur une section sans courbe et
en palier.
En service régulier, les E tournent sur
les lignes 4 et 5, mais, à la mise en
service des trolleybus, elles circulent
sur la ligne du Parc avec un seul agent
à bord. C’est leur commande de fer-
meture pneumatique des portes et la
suppression des cloisons de plates-
formes qui motivent ce transfert.
Jusqu’à la fermeture du réseau, on les
rencontre sur la ligne d’Ouges. Très
appréciées sur le réseau des TED de
par leurs qualités, les E sont ce qui se
fait de plus moderne en tramway à
deux essieux sur voie métrique. La
motrice 47 est conservée au musée
des Transports urbains de Saint-
Mandé.
Motrices Walker
Utilisées sur la ligne de Gevrey, elles
sont acquises d’occasion auprès du
réseau Saint-Just – Villefranche-sur-
Saône exploité par la NLT (Nouvelle
compagnie lyonnaise des tramways)
où elles roulent à partir de 1898. Elles
Une Carel et Fouché
passe devant
le célèbre glacier
de la place Darcy.
Les archets des
motrices dijonnaises
ne se retournaient
pas: ils étaient
munis d’une
embase à ressort
lui permettant
de se baisser et
de se remettre
dans le bon sens,
sans trop soulever
le fil de contact.
Toutefois,
la présence
du 2
agent était
nécessaire pour
accompagner
la manœuvre. Les
motrices Satramo
avaient un dispositif
plus simple,
avec les bras de
l’archet coulissants
(voir photo page
précédente)
DR/Coll. C. Robin
Roman-photo
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Le train du
SP
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[ le train du Général… ]
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La RGP, est stationnée à Paris, au dépôt de Batignolles-Remblai.
Le dépôt de Batignolles-Remblai possède un cheptel de sept de ces éléments automoteurs.
Voici la RGP prête au service: un soin particulier est apporté à sa propreté. On voit le blason historique que la SNCF sur le devant.
La RGP est fréquemment louée comme train spécial par des entreprises qui effectuent des voyages à l’occasion d’une inauguration,
par exemple. Affectée au transport de personnalités, la RGP accueille des hommes d’État, tel Alain Poher, alors président
du Sénat (ici, au centre, près de l’homme de dos). Un soin tout particulier est apporté à la décoration intérieure, notamment
grâce à ces gerbes de fleurs d’un autre temps: ça change de l’odeur du gazole…
Vue de la RGP au départ de Paris.
Grâce à sa réversibilité, la RGP est fréquemment amenée à assurer des liaisons dans plusieurs villes d’Europe.
La voici, traversant un pont, se dirigeant vers les Pays-Bas où elle se rendra à Rotterdam.
Photos SP
Roman-photo
[ le train du Général… ]
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Il semblerait que le remplacement d’un essieu s’impose: les « huiles » s’affairent auprès de la RGP car l’heure est grave!
Les bons de travail sont distribués aux membres de l’équipe: il va falloir s’activer pour que la RGP soit à l’œuvre, à temps et… en bon
état. Et, déjà, chacun s’affaire: il faut que tout en soit en parfait état sur le train dédié au Président de la République.
Un instrument de levage est approché de la RGP pour procéder au remplacement de l’essieu.
Cet ouvrier de la SNCF utilise un appareil à ultrasons pour déceler une anomalie éventuelle sur une roue de l’essieu.
L’écran de contrôle atteste que la roue a effectivement un problème…
Pendant ce temps, le chef de dépôt reçoit l’un des agents de conduite qui sera en charge d’assurer le voyage présidentiel.
Ça y est, l’essieu neuf est arrivé au dépôt de Batignolles-Remblai.
Les ouvriers sont à l’œuvre pour le décharger et procéder à son remplacement.
Photos SP
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[ le train du Général… ]
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Une autorisation de sortie du dépôt est demandée pour un galop d’essai…
Et voici la RGP du Président qui sort de Batignolles-Remblai.
Une vue impressionnante de la RGP…
… et plus précisément, en gare de Fontenay-le-Comte.
Voici des drapeaux qui se hérissent: il y en aura beaucoup pendant le voyage du Général…
… et ne parlons pas des tapis rouges!
Il est temps maintenant de dévoiler le blason de la RGP du Général.
Voilà qui est fait… en grande pompe!
La RGP du Président, vue de face, sous ses plus beaux atours.
Photos SP
Roman-photo
[ le train du Général… ]
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Même les gendarmes qui surveillent la voie semblent bien calmes. Calmes, mais néanmoins attentifs, car on ne sait jamais!
Encore un accueil fort civil pour le Général: que de galons…
Le Général aime aussi les bains de foule: il ne s’en prive d’ailleurs pas.
Dernière étape du voyage, la RGP va maintenant rejoindre Paris.
À Paris, où la République a sorti les cuivres…
Garde-à-vous, le Général arrive !
L’arrivée sur le quai se précise. La « voiture-balai », elle, est déjà là.
Tapis rouge, forcément! Et sur une belle longueur de quai, s’il vous plaît…
Et le Général nous salue…
Le train du Général…
Un film documentaire de Jean Denis.
Tourné en 1965. Sortie DVD en 2012. ©
La Vie du Rail
Photos SP
Dossier
[ l’orgueil de ma fatigue ]
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Dossier
[ l’orgueil de ma fatigue ]
grand monde. La gare est éloignée
du village et des bus. L’Isle-sur-la-
Sorgue – Avignon offre trois arrêts et
bien mieux situés dans la localité.
Je savais, j’avais connaissance de ces
fermetures. Ce constat néanmoins
m’attriste. Si la ligne vit encore –pour
les TER, et de toute façon elle reste
vitale, elle double l’artère impériale–,
ses petites gares sont mortes; gares
que j’ai connues, j’y ai travaillé plus
ou moins occasionnellement. Que
sont devenus les chefs de gare, les
collègues que j’ai côtoyés là? Dispa-
rus, morts pour la plupart. Je retrouve
des noms: Arthaud, Chapon, Char-
rel, Daumas, Dortier, Gras, Vialon…
Tristesse à me remémorer une anima-
tion qui régnait en ces lieux.
Elles vivaient, ces gares, de jour
comme de nuit par le trois-huit des
« facteurs mixtes » qui assuraient,
parmi toutes les activités d’une gare
d’alors, le service permanent du
« block manuel ». Elles vivaient sur-
tout le jour par la famille du chef de
gare logé à l’étage, par les quelques
voyageurs qui empruntaient les trois
ou quatre allers-retours Cavaillon –
Avignon, trains aux voitures à por-
tières dites latérales, remorqués
par des 140 E, ou convois autorails,
Renault VH et Somua (Société
d’outillage mécanique et d’usinage
d’artillerie), rescapés de la guerre, plus
tard quelques Bugatti, puis les « uni-
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Né en 1925, fils d’un aiguilleur du PLM, c’est en mai1944 que Louis Armand prend pied dans le
rail comme auxiliaire, pour éviter la mainmise des Allemands sur le jeune homme qu’il est.
Reprenant ses études de janvier1945 à avril1948, il retourne à la SNCF, embauché comme
bachelier au groupe VI: début d’une carrière d’exploitant qui, de gare en gare, le conduira
jusqu’au PC de Valence et de Marseille; carrière conclue à Montpellier en 1985, avec le grade d’in-
génieur principal. Mais de son attachement au métier, de sa sensibilité vive aux relations humaines
et de son expérience vécue très variée, Louis Armand va tirer en 1987 la matière d’un ouvrage
Au fil du rail
édité confidentiellement: un rare témoignage, donc, d’un humble exploitant, et
non plus celui d’un fier roulant… Ses sujets de réflexion et son écriture, qui rappellent le grand
observateur du rail Pierre Hamp, sont d’un intérêt et d’un attrait évidents. Lorsque nous avons
reçu son texte en juin2011, Louis Armand s’interrogeait dans un mot d’accompagnement:
relire mes pages écrites il y a plus de trois ans, tapées à la machine sans modifications, je me pose
la question: comment seront-elles reçues par des lecteurs qui ne me connaissent pas? »
Et de
douter de son propre regard, peut-être trop orienté:
« Un passéiste de plus? Nostalgique d’un
chemin de fer révolu? Qu’il voyait plus humain que celui conçu aujourd’hui, la SNCF en l’oc-
currence se désintégrant (RFF et les branches ayant tendance à se s’ignorer les unes les autres),
confrontée à la concurrence, et de ce fait devant se livrer à une course à la rentabilité (automates
se substituant à l’homme…). Vision pessimiste? »
Le lecteur jugera!
G. R.
Louis Armand en bref
(Suite de la page24)
O.W. Laursen/Photorail
Un autorail Somua
stationne sous
la halle en gare
d’Avignon (1957).
Dossier
[ l’orgueil de ma fatigue ]
nement garantis? On s’assoit allè-
grement dessus. Il aurait fallu vérifier
les chargements comme prescrit, il
aurait fallu peser, c’est recommandé
–on dispose d’ailleurs de deux ponts-
bascules remis à neuf– et on a décelé
de la triche dans les poids déclarés.
Mais on n’a pas le temps, on est
débordé. C’est jusqu’à 10, 12wagons
et plus qui partent au « Chasse », au
« Perrigny »… Vérifier les charge-
ments, ah oui! J’ai vu des expédi-
teurs, leur personnel, arrimer ces char-
gements, consolider les clés (espaces
entre les portes des wagons) pendant
la manœuvre d’adjonction aux trains!
Je pense à ces heures-là, fiévreuses à
l’extrême; mais l’effervescence règne
tout au long de la journée. On charge,
on décharge aussi et plus que le reste
de l’année. Les emballages ne sont
pas perdus. Emboîtables, les « mussy »
d’alors sont retournés à l’envoyeur par
wagons entiers, si possible de grande
capacité, à boggies. Au « bureau
commun » c’est un va-et-vient quasi
incessant: demandes de wagons,
renseignements sur une destination,
un acheminement non encore testés,
règlement d’un port dû arrivage…
J’aime cette fébrilité. J’y participe,
activement.
Éprouvais-je déjà, sans m’en rendre
compte, ce sentiment qui se précisera
plus tard dans d’autres chantiers, dans
« mes » PC, plus tard encore lorsque
j’assumerai des fonctions d’organisa-
tion, homme alors d’études de plans
de transport, horaires, sillons, ache-
minements. Sentiment d’être à ma
place et utile, efficace, dans un ser-
vice dit public et qui l’est encore à mes
yeux; dans l’intérêt général serais-je
tenté d’ajouter, du moins d’un grand
nombre de mes concitoyens, voulu
tel. Être utile et… en tirer fierté, oui.
Pourquoi pas?
Cette notion de service public dont
on a tant parlé pas toujours d’ailleurs
à bon escient – je pense aux syndicats
de cheminots présentant leurs grèves,
les justifiant pour la défense d’un tel
service –, dont on parle encore
aujourd’hui, déplorant son effrite-
ment, sa disparition progressive, cas
en particulier de La Poste, de l’école
précisément publique, cette notion
s’appliquait parfaitement au chemin
de fer de l’époque dont je parle, les
Trente Glorieuses de l’après-guerre.
La SNCF faisait même nettement
mieux que La Poste. Elle n’acheminait
pas que du courrier et à un tarif
unique alors. C’était les diverses caté-
gories de voyageurs et de leurs
bagages. C’était surtout les mar-
30-
Historail
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Le rail
est «champion»
en transport
de primeurs
après guerre,
comme d’ailleurs
en tous transports
de marchandises.
Ci-dessus,
chargement de
wagons à Cavaillon
(mai1947).
Juillet 2012
Historail
d’arrêt » sur la voie de service qui en
bout fait tronc commun avec les
autres, protège les « principales ». En
tirant un peu trop (le mécanicien lui
aussi en cause?), voilà le taquet cou-
ché, tordu. Par chance la loco n’a pas
déraillé. Le chef de gare ne met pas
longtemps à réagir. À l’aide d’une clé
dénichée je ne sais où, il démonte le
taquet, le charge sur le porte-bagages
de sa bicyclette, direction le maréchal-
ferrant du village – il exerçait encore à
l’époque – pour qu’il le redresse. C’est
rapidement mené. Une heure plus
tard environ tout est en ordre. Ni vu ni
connu. Seul le chef de la brigade de la
voie constatera peut-être que son
taquet a été bricolé. Mais c’est tout.
Écrivant ces lignes, cet incident m’en
rappelle un autre après coup, com-
parable, dont pareillement j’ai été le
témoin, peut-être aussi l’acteur, je ne
sais plus. C’est à Montfavet cette fois.
L’évolution de desserte, numérotée F
(comme Fontcouverte) suivie de
trois chiffres, a terminé sa manœuvre.
La machine, une 140 E encore, est
aiguillée par la « communication
1-2 » pour se mettre en tête du
convoi au départ, retour sur Font-
couverte, gare de triage d’Avignon.
La manipulation intempestive d’un
levier d’aiguille « à pied d’œuvre » et
R. Long/LVDR
Départ de la gare
du Rove, sur la Côte
bleue, d’un X 2400
en direction
de Miramas (1956).
Juillet 2012
Historail
Brûlé/Photorail
Dossier
[ l’orgueil de ma fatigue ]
38-
Historail
Juillet 2012
La préparation
des caisses de
raisin qui partiront
par train se fait
chez l’expéditeur
(Cavaillon,
août1952).
Ramette/Photorail
À gauche, sur les immenses débords de la gare de Cavaillon, on voit les agriculteurs venir charger eux-mêmes
leur production dans les wagons couverts (mai1948).
Ci-dessous, expédition d’huîtres à Auray (décembre1962).
En bas, en provenance directe des exploitations agricoles, les fruits sont acheminés jusqu’aux trains
de marchandises par les producteurs (vallée du Rhône, juin1964).
Juillet 2012
Historail
Pilloux/Photorail
Piot/Photorail
Fenino/Photorail-SNCF©
Juillet 2012
Historail
Perelle/Photorail
Vincenot/Photorail
Vincenot/Photorail
Perelle/Photorail
Dossier
[ l’orgueil de ma fatigue ]
44-
Historail
Juillet 2012
Ci-dessus,
transbordement
à l’aide
d’une «sauterelle»
de matières
pondéreuses sur
le port de Fécamp
(novembre1955).
À droite,
débarquement
d’éléphants
à Étampes
et embarquement,
à Bordeaux,
d’un éléphant
du cirque Amar
pour un départ
à destination
de Casablanca.
Fenino/Photorail-SNCF©
Beau/Photorail
Feuilleton
Le temps de ce récit est celui d’un monde d’avant-guerre
qui perdure sous la forme d’automotrices anciennes
et d’infrastructures remontant aux premières électrifications,
ici par troisième rail latéral, à la station Issy de la ligne
Invalides – Versailles – Rive-Gauche, desservie par
des rames «standard » comme une grande partie
de la banlieue Saint-Lazare.
Dans cet épisode de notre
feuilleton, André Victor
revient aux sources vives
de son enfance. Avec un luxe
de détails qui enchanteront
les amateurs, avec des images
dont la précision et la
fraîcheur enfantine frapperont
toutes les sensibilités n’ayant
pas oublié leur prime jeunesse,
il nous fait revivre
ces merveilleux jeudis
où sa passion pour les trains
de banlieue l’emportait
sur ce «fardeau de la culture »
qu’aurait souhaité lui imposer
une mère… animée par
les meilleures intentions
du monde, bien sûr !
Et c’est à une autre forme
de connaissance qu’il va
rapidement accéder : celle
des anciennes gares
parisiennes – aujourd’hui
totalement transformées –
comme Montparnasse, Orsay,
Invalides, ou bien de banlieue
comme Versailles-Chantiers
ou Sceaux ; celle, également,
qui compose la grande famille
des automotrices du passé…
J. Andreu
46-
Historail
Juillet 2012
Feuilleton
[ sur les rails du souvenir (4)
L
e théâtre de notre jeunesse reçoit-
iltoujours une lumière complai-
sante? Le passé est-il irrémédia-
blement enjolivé par la nostalgie ?
Peut-être… Mais la mémoire n’est
pas seulement subjective : elles ont
bien existé un jour, ces gares au-
jourd’hui disparues, ces machines et
ces reines de banlieue. Et cet enfant,
les yeux écarquillés, le cœur gonflé
d’émotion à l’arrivée du train, ces
porteurs, ces voix nasillardes dans
les haut-parleurs, ces panneaux de
tôles peintes indiquant la liste des
stations desservies, ces foules bras-
sées dans les halls et les escaliers,
tout cela a bien existé.
Il y eut des faits, des réalités qui
constituèrent le cadre de nos états
d’âme, de nos ébats, et qui en assu-
rèrent les assises objectives : des
grognements de compresseurs, des
sifflets, des grincements de frein,
des pompes à air et des éclairs
quand le pantographe joint la caté-
naire, des numéros de train, des
horaires, des correspondances, des
baies vitrées carrées, arrondies ou
ovales, des petites lampes jaunes,
des grandes dames en dentelle, des
ouvriers en salopette, des passerelles
multicolores de signaux mécaniques,
des cabanons d’aiguilleurs enjolivés
de fleurs…
Ceux qui ont connu ces gares pari-
siennes dans les années cinquante s’en
souviendront et pourront en témoi-
gner : le monde ferroviaire a changé.
Vieilles revues, albums photos, films,
catalogues et plaquettes anciennes
le prouvent : il existait un certain
climat qui aujourd’hui n’est plus ;
l’électronique et la publicité, les
matières plastiques et les relations
publiques sont venues donner au
chemin de fer une autre allure.
Fantômes du passé
Chaque jour, un élément de notre
quotidien s’en va et avec lui notre
jeunesse se meurt un peu plus : on
n’y prête guère attention, pressé que
l’on est par cet avenir trop présent
qui imprime peu à peu ses schémas
dans les choses et dans les âmes,
mais chaque jour est un deuil de ce
qui fut le cadre de nos émois d’en-
fants, de nos quêtes d’adolescents…
J’essaierai aujourd’hui d’oublier le
nouveau visage du rail pour rejoindre
ces fantômes effacés sous la gomme
des ingénieurs, envolés parmi les
cendres des archives, découpés au
chalumeau des casseurs.
Il faut vivre avec son temps, me direz-
vous ! Certes, et chacun peut profiter
du présent comme il l’entend, admi-
rer les prouesses techniques remar-
quables du chemin de fer des années
quatre-vingt, comptabiliser tous les
services qu’il rend à la société, ima-
giner les performances de demain; à
vous messieurs les ingénieurs et les
économistes, les sociologues et les
publicitaires…
Quant à moi, je me tournerai résolu-
ment vers le passé et j’évoquerai ce
que fut pour moi la découverte du rail
parisien dans les années cinquante et
soixante, alors qu’arrivant de ma loin-
taine province, je fus absorbé dans le
labyrinthe obscur de la capitale, noyée
dans les brouillards acides du Nord,
48-
Historail
Juillet 2012
Chaque ligne avait
son propre style, ici
le style « métro »,
du nom que les
usagers utilisaient
pour la ligne de
Sceaux, qui prenait
son départ à Paris
dans une gare
souterraine, la
station Luxembourg,
et desservait
Robinson, Massy
Palaiseau et
Saint-Rémy-les-
Chevreuses.
Les Z 23000
de la RATP
(et un contingent de
Z 3400 de la SNCF,
identiques aux
précédentes,
correspondant
à la desserte
de la section
Massy-Palaiseau –
Saint-Rémy-les-
Chevreuses assurée
un temps par
la SNCF) avaient
une allure tout à fait
particulière qui
les distinguait
de tous les autres
matériels.
J. Andreu
(Suite page53)
Feuilleton
[ sur les rails du souvenir (4)
52-
Historail
Juillet 2012
Les Z de la ligne
de Sceaux étaient
reconnaissables
à leur affichage
frontal, mais
aussi au bruit
de crécelle
caractéristique
de leurs moteurs.
À l’arrêt,
le gloussement
des compresseurs
prenait le relais :
un roucoulement
de pigeon assez
étonnant, mélodique
et rythmé, tout à fait
inoubliable. La rame
244 passe en gare
de Bagneux.
Double page
précédente :
autre déclinaison,
celle des
automotrices
du PO (Paris –
Orléans), les Z 4100
qui régnaient sur
la banlieue Sud-
Ouest, à partir du
vaste terminus de
Paris-Quai d’Orsay,
devenu aujourd’hui,
sous le nom
de Musée d’Orsay,
une simple station
de passage
du RER C.
La photo met en
scène une rame
Z 4100 simple
à Étampes.
J. Andreu
Filles de l’électrification Paris – Le Mans, les Z 3700 frappaient
par leur modernité qui correspondait au look nord-américain
« Budd ». Ce design avait son prolongement dans
les performances exceptionnelles de ces automotrices
d’élite. La Z 3714 est en attente, marchepieds baissés,
des voyageurs pour Versailles-Chantiers,
à l’extrémité ouest de la grande gare de Juvisy.
J. Andreu
Feuilleton
[ sur les rails du souvenir (4)
parisiens consacrés par sa mère à
son éducation. Il fallait compléter ce
que le maître pouvait apprendre à
l’école les autres jours de la semaine;
il fallait instruire le petit provincial,
qu’il connaisse Paris, notre capitale :
églises et musées, théâtres et
concerts, expositions et conférences
étaient au programme de chaque
sortie.
Cet enfant était malheureux, il por-
tait en silence le fardeau de la culture
et, chaque jeudi, iI fallait suivre
maman qui partait à l’assaut de nou-
veaux bastions de l’Art, de nouveaux
domaines de la connaissance, de
nouveaux palais de la découverte, il
fallait essayer de lui faire plaisir, de
dire
«oui c’est beau, c’est très
beau», «oui j’ai compris, j’ai tout
compris »,
en effaçant un bâillement,
en retenant un geste d’impatience…
Cet enfant n’était pas insensible,
mais ce qui comptait pour lui, c’était
« sirop de la rue »,
les cafés et les
forains, les gares et les trains, les clo-
chards et les autobus, les fontaines
et les agents.
Sur le chemin situé entre la maison
et les lieux clos où se donnaient à
l’admiration du public averti les plus
grandes créations de l’esprit, dans
la rue, dans le métro, au milieu des
Parisiens en béret, des femmes en
bigoudis, je goûtais en fraude la vie
profonde de la ville, cette vie à la-
quelle maman voulait me préparer
par les voies sacrées de l’art, en me
conduisant aux pieds du génie, cette
vie que je ne savais rencontrer qu’au
contact immédiat des gens, dans les
échanges bruyants de la cité, dans
les encombrements, les klaxons, les
foules des gares, les chocs et les
coups de coudes.
Il fallait bien la suivre, on ne peut
rien refuser à sa maman. Mais, peu
à peu, il y eut comme un glisse-
ment: une sorte de marché fut im-
plicitement négocié entre nous sur
l’organisation de ces jeudis. Sans
que ce soit de façon délibérée,
mais en sachant parfaitement dans
quel sens il fallait tirer, je dévoyai
petit à petit la procédure culturelle
maternelle, je tournai le processus
éducatif et entraînai ma mère vers
la conciliation de nos intérêts di-
vergents.
Certes, nous allions nous donner des
objectifs culturels, nobles et enri-
chissants et tout et tout, mais leur
localisation, leur éloignement sup-
posaient une petite condition ac-
cessoire : l’innocente nécessité de
prendre le train pour couvrir la dis-
tance, ce qui allongeait d’autant le
temps de parcours et accroissait le
nombre de mes découvertes, tout
en diminuant la part de mon ennui.
C’est ainsi que maman, sans le vou-
loir, en vint à me présenter les auto-
motrices du jeudi.
La grande roue tournait, tournait,
vertigineuse, elle emportait le petit
garçon qui finissait par céder à sa
mère et on les voyait s’éloigner tous
les deux sur les pavés de la ville. Alors
apparurent des châteaux, des trains
et des gares : Versailles, Sceaux et
Saint-Germain, Jouy et Saint-Rémy,
Meudon, La Malmaison, Z 1300,
1400 et 1500, Z 3400 et Z 23000 à
Luxembourg, Port-Royal ou Denfert,
Z 3600, 3700 et 3800 à Montpar-
nasse, Z 4100, Z 5100…
56-
Historail
Juillet 2012
Z 5100 à Versailles-
Chantiers. Ce
matériel était le plus
récent du moment
et incarnait
le sommet de
la modernité, ici
en contraste avec
l’antique traction
vapeur des origines.
Ph. Andreu
(Suite de la page53)
Mémoire
58-
Historail
Juillet 2012
Une 231 C auréolée
d’un panache de
vapeur en gare de
Paris-Nord (1957).
La traction
électrique sera
mise en service
à partir 1959
sur Paris – Lille.
« Crains qu’un jour un train
ne t’émeuve plus»
Étienne Dalahaye a toujours aimé les trains. Le fait d’avoir
grandi dans le voisinage d’une gare y est peut-être pour
quelque chose, et puis ses parents n’ayant pas d’automobile,
très vite le chemin de fer a fait partie de son univers.
Nous vous livrons ici son récit, ses souvenirs.
M. Oger/Photorail
Mémoire
[ « Crains qu’un jour un train
me plonger dans un état de félicité
extrême. Et je dois dire qu’à l’époque,
le charme odorant des sentes qui,
passé le pont, couraient encore entre
aubépine et liseron n’avait rien à
envier à mes fragrances ferroviaires.
À deux pas de la gare de Tourcoing,
sur l’avenue qui conduisait au cen-
tre-ville, un transporteur avait eu la
bonne idée d’exposer dans l’une de
ses vitrines la réplique à grande
échelle d’une Superpacific Nord. Atte-
lée à deux wagons (citerne et cou-
vert), la machine semblait attendre
quelque improbable mission. Long-
temps, je le confesse, cette maquette
d’un réalisme saisissant a représenté
pour moi l’objet de toutes les convoi-
tises. Et si, bien des années plus tard,
j’ignore ce qu’est devenue ma belle
Pacific, du moins ai-je la consolation
d’en avoir garé le souvenir sur les rails
de ma mémoire.
Car, pour appartenir à la « génération
du panache de fumée, de l’escarbille
et du tender »
, je nourris une pas-
sion sans retour pour ces mécaniques
fumantes qui, pour les ignorants de
la vapeur, n’étaient à tout bien consi-
dérer que des chaudières sur roues.
Assurément, pour l’amoureux du
chemin de fer, la vapeur c’était autre
chose. On a souvent évoqué l’atta-
chement des « gueules noires » à
leurs machines. Il y avait certes le res-
pect de l’outil de travail, mais aussi,
et par-dessus tout, la fierté d’exercer
un métier qui s’apparentait à un art,
dans le sens plein du terme.
« L’éner-
gie de la machine, on la fabriquait! »,
se plaisait à me rappeler à l’été 2001
un ancien mécanicien de la
Flèche
d’Or
. Complicité du tandem mécani-
cien-chauffeur, ce
« long compa-
gnonnage »
chanté par Zola
« qui les
promenait d’un bout à l’autre de la
ligne, secoués côte à côte, silencieux,
unis par la même besogne et les
mêmes dangers »
. Tels deux instru-
mentistes parfaitement rodés, méca-
nicien et chauffeur jouaient en totale
symbiose. Musiciens d’un monde
perdu, dont le frac était de graisse et
de suie. Mais aussi sentinelles en éveil,
aux avant-postes d’une ligne qui, pour
leur être familière, n’en requérait pas
moins une vigilance de tous les ins-
tants. « Faire l’heure », telle était la
devise de ces hommes de devoir. Dans
le jargon cheminot, le mécanicien
de route était surnommé un « sei-
gneur ». C’est bien à ces chevaliers
servants que la vapeur doit d’avoir
conquis au fil d’un siècle et demi de
règne ses plus belles lettres, à ces
hommes qui,
«sans le savoir peut-
être, sacrifiaient à ces valeurs spiri-
tuelles qui ne sont plus de saison, mais
qui font la noblesse de l’effort».
Sans doute fallait-il avoir assisté au
démarrage de l’une de ces machines
«arrachant» son train dans de puis-
sants halètements, ou avoir vu l’im-
placable mouvement d’un
embiellage à pleine vitesse
pour comprendre l’attrait
que celles-ci pouvaient
exercer. Ce n’était plus
alors un corps fait de tôles
et d’acier, mais une méca-
nique en marche, une
«force invincible d’ouragan»
lancée
dans l’espace. «Bêtes humaines »
selon les uns, « Princesses du rail »
selon d’autres, en ce temps-là les loco-
motives avaient une âme. Il n’est, pour
s’en convaincre, que de revoir l’heu-
reuse mise en images réalisée par
Jean Mitry sur le poème symphonique
d’Arthur Honegger « Pacific 231 »!
Outre le fait d’avoir vu la disparition
des TAR évoqués plus haut, l’année
1959 marqua pour moi le début de
cinq années d’internat chez les Mont-
60-
Historail
Juillet 2012
«Toute chose t’appartient que tu peux amasser dans
ta mémoire et conserver dans ton cœur, et cette richesse-là,
personne ne pourra jamais te l’arracher.»
Henri Vincenot
E. Fiévet/Photorail
Ci-contre: le dépôt
de Lille-Fives.
L’imposante rotonde
couverte ne
comptait pas moins
de 40 voies
et pouvait rivaliser
avec le dépôt
de la Chapelle,
à Paris.
Page de droite:
une BB 12000,
une Pacific 231 E
Chapelon et un TAR
se côtoient en gare
de Lille (1959).
(Suite page64)
Mémoire
[ « Crains qu’un jour un train
fortains, congrégation de religieux
dont l’un des petits séminaires se
trouvait près de Besançon. Afin de
m’épargner l’inévitable changement
de gare à Paris, mes parents me fai-
saient voyager la plupart du temps
par le « Dijonnais », me dotant au
préalable d’un solide casse-croûte.
Car ce train, affiché au départ de
Tourcoing à 8h00, empruntait un iti-
néraire non électrifié qui lui faisait
atteindre Dijon à 17h31, après avoir
desservi une quantité de gares dont
les noms défilaient comme une lita-
nie: Roubaix, Croix-Wasquehal, Lille,
Douai, Cambrai, Caudry, Busigny,
Bohain, Saint-Quentin, Tergnier, La
Fère, Laon, Saint-Erme, Reims, Mour-
melon, Châlons-sur-Marne, Vitry-le-
François, Saint-Dizier, Joinville, Chau-
mont, Langres, Culmont-Chalindrey,
Is-sur-Tille. Qui plus est, en certaines
gares, en raison d’impératifs (garage,
rebroussement, prise d’eau, etc.), l’ar-
rêt se prolongeait. À Dijon, une cor-
respondance avec changement à Dole
m’amenait à Besançon, où j’arrivais,
fourbu, vers 21h00. Dans le sens
retour, le voyage s’avérait tout aussi
interminable: Dijon départ 8h 23/arri-
vée Tourcoing 18h40. Il avait fallu
auparavant se lever aux aurores pour
rallier la capitale des ducs de Bour-
gogne à bord de la 2CV du sémi-
naire. Une formalité qui, par temps
de givre ou de brouillard, tenait de la
prouesse! Et je me souviens qu’un
jour, horaire oblige, mon chauffeur
de service avait dû mener la vaillante
« Dedeuche » jusqu’à Culmont-
Chalindrey, afin d’y rattraper mon
« Dijonnais ».
Cependant l’axe Paris – Bâle que nous
empruntions offrait par ailleurs bien
des attraits et, à Chaumont, le fran-
chissement du célèbre viaduc consti-
tuait l’un des temps forts du voyage.
C’était comme si d’un coup le pay-
sage devenait maquette, et qu’ayant
rompu ses amarres terrestres, mon
« Dijonnais » tutoyait les nuages!
Car en dépit du confort relatif des voi-
tures, la possibilité qui était offerte à
l’époque de baisser les vitres faisait le
bonheur de tout amoureux du che-
min de fer digne de ce nom. Nez et
cheveux au vent, celui-ci n’aurait pour
rien au monde échangé sa place…
jusqu’à ce que, vaincu pas une escar-
bille, il ne lui fallût battre en retraite,
l’œil rouge et l’air penaud. Le voyage
alors était une aventure d’où l’on ne
revenait pas forcément indemne, à
moins de respecter les consignes mul-
tilingues placardées en bonne place:
E pericoloso sporgersi. Do not lean
out of the window. Nicht hinausleh-
nen.
Ne pas se pencher au dehors!…
Du moins étions-nous prévenus!
Il arrivait cependant que mon père
m’accompagnât à Paris ou qu’un des
membres de la maison mère desdits
Montfortains se chargeât dans la capi-
tale, à la demande de mes parents,
de mon transfert de gare à gare. Du
hall patiné de suie de Paris-Nord, nous
passions alors à l’ambiance plus
« électrique » de Paris-Lyon, anti-
chambre de l’artère impériale sur
laquelle couraient encore, superbes
dans leur livrée verte en deux tons, les
2D2 9100. Par son aspect massif, et la
formidable impression de puissance
qu’elle dégageait, cette machine fut
sans conteste la locomotive électrique
qui marqua le plus l’adolescent que
j’étais.
« Je les ai vues se ruant sans
effort apparent »
a pu écrire Maurice
Maillet en vieux briscard du Rail
. Pour
ma part je garde un souvenir très pré-
cis de l’irrésistible accélération dont le
voyageur se trouvait gratifié au sortir
des aiguilles de l’avant-gare de Paris-
Lyon, ou encore de l’inoubliable vision
qu’offrait la « Faucille de Villeneuve »
sur la machine caracolant en tête de
son train. Je quittais Paris à 12h28 à
bord de l’express 53 à destination de
Marseille. Ce train comportait des voi-
tures directes pour Besançon. La cou-
pure s’effectuait à Dijon sur le coup
de 15h30, alors que nous étions
garés pour laisser passer le célèbre
64-
Historail
Juillet 2012
C. Dubruille/Photorail
Le chauffeur
et le mécanicien
(les «gueules
noires»)
d’une Pacific
Chapelon
de la Chapelle.
(Suite de la page60)
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Musée
Ambérieu
Musée du Cheminot
Musée du Cheminot
machine avalait goulûment. Vous en
verrez de ces tickets au musée: ils
réveillent des souvenirs! Le distribu-
teur de confiseries n’est pas en reste
pour attirer le chaland avec ses belles
boîtes d’Anis de Flavigny ou ses cho-
colats Menier. Mais avec lui, il vous
faudra sortir une pièce de 100francs,
ce qui n’est pas rien en 1950.
Nous voilà dans la grande salle. Une
petite hésitation, comme une retenue
imperceptible, se lit sur quelques
visages des visiteurs ou des dames.
Face à toutes ces pièces mécaniques
d’aucuns s’inquiètent sur la suite de
la visite. Le guide va-t-il nous entraî-
ner dans des explications techniques,
définitivement hermétiques aux non-
initiés de l’entreprise ferroviaire. Mais
non, il rassure son groupe avec l’ha-
bilité donnée par l’expérience.
« Nous
allons essentiellement parler des
hommes, de ces anciens cheminots
qui ont travaillé dans les chemins de
fer et nous ont laissé leurs outils et leur
savoir-faire »,
dit-il. Et aussitôt d’ajou-
ter:
« Nous évoquerons leur condition
de vie et de travail, toutes choses qui
devraient intéresser tout le monde, y
compris ceux qui n’ont jamais entendu
parler du chemin de fer »
. C’est fait,
tout le groupe est rassuré, prêt à suivre
la visite avec profit.
Comme il faut bien commencer par
le commencement, le guide retrace
brièvement les origines du chemin de
fer qu’il faut obligatoirement situer
chez les Anglais puisque nous leur
devons tant dans ce domaine. Après
cet intermède chez la «perfide
Albion», comme disaient si élégam-
ment les chroniqueurs de l’époque,
pour parler de l’invention des chemins
de fer, retour en France. 1827: Saint-
Étienne – Andrézieux, première ligne
en France, tous les passionnés d’his-
toire ferroviaire savent ça! 1832:
Saint-Étienne – Lyon, deuxième ligne
où l’on voit circuler les premières
machines à vapeur de Marc Seguin.
Voilà qui nous rapproche singulière-
ment du département de l’Ain et
d’Ambérieu en l’occurrence. L’ouver-
ture des premières lignes à proximité
du département de l’Ain eut une
influence prépondérante dans l’éta-
blissement de la ligne Lyon – Genève
qui passera par Ambérieu. Mais il
faudra tout de même attendre le
23juin 1856 pour voir arriver en gare
d’Ambérieu le premier train tout
essoufflé de son long parcours de
50km. Et le destin d’Ambérieu bas-
cule! Enfin, pas immédiatement et
surtout pas brutalement comme on
le pense parfois. L’Ambarrois a du mal
à quitter cette terre qu’il aime, même
si elle ne lui rend pas toujours tout ce
que sa sueur mérite.
Pour faire saisir l’évolution de la cité,
les guides du musée du Cheminot
n’hésiteront pas à parler des Ambar-
rois d’avant le chemin de fer. Pro-
gressivement, ce sera fini de la vie en
quasi-autarcie rythmée par le cycle des
saisons, des moissons et des ven-
danges. Car à Ambérieu, en ce milieu
du XIX
siècle, on est paysan-vigne-
ron depuis des siècles, sans alterna-
tive. Si l’on ne veut pas piocher les
terres ou les vignes, il faut s’expatrier.
Et voilà subitement des ingénieurs de
la Compagnie –titre éminent s’il en
est– qui proposent des emplois rému-
nérés mensuellement, avec des jours
de repos dans le mois et même des
congés payés. Oh! pas très bien payés
d’accord, et des congés parcimonieux,
mais pour celui qui n’a jamais connu
ça, si ce n’est pas l’Amérique, ça y res-
semble! Pour les plus téméraires ou
les plus dégourdis, les voilà faits che-
minots porteurs d’uniformes à faire
pâlir ceux restés paysans ou vignerons.
Sans parler du regard des filles à
marier qui voient dans ces hommes
nouveaux l’occasion d’échapper aux
servitudes de la terre.
C’est tout cela qu’un guide au musée
du Cheminot explique, commente,
développe bien au-delà des explica-
tions techniques et ardues auxquelles
nombre de visiteurs s’attendent.
« Avançons jusqu’aux cabines de
conduite des locomotives à vapeur »,
propose le guide. Les yeux s’extasient
devant la cabine de la 141 C et il suf-
fit de lire dans les regards interroga-
Juillet 2012
Historail
Musée du Cheminot
À gauche:
la cabine
reconstituée
d’une 141 C,
les appareils
(injecteur,
commande de
régulateur,
robinets, etc.)
sont authentiques.
La présence de
l’équipe de conduite
atteste l’importance
accordée
par le musée
aux cheminots.
teurs pour connaître la question: d’où
provient une cabine pareille! Elle est
l’œuvre des membres du musée à
l’exception des appareils qui eux sont
absolument authentiques. Comment
refaire un injecteur, une commande
de régulateur, les robinets, les manos,
les tubes à niveau d’eau… Forcément
qu’ils sont authentiques tous ces
appareils et à leur place s’il vous
plaît, au millimètre près, conformé-
ment aux plans. Les mannequins
symbolisant le mécanicien et le chauf-
feur, voilà bien le support idéal pour
parler des hommes de l’équipe de
conduite. Et on n’oublie jamais les
hommes au musée en rapportant
fidèlement les histoires, les anecdotes,
les anicroches et autres incidents
laissés par nos aînés.
Un peu plus loin, voilà la cabine de la
141 R toujours à l’échelle 1, avec tous
les perfectionnements et facilités
qu’elle apporte aux équipes par rap-
port à une machine plus ancienne.
Certains les aimaient ces machines,
d’autres moins… Utilisées en bana-
lité, elles n’auront pas connu l’atta-
chement viscéral qu’une équipe
portait à «sa» machine. Mais elles
ont rendu de tels services qu’il serait
bien ingrat de les oublier.
Laissons les équipes vapeur à leur
tâche et poursuivons la visite. Si le
lampiste campé dans son antre ne
nous tend pas les bras, il nous attend
gentiment dans sa lampisterie. Envi-
ronné de lanternes à pétrole, de
lampes à acétylène, à huile, à bougie,
il est chez lui, dans son univers qui
sent le pétrole et l’odeur âcre de
l’acétylène.
« Danger d’explosion!»
lit-on sur sa porte: personne ne rentre
chez lui avec une flamme ou un objet
en ignition. Qui se souvient encore
qu’autrefois cet homme était capable
de fabriquer une lanterne avec des
outils rudimentaires, quelques feuilles
de tôle ou mieux de laiton ou de
cuivre. Une qualification que les Com-
pagnies lui ont progressivement reti-
rée en s’approvisionnant dans le com-
merce. Dommage c’était quelqu’un
autrefois un lampiste! Grâce à moi
« ça brille de partout »
, disait-il. Enfin,
n’exagérons rien:
« ça brille! »
son époque! Aujourd’hui, nous avons
du mal à croire que les cheminots
travaillaient la nuit, à la lueur de ces
faibles lumignons. Et pourtant, ils tra-
vaillaient! Il faudra attendre 1949
pour voir arriver les premiers modèles
des lanternes électriques. C’était hier!
Le guide invite maintenant les visi-
teurs à porter un regard attentif et
admiratif vers les poseurs, ces oubliés
du chemin de fer. Un bref rappel de
leur histoire n’est pas inutile. Aux pre-
miers temps des chemins de fer, c’est-
à-dire vers 1830 et longtemps après,
les Compagnies eurent besoin d’une
armada d’hommes pour poser les
voies (d’où leur nom) puis ensuite les
entretenir, les réparer, les renouveler.
Et tout ceci à la main évidemment et
par tous les temps. Alors il leur fallait
des costauds, des hommes durs à la
tâche pour faire ces travaux pénibles.
Où trouver de tels hommes sinon
dans les campagnes parmi ceux habi-
tués à piocher, pelleter, brouetter
toute la journée. Le service VB en fit
pendant 120 ans des cheminots satis-
faits de leur sort, sans grandes reven-
dications, jusqu’à ce que les engins
mécanisés ne viennent les remplacer.
Ingratitude des temps modernes qui
oublient facilement, grâce à la méca-
nisation, le labeur quotidien de géné-
rations de poseurs qui ont permis aux
trains de circuler en toute sécurité.
Au musée du Cheminot, ils ne sont
pas oubliés ces poseurs. Une voie
reconstituée à partir d’éléments
anciens (dés en pierre avec rails pri-
mitifs) met en scène ces hommes de
la voie. Hommage à leur travail fasti-
dieux, difficile, fatiguant mais, ô com-
bien, indispensable au bon fonction-
nement du chemin de fer. C’est tout
cela qu’un guide est capable d’expli-
quer pour captiver l’attention de
ses visiteurs.
Laissons les poseurs et avançons
jusqu’à l’atelier-forge parfaitement
restitué avec des machines d’époque.
Les amateurs de machines-outils
anciennes apprécieront. Même les
Juillet 2012
Historail
Photos Musée du Cheminot
Page de gauche: des poseurs de voie avant la mécanisation du travail.
Ils posent, entretiennent, réparent et renouvellent le réseau.
Ci-dessus: des appliques murales.
Musée
[ Ambérieu ]
arbres de poulies sont là pour des-
cendre la force motrice sur les
machines à l’aide d’antiques courroies
de cuir. Un exceptionnel régulateur
de Watt est présent pour régulariser
le mouvement rotatif fourni aux
machines. Il intrigue bon nombre de
visiteurs et amène moult questions.
Un tour de 1875 miraculeusement
sauvé de la ferraille, une perceuse et
un étau-limeur de la fin du XIX
une fraiseuse qui a oublié son âge tel-
lement elle est vieille, des outils à main
et des mannequins pour les animer.
C’est dans ces ateliers qu’autrefois les
hommes construisaient le matériel
roulant (machines à vapeur, voitures,
wagons et tout le reste) à l’aide d’en-
gins qui nous paraissent si archaïques,
tellement dérisoires. Serions-nous
capables, avec le même matériel, de
réaliser de telles prouesses? Certai-
nement pas car nous avons perdu les
tours de main nécessaires. Et ce man-
nequin symbolisant un apprenti s’ini-
tiant au fonctionnement d’une per-
ceuse sensitive.
« Les temps sont durs
pour les arpètes »
, soulignera le guide.
Durs en effet sont les anciens avec
les jeunes qui tentent de se faire une
place dans une équipe composée de
rudes compagnons. Les compétences
techniques, professionnelles sont là,
incontestablement détenues par ces
ouvriers qualifiés. En revanche, détien-
nent-ils les qualités pédagogiques
pour transmettre ce savoir aux plus
jeunes? C’est une autre affaire. Ont-
ils seulement la volonté de le trans-
mettre ce savoir? Non, chacun jalouse
parfaitement ses connaissances et, à
quelques exceptions près, nul n’a
envie de les transmettre.
«Dur, dur,
pour les jeunes»
, dit le guide et il a
raison. Passons à la forge attenante à
l’atelier. Indispensable, le maître for-
geron, au bon fonctionnement de
l’atelier. C’est l’homme de l’art des
métaux, celui qui les connaît parfai-
tement et sait reconnaître les diffé-
rentes natures d’acier qu’un profane
prendra pour un vulgaire bout de fer-
raille. Dans son antre où rougeoie un
feu permanent, il travaille les métaux
et les porte à la bonne température
qu’il apprécie à la couleur (rouge som-
bre 720°, rouge cerise 750°, orange
clair 950°, jaune blanc 1200°, blanc
éblouissant 1300° correspondant à la
fusion qu’il ne faut donc pas attein-
dre) avant de les travailler. Qui sait
encore cela! Et les outils accrochés
aux râteliers! Pour la plupart, ils sont
« fabrication maison » par le maître
forgeron. C’est encore lui qui soudera
deux pièces à la forge. Plus personne
ne sait le faire!
Laissons ces hommes à leur travail et
pénétrons dans la salle des pupitres.
Les yeux s’écarquillent, j’en ai vu sou-
vent, car la surprise est de taille. Ici,
les membres du musée ont patiem-
ment remonté des pupitres complets
de locomotive, récupérés sur des
engins destinés à la démolition.
80ans de pupitres de locomotives
s’exposent sous les yeux des visiteurs.
Le tour de la salle commence avec le
78-
Historail
Juillet 2012
Photos Musée du Cheminot
Ci-dessus:
machines-outils
d’un atelier-forge
(fin XIX
siècle).
À gauche, un étau-
limeur et, à droite,
une perceuse
verticale.
Le matériel roulant
était construit
dans ces ateliers
(locomotives
à vapeur, wagons
et voitures).
Juillet 2012
Historail
pupitre de la Z 200, conçu par l’ingé-
nieur Auvert en 1901, pour terminer
avec celui de la BB 25200, série
emblématique ferraillée récemment.
Le pupitre de la CC 6500, série phare
s’il en fut, est présent et fonctionnel,
celui de la 2D2 9100 impressionnant
par ses dimensions et encore celui
rarissime de la 1CC1 3700 Mau-
rienne… Les postes d’aiguillages sont
présents dont celui, unique, com-
mandant la section à deux voies
banalisées s’étendant entre Dijon et
Blaisy-Bas. Il a été remplacé par un
poste informatisé.
Nous voilà à présent face à deux
pupitres entièrement fonctionnels y
compris avec le panto qui monte et
descend au gré du mécanicien. Expli-
cations du guide sur les principes de
fonctionnement d’une locomotive
électrique en l’occurrence une
CC 7100:
« En m’appuyant sur des
démonstrations simples et claires tout
le monde va comprendre les principes
de fonctionnement »
, dit-il. Regard
incrédule de certains, sourire des
dames qui hésitent à s’éclipser mais
restent finalement. Elles ne seront pas
les dernières à avoir tout compris à
l’issue de la démonstration. Voilà le
groupe tout ouïe pour comprendre
l’élimination d’un rhéostat au cou-
plage série, puis au couplage paral-
lèle, suivi des subtilités du shuntage.
Mais alors, là, je crains que certains
décrochent. Restons dans les grandes
lignes, comme précisé en début d’ex-
posé. À la fin, la majorité a compris
et se déclare fort satisfaite de savoir
comment fonctionne une locomotive
électrique. Le frein lui aussi est fonc-
tionnel déclare péremptoirement le
guide. Mais bon, n’exagérons pas
les commentaires, la démonstration
suffira pour expliquer comment on
arrête un train. Les distances d’arrêt
vont en surprendre plus d’un.
train ne peut pas s’arrêter avant
une voiture immobilisée sur un
passage à niveau »
, déclare le guide.
« Ah bon! »
, s’étonne un visiteur.
« Non Monsieur, jamais!»
Et on passe sur le pupitre de la
BB 8100. Même époque à peu de
chose près, mêmes principes élec-
triques, mais ici on trouve la Vacma,
la radio sol-train, la répétition acous-
tique des signaux… Ah! la Vacma
tous les visiteurs sont friands de savoir
comment un train s’arrête en cas de
défaillance du mécanicien.
« Quand
je suis derrière la cabine j’ai entendu
Photos Musée du Cheminot
Ci-dessus,
de gauche à droite
et de haut en bas:
les pupitres
d’un X 2800,
d’une BB 8100
et d’une CC 6500.
Les membres du
musée ont remonté
des pupitres
complets au moyen
d’éléments
récupérés
sur des matériels
destinés
à la démolition.
Juillet 2012
Historail
ambiance dont on a totalement perdu
l’idée aujourd’hui. Il suffisait d’enten-
dre les anciens évoquer cette époque
pour comprendre. Ils ne sont plus là
pour en parler! Et c’est bien notre rôle
d’en conserver le souvenir. Certains
nous ont même raconté que pour
échapper à l’ambiance du dortoir, si
le temps le permet, ils préféraient dor-
mir dans le charbon de leur tender,
roulés dans quelques sacs. On veut
bien les croire! Le crachoir destiné à
recevoir le jus des chiques n’aura pas
échappé au visiteur attentif. Les
hommes fument, prisent, chiquent
–certains font les trois– alors il faut
bien mettre à leur disposition le néces-
saire. Et ne croyez pas qu’il faille
« remonter aux Gaulois » pour retrou-
ver l’usage des crachoirs. Les archives
du dépôt d’Ambérieu contiennent
une note de service signée en
février1962 par le chef de dépôt qui
s’adresse aux femmes de ménage en
leur rappelant l’obligation de nettoyer
les crachoirs et de remplacer la sciure
que l’on y mettait… Une belle plaque
émaillée
« Il est interdit de fumer dans
les dortoirs et de cracher en dehors
des crachoirs »
rappelle cette époque
héroïque.
Passons au réfectoire. La table est
mise –c’est beaucoup dire– disons
simplement qu’elle est couverte par
les ustensiles utilisés par nos aînés. Les
paniers d’osier et les sacoches en cuir
sont posés sur des étagères fixées
sur les petits côtés de la table. C’est
à la fois une tradition et un aspect
pratique car il n’y a pas à se lever pour
« piocher » dans le panier. Les
gamelles réchauffent sur les réchauds
à pétrole ou à essence (nous disons
bien à essence et même à essence
sous pression), avant que les réchauds
à gaz les remplacent. Les litres de
rouge et les « plates » en jargon local
voisinent avec la traditionnelle bou-
teille de Cointreau pleine de vin. Ce
n’est pas le Cointreau qui les intéresse,
ces hommes, c’est la forme de la bou-
teille. Carrée, stable, pas trop haute
elle est idéale pour se caler dans un
coin du panier. Et le morceau de bam-
Photos Musée du Cheminot
bou, que vient-il faire sur ces tables!
Encore une invention régionale qui
est dans toutes les sacoches. Explica-
tion: un beau jour des années 1920,
plus personne ne sait exactement, un
mécanicien prend la lubie de couper
un morceau de sa vieille canne à
pêche en bambou et dans ce tronçon
de deux alvéoles il va mettre du sel
d’un côté, du poivre de l’autre, les
extrémités fermées par deux bou-
chons en liège. En voilà une idée lumi-
neuse! Un mois après elle avait fait
le tour de la région et tous les méca-
niciens avaient leur morceau de bam-
bou comme salière et poivrière. La
pratique, l’expérience, le bon sens
procurent des facilités dans la vie de
tous les jours et résolvent bien des
problèmes.
Un peu plus loin dans cette grande
salle baptisée Maurice Margot, du
nom d’un illustre directeur du PLM,
voici oserai-je dire le clou de la visite:
le cabinet médical. C’est un peu la
fierté du musée du Cheminot dans
la mesure où il s’agit –à notre
connaissance– de la seule reconsti-
tution d’un cabinet médical dans ce
genre de musée. Belle occasion de
rappeler que les Compagnies de che-
mins de fer furent des précurseurs
dans les soins donnés à leur person-
nel. L’infirmière trône dans son
bureau d’où elle gère les 2150 dos-
siers de ses cheminots d’Ambérieu
des années 1930-1940, ce qui, on en
conviendra, n’est pas une mince
affaire. Mitoyenne à son bureau, la
salle des pansements où elle dispense
ses soins infirmiers. À voir les appa-
reils, le plus novice s’aperçoit rapide-
ment qu’elle soigne également les
épouses et les enfants de ses chemi-
nots. Car il s’agit bien de ses chemi-
nots. Elle connaît toutes les familles,
l’infirmière, et se tient prête à appor-
ter ses compétences pour soulager
quelques soucis familiaux qui ne
manquent jamais de survenir. Elle
s’apparente à une assistance sociale,
voire à une confidente, l’infirmière du
dépôt. Le cabinet du docteur attend
ses patients comme autrefois. Son
mobilier et ses appareils médicaux
authentiques ayant réellement servi
au cabinet médical du dépôt d’Am-
bérieu restituent l’ambiance.
Commencée depuis 1 heure 40, la
visite se poursuit dans la salle Gilbert
Bernard où sont réunies de belles
pièces de collection (rares lanternes,
équipements anciens des voitures,
indicateurs-enregistreurs de vitesse…)
et tant d’autres choses à découvrir.
Deux grandes vitrines retracent le
comportement héroïque de nos aînés
cheminots Résistants pendant la
Seconde Guerre mondiale.
La visite s’achève dans la mezzanine
où le visiteur pourra admirer la recons-
titution de la gare d’Ambérieu et s’ex-
tasier devant les trains jouets d’autre-
fois qui étalent dans des vitrines leurs
belles tôles lithographiées.
À l’issue de ces deux heures de visite,
on n’aura pas tout vu, tout n’aura pas
été dit, mais normalement chacun sor-
tira satisfait du musée. C’est du moins
ce qu’espère le guide avec l’espoir de
vous revoir si vous nous connaissez
déjà ou de faire votre connaissance
lors d’un passage par Ambérieu-
en-Bugey.
Gérard Joud, président du musée
du Cheminot d’Ambérieu.
Musée
[ Ambérieu ]
82-
Historail
Juillet 2012
Ci-dessus:
des pièces de collection tels un transmetteur Jousselin, un transmetteur Chaudeur et des maquettes de matériels sont exposées dans la salle Gilbert Bernard.
Page de droite, de haut en bas:
cette chambre à deux lits est destinée à une équipe de conduite constituée d’un chauffeur et d’un mécanicien (années 1940-1960);
la reconstitution du cabinet médical du dépôt d’Ambérieu, dans les années 1930-1940. Le mobilier et les ustensiles sont, ici aussi, authentiques.
Les Compagnies furent des précurseurs dans les soins dispensés aux cheminots et à leur famille.
Photos Musée du Cheminot
Juillet 2012
Historail
Monument et plaques rendant hommage aux cheminots résistants d’Ambérieu.
Photos Musée du Cheminot
D
epuis 1987, l’équipe de béné-
voles, dont les fondateurs sont
toujours présents et actifs, promeut
le patrimoine ferroviaire. Il y a 25 ans,
c’était un tour de force que nous
avions réussi avec l’aide formidable de
la direction régionale SNCF de Limoges
qui avait à sa tête un cheminot remar-
quable, André Guicharnaud. Durant
ces années, le musée a beaucoup pro-
gressé dans sa quête d’objets réels
présentés dans une scénographie
spécifique et originale pour l’époque
de sa conception. Car c’est le concept
de l’interprétation du patrimoine, à la
manière anglo-saxonne, qui a prévalu
dès l’origine. Les objets sont placés
dans une disposition particulière selon
une histoire racontée aux visiteurs-
voyageurs: celle d’un voyage symbo-
lique qui leur permet de comprendre
les différents métiers nécessaires à leur
voyage. Et pour réussir dans ce pari,
et éviter l’accumulation sensorielle
d’objets aussi abscons les uns que les
autres, leur disposition, sur les 500m²
des deux salles et les extérieurs,
conduit les «voyageurs» à pénétrer
cet univers ferroviaire du plus simple
au plus compliqué, c’est-à-dire de leur
première perception, celle de la gare
et de leur voiture de voyageurs, au
plus complexe, de la traction à la pose
de la voie ferrée.
En 25 ans, nous avons constaté des
changements chez nos visiteurs. Le
grand public est désormais plus attiré
par des animations variées. Aussi
avons-nous, depuis quelques années,
installé, au milieu des collections, de
nombreux réseaux de trains minia-
tures qui apportent à la fois un aspect
ludique mais aussi interfèrent dans la
pédagogie des visites, notamment
auprès de notre jeune public.
À l’occasion de la fête du Train minia-
ture de 2011, nous avons renforcé
l’animation de ces réseaux par l’ac-
quisition de trains à vapeur à l’échelle
du zéro (1/43, 5
) sonorisés et émet-
tant de la fumée. Le succès fut excep-
tionnel au point que nous avons
bénéficié d’un reportage au «20h»
de TF1 le samedi 12novembre 2011!
La FFMF nous a gratifiés d’une
récompense au cours de son AG le
10mars 2012.
À l’occasion de sa 25
année, HistoRail
renforce ses efforts sur ses réseaux
de trains miniatures sans oublier
l’amélioration de la présentation des
collections que le public pourra décou-
vrir lors des portes ouvertes estivales et
gratuites du dimanche 1
juillet de
14h 30 à 18h 00 et lors de son ouver-
ture estivale du lundi 2juillet au
vendredi 31août de 10h 00 à 12h 00
et de 14h 00 à 18h 00.
Un mot sur l’avenir d’HistoRail car il
nous faut préparer les cinq années à
venir en profitant encore de la pré-
sence des fondateurs. La commune
de Saint-Léonard-de-Noblat envisage
un transfert d’HistoRail à la gare de
Saint-Léonard par une installation
dans la halle aux marchandises dis-
ponible. Une chance que l’équipe
souhaite saisir le plus rapidement.
Jacques Ragon,
président.
Musée HistoRail
88-
Historail
Juillet 2012
Draisine de «Fred»,
du nom de son
dernier draisineur,
accompagnée
de la «bête
à corne» de Moyse,
et la grue sur
le tronçon de voie
en extérieur
du musée
(origine 1925).
25 ans au service
du patrimoine ferroviaire.
Et plein de projets!
© HistoRail
Bonnes feuilles
Juillet 2012
Historail
venirs plus ou moins précis de belles
locomotives bleues qui traînaient,
d’odeurs peu communes de fioul, des
fameuses 230 K carénées, ou encore
des immenses 241 A… Puis les souve-
nirs se précisent alors que mon père
était promu sous-chef de gare de
classe à Bar-le-Duc au début des
années 1960. Période de transition
entre la vapeur et la mise en service de
l’électrification, terminée en 1962, les
activités de cette gare étaient très
importantes. C’était la première gare
d’expédition de fromages d’Europe
avec les fameux établissements Piba-
rot. Selon les périodes, 40 à 50 wagons
frigorifiques quittaient Bar-le-Duc
toutes les semaines. Les trains express
s’y séparaient en deux, la tête pour-
suivant vers Strasbourg, la queue vers
Metz et Sarrebruck, et
vice versa.
opérations occasionnaient d’impor-
tantes manœuvres et des arrêts plus
ou moins prolongés qui permettaient
au buffetier de remonter le quai avec
son chariot. Mon père disait que, dans
cette gare, les hommes d’équipe
avaient toujours un œil sur le service
du train et l’autre sur le ballast… Ce
dernier servait à repérer les pièces de
monnaie tombées dans la voie lorsque
les voyageurs ayant acheté un journal,
une boisson ou un sandwich, n’avaient
pas eu le temps de récupérer la mon-
naie des mains du vendeur avant le
démarrage du train!
Jeune étudiant au milieu des années
1960, durant les vacances j’avais été
embauché comme aide conducteur
électricien vacataire au dépôt de Bar-
le-Duc. C’était un emploi d’été très
prisé à l’époque, auquel les étudiants
accédaient après une formation et un
examen. Le souvenir le plus marquant,
au-delà de la fierté de sillonner le
Réseau de l’Est dans la cabine de
conduite d’une locomotive électrique,
fut le service de la pousse qui était
effectué en résidence à l’annexe
traction de Lérouville pour assurer le
renfort des trains de marchandises
de plus de 1200 ou 1400t, afin de
franchir la rampe de Loxéville. La
BB 16500 ou la BB 12000 stationnait
en bas de la rampe et, durant huit
heures, l’équipe effectuait une pousse
non attelée jusqu’au sommet pour,
après aiguillage sur la bonne voie par
le poste de Loxéville, revenir à son
point de départ et recommencer pour
un train suivant…
Une dizaine d’années plus tard, ayant
rejoint la SNCF, alors que, jeune
cadre du service de l’exploitation,
j’effectuais mes tournées de sécurité
dans les postes d’aiguillage et les
Ci-dessus,
de haut en bas:
casquette Est,
de forme «tampon»,
d’un chef aiguilleur
à Châlons-sur-
Marne. Grade
en cannetille argent
représentant
des feuilles de
chêne d’Amérique
(11mai 1934);
bouton Est avec
les armoiries
des villes de Paris
et Strasbourg;
bouton
des Chemins de fer
d’Alsace
et de Lorraine;
la 2410 de Sézanne
est au départ
d’Épernay
en tête d’omnibus
pour Sézanne ou
Romilly-sur-Seine.
Remarquons
le caviardage de
voitures, dont une
Est Cf à vigie type
1889, une Armistice
18 C6tjf
à lanterneaux série
ex-KPLV et une
ex-voiture d’express
déclassée de type
AB de 1895.
F. Fenino-Photorail-SNCF©
Coll. D. Leroy
cement du TGV Est. Directeur régional
de la SNCF en Lorraine au tournant
du siècle, les intenses tractations entre
la SNCF, RFF et les collectivités avaient
abouti en janvier 1999, grâce aux
efforts communs. C’était les prémices
d’une disparition annoncée, en 2007,
des rapides et express qui assuraient la
liaison entre Paris et Strasbourg depuis
155 ans!
La ligne 1 a contribué à la richesse
économique et sociale de la France
et de l’Europe. Elle a aussi été mal-
heureusement le témoin des horreurs
de trois guerres franco-allemandes.
Puisse ce magnifique ouvrage, avec
son exceptionnelle documentation,
enthousiasmer le lecteur.
Christian Antoine,
directeur honoraire de la SNCF.
Paris – Strasbourg. La ligne 1.
Un ouvrage de 224 pages,
au format 24cm x 32cm,
publié par les Éditions La Vie du Rail.
Prix de souscription jusqu’au
31 août: 59euros.
Juillet 2012
Historail
M. Oger-Photorail-SNCF©
L. Pilloux
F. Fenino-Photorail-SNCF©
En haut, de gauche à droite:
près d’Esbly en 1958, cette 141 R à la numérotation à trois chiffres, les deux premiers étant 43, est en tête d’une longue
rame composée d’un couvert transformé en fourgon et de coketières. Notons que cette «Américaine», chauffée
au charbon, possède le monogramme SNCF situé au-dessus de sa porte de boîte à fumée;
lors des travaux d’électrification de la gare de Nancy-Ville, les poteaux n’ont pas encore reçu la caténaire;
une RGP 1 monomoteur arrive en gare le jeudi 21juillet 1960, en tête du TA rapide 2302 de 1
classe, en provenance
de Sélestat par le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines.
Ci-dessus: à Sarrebourg le 20décembre 1958, la BB 12001 assure le train 1461 pour Strasbourg. Si la locomotive
est à la pointe de la modernité, la rame est composée d’anciennes voitures Est en bois tôlé à portières latérales
de 3
classe, converties à la réforme des classes du 3juin 1956, en B10 tyf! Elles sont sous leur dernier aspect
avec en particulier la suppression de la calotte de vigie, de six portières côté couloir.
E. Romouil-Photorail-SNCF-©
F. Fenino-Photorail-SNCF©
P. Bernier-Photorail-SNCF©
Ci-contre, en haut: le 20décembre 1958, le mécanicien prépare sa machine
mise en valeur par une belle lumière d’hiver;
à droite: dans les derniers temps de la vapeur sur la ligne 1, la main gauche
sur le régulateur, le mécanicien Bernard Legui est aux commandes de
sa 241 A 5 entre Paris et Château-Thierry. Cette intéressante image nous invite
à prendre place à l’intérieur de l’abri de cette Moutain de Noisy-le-Sec.
Cette machine finira sa carrière sur la ligne 4, au dépôt de Chaumont,
où sa mise en AA interviendra le 14octobre 1964.
Juillet 2012
Historail
Pour en savoir plus, voir le site:
http://marseillechansons.pagesperso-orange.fr/
créé par leur nièce Marguerite Allard, épouse Benedetti,
que nous remercions très vivement
pour ses informations et autorisation.
De son vrai nom Gabriel Fortuné, ce chanteur
comique, né le 6octobre 1887 à Perpignan, débute
dans le Midi de la France en 1908 sous son nom, mais
celui-ci était déjà utilisé par Arnaud Fortuné, qui
deviendra par la suite Fortune aîné, il choisit donc le
pseudonyme Fortuné G, puis très vite Fortugé. Sa car-
rière parisienne débuta à la Scala. Par la suite, il enre-
gistra six faces de 78 tours pour la maison Pathé Frères.
Durant la Première Guerre mondiale, envoyé sur le
front d’Orient, il y contracte plusieurs fièvres palu-
déennes. Après la guerre, il jouera à nouveau dans
de grands music-halls. Mais sa santé devenue fragile,
il meurt d’une forte grippe à Paris 20
Fortugé
Coll. G. Ribeill
EN GARE DE MARMANDE
Paroles d’Henri Poupon et musique de Blanche Poupon,
1922 © Éditions Jean Allard
À l’Ami Ziquet
Ils s’étaient rencontrés en gare de Marmande
Parce que le Bon Dieu l’avait voulu ainsi
Sans doute ils auraient pu puisque la terre est grande
Se rencontrer ailleurs, même au besoin ici
Lui c’était un dragon des hussards de la classe
Elle était organiste au mess des sous-préfets
Or comme ils voulaient pas à Dieu faire une crasse
En gare de Marmande ils s’étaient rencontrés
Le buffet était plein, le chef de gare aussi
Et devant le guichet, il lui chanta ceci:
REFRAIN
Je serai ton amant
Tu seras ma maîtresse
Tu seras ma maîtresse
Je serai ton amant
Nous coucherons ensemble malgré tout nos parents
De ta photographie
J’en ferai une image
J’en ferai une image
De ta photographie
Et je mettrai autour plein de reconnaissance
Le drapeau de la France
couplet
Bien qu’ils fussent tous deux, orphelins de naissance
Avant de s’rencontrer, ils ne s’connaissaient pas
C’est ce qui leur permit de faire connaissance
Ça n’a p’t’êtr’ l’air de rien; mais c’est à caus’ de ça
Parce que malgré tout, ce qu’on dit et c’qu’on pense
On n’fait pas connaissanc’ quand on s’connaît déjà
Ou alors ça devient de la reconnaissance
Et la reconnaissanc’ personn’ ne connaît ça
Bref maintenant certain de la connaître en plein
Le képi à la main, il chanta ce refrain:
au refrain
couplet
Elle avait un billet pour Bayonne il me semble
Lui, un ticket de quai pour Brest aller-retour
Or, s’étant bien juré de fair’ la route ensemble
Ils montèrent tous deux dans l’express de Strasbourg
Elle dans un sleeping, en tête avait pris place
Quant à lui militaire au règlement contraint
Attendu qu’il était soldat de deuzièm’ classe
Monta dans les secondes à l’arrière du train
Et transporté d’amour sitôt l’express parti
La tête à la portière, il lui chanta ceci:
au refrain
couplet
Leur joli rêve hélas ne fut qu’un songe, un leurre,
Car les songes ne sont que de beaux rêves bleus
Un taxi Citroën lancé à 15 à l’heure
Au passage à niveau, coupa leur train en deux.
La première moitié de l’express, effrayante
Continua sa course à travers les vallons
Et comme ça s’passait en haut d’une descente
L’autre moitié du train partit à reculons
Et le mécanicien devenu fou soudain
Au chauffeur du taxi fredonna ce refrain
DERNIER REFRAIN
Je serai ton amant
Tu seras ma maîtresse
Tu seras ma maîtresse
Je serai ton amant
Nous coucherons ensemble malgré cet accident
De ta locomotive
J’en ferai une ombrelle
J’en ferai une ombrelle
De ta locomotive
Et je mettrai autour, plein de reconnaissance
Le drapeau de la France
Juillet 2012
Historail
Livre
E
n juillet1952, à l’occasion de
l’inauguration de l’électrification
achevée de Paris – Lyon, le centre de
commande des sous-stations à Paris
est baptisé Centre Henri Lang et une
plaque fut apposée dans son hall.
Louis Armand, directeur général de
la SNCF, dans son allocution, évoqua
le sombre destin d’Henri Lang (1895-
1942), polytechnicien (promotion
1913), ingénieur des Ponts et Chaus-
sées, qui, depuis 1931, avait opté
pour une carrière d’ingénieur VB: au
réseau d’Alsace-Lorraine d’abord, res-
ponsable ensuite au sein de la nou-
velle SNCF d’une éphémère sous-
direction de Marseille, puis affecté en
juin1939 à sa Région Sud-Est, sous-
directeur du service Voie et Bâtiments.
Avec le concours de sa fille, Cathe-
rine de Béchillon, qui avait déjà évo-
qué ses souvenirs
, c’est à cet ingé-
nieur qu’une biographie vient d’être
consacrée, signée de Nathalie Bibas
contrôleur de gestion à la SNCF.
À l’AL, l’ingénieur des Ponts sera
chargé de la construction d’un tun-
nel permettant le franchissement
des Vosges par la ligne stratégique
de Sainte-Marie-aux-Mines à Saint-
Dié: plus long tunnel sur le territoire
français, il sera inauguré le 8août
1937 par le Président de la Répu-
blique Lebrun.
Une autre mission stratégique revien-
dra à Lang dès la déclaration de
guerre: la construction d’un raccor-
dement stratégique à Villeneuve-
Saint-Georges, entre les voies 1 et 2
Sud-Est et la ligne de jonction
Valenton-Juvisy de la Grande Cein-
ture. Commencé le 15novembre
1939, le raccordement est mis en ser-
vice le 16mai,
« le jour même où arri-
vent les premiers trains
de troupes en prove-
nance de l’Est »
, facili-
tant du 17mai au
12juin le transit rapide
des troupes entre les
fronts malmenés de
l’Est et de l’Ouest.
Considéré comme inop-
portun jusqu’alors par
les autorités militaires,
le projet d’électrification
complète de Paris –
Lyon est remis en selle
sans attendre, confié à
Lang.
« La défaite a, d’une façon bru-
tale, éliminé les craintes de bombar-
dements qui faisaient rejeter l’idée
d’électrifier le tronçon Paris – Dijon.
La SNCF intègre ainsi le contexte
d’après-guerre, dès juillet1940 »
, sou-
ligne Nathalie Bibas
. Le 26octobre
Un ingénieur juif
de la SNCF,
mort à Auschwitz,
Henri Lang
Les ferroviphiles épris de la « Ligne
impériale » ou du TGV Sud-Est connaissent
le « Centre Henri Lang »; proche de la gare
de Lyon, ce bâtiment sis rue Chrétien-de-
Troyes, destiné à l’origine à abriter le poste
de commande des sous-stations de la ligne
électrifiée Paris – Lyon, accueillera plus tard
le Poste d’aiguillage et de régulation (PAR)
de la première ligne à grande vitesse.
Biographie écrite
par Nathalie Bibas,
contrôleur de
gestion à la SNCF.
Juillet 2012
Historail
La 12 est au centre du nouvel
album de Schuiten.
Grâce à la réalité augmentée, le lecteur peut voir,
par l’intermédiaire de son écran d’ordinateur,
la 12 sortir en 3D de l’album.
Documents Casterman pour Schuiten
Document Dassault Systèmes
Notes de lecture
Après un démarrage difficile mais
avoué
« par manque de connais-
sances rédactionnelles »
, le bulle-
tin du
Cercle historique du rail
français
, que préside Jacques
Willigens, a trouvé son rythme
de croisière après deux ans d’exis-
tence, en proposant des articles
variés traitant exclusivement de
l’époque des Compagnies, met-
tant toujours en valeur des photos
noir et blanc et des dessins rares
et souvent inédits. Si les nom-
breux articles dédiés aux locomo-
tives à vapeur ou électriques ne
traitent pas toujours de sujets très
originaux, les articles consacrés
aux voitures et wagons ont pris
une part croissante et appréciée:
couverts 45m
du Nord à 2 ou
3 essieux, wagons-citernes système
Lepage utilisés par Pernod
(n°4)
plat spécial 1894 de l’Ouest, wa-
gons pour charges lourdes et en-
combrantes à « balançoires » du
même Ouest
(n°5)
. Mention spé-
ciale dans cette dernière livraison
(pp. 22-27)
: les photos « sur le
vif » d’un chantier RVB au début
des années 1930, où l’entreprise
A. Dehé & Cie expérimente une
dégarnisseuse Scheuchzer en tête
de wagons plats assurant par une
noria de bennes le rechargement
automatique de la voie en ballast
neuf.
G. R.
112-
Historail
Juillet 2012
Rails d’autrefois, n°5
Avril2012, 66 p.
Abonnement: 25euros; 23, chemin des Lanots, 64121 Serres-Castet.
Cet ingénieur des Ponts méritait
une biographie, tant son œuvre
féconde et éclectique a laissé de
nombreuses traces. Entré le der-
nier à Polytechnique en 1796, il
en sort affecté au prestigieux
corps dont Bonaparte entend se
servir pour consolider ses
conquêtes: durant cinq ans, pour
établir le plus court chemin
reliant Paris à Milan, il aménage
le franchissement routier du col
du Simplon; puis celui du
Lautaret sur la route reliant
Grenoble à Briançon. Affecté en
1816 à Versailles, le fonctionnaire
prend des initiatives person-
nelles: il conçoit une passerelle
de fonte dans le parc du château
de Jacques Laffitte; féru d’agro-
nomie, dans sa propriété il élève
des vers à soie, des vaches suisses
qui côtoient un petit chemin de
fer, et du croisement de chèvres
du Cachemire et de boucs
d’Angora, il obtient un duvet de
très grande qualité: un succès
qui l’entraîne à fonder en 1828
une école d’agriculture à Grignon.
Il réalise à Paris le pont des
Saints-Pères (trop étroit, il sera
remplacé en 1930 par l’actuel
pont du Carrousel), novateur par
ses trois grandes arches tout en
fonte, crée en 1838 une
Compagnie du bitume élastique
Polonceau,
dépose des brevets
dans tous ces domaines,
jusqu’aux transports par eau et
à la régulation des rivières.
Ces entreprises privées lui valent
d’être mis en congé par son
administration en 1832, puis à la
retraite en 1840: du temps libéré
mis au service de la railway-
mania ambiante. Avec les frères
Seguin, il élabore un projet de
chemin de Paris à Versailles par la
rive gauche de la Seine. Pour faci-
liter l’accès à la gare parisienne
jugée trop excentrée, inspiré par
le chemin de fer de Manchester à
Liverpool, Polonceau promeut le
système de caisses mobiles trans-
bordables entre châssis routiers
et wagons, qui permettront aux
voyageurs installés d’ignorer
toute rupture de charge entre les
bureaux de départ en centre-ville
et les quais d’embarquement,
innovation qui sera adoptée ulté-
rieurement par la Compagnie
d’Orléans. Recalé lors de l’adjudi-
cation en avril 1837, Polonceau
est chargé du moins des deux
principaux ouvrages d’art de la
ligne: tranchée de Clamart
(1700 m) et viaduc de Val-Fleury
(aujourd’hui dit de Meudon),
long de 143m, superposant
deux rangées de septa rches.
Pour le compte de Riant,
Polonceau va ensuite étudier une
ligne entre Paris et Rouen par la
vallée de la Seine: nouvelle
bataille de tracé perdue, l’État
optant en mai1838 pour un
tracé par les plateaux… qui tour-
nera vite au fiasco… Les conces-
sionnaires d’un nouveau tracé
par la vallée, Jacques Laffitte flan-
qué de banquiers et ingénieurs
anglais, rachèteront du moins à
Riant les études de Polonceau…
Dans la longue bataille du Paris –
Lyon qui oppose de multiples tra-
cés, Polonceau jouera cette fois
un rôle décisif, en faisant imposer
un tracé qui suit l’Yonne puis le
canal de Bourgogne jusqu’au
seuil de Bourgogne: tracé que
Darcy prolongera jusqu’à Dijon
par le tunnel de Blaisy. Retiré
dans le Jura, chez son ami le maî-
tre des forges Charlier, Polonceau
y livre ses dernières batailles de
tracés…
Le
Journal de Seine-et-Oise
salua
l’ingénieur trop tôt disparu,
« homme aux idées neuves, à
l’imagination vive, antagoniste
infatigable de la routine et du
statu quo
que ses talents
n’avaient pourtant pas enrichi.
Les auteurs évoquent en annexe
son fils Camille (1813-1859),
mieux connu des historiens du
rail. Échouant à Polytechnique, il
sortira de Centrale en 1836 et
sera appelé successivement par
les Compagnies de Versailles-
RG, de Strasbourg-Bâle, enfin
d’Orléans: là, à la tête du service
de la Traction et du Matériel, ses
innovations techniques et
sociales bien connues laisseront
une empreinte profonde. Les
auteurs nous apprennent qu’il
sera chargé en 1855 de conce-
voir un train destiné aux
voyages de Napoléon III, que sa
Compagnie entend offrir à l’em-
pereur
(p.227)
Tout comme l’ingénieur civil
Eugène Flachat (1802-1873) qui
s’en rapproche par sa fécondité
et sa polyvalence techniciennes, il
y a bien des choses encore à
explorer, au-delà de la biographie
nourrie d’archives familiales. On
aimerait en savoir un peu plus sur
les réseaux sociaux et bureaux
d’études de ces ingénieurs qui,
s’ils ne sont pas en première ligne
dans les entreprises ferroviaires,
mais échappant à l’étroit corset
du corps des Ponts, y ont apporté
beaucoup d’innovations.
Georges Ribeill
Un homme libre
. Antoine-Rémy Polonceau, un ingénieur au parcours éclectique
Denis Hannotin, Christine Moissinac, Antoine-Rémy Polonceau (1778-1847), Presses des Ponts, 2011, 246 p., 30
Bruno Carrière à qui l’on doit
l’essentiel des articles de ce jour-
nal de l’Association pour l’histoire
des chemins de fer, prend
quelque plaisir à rebondir sur
divers sujets d’actualité. Telle l’im-
plication de l’agence de voyages
Thomas Cook & fils dans l’organi-
sation de voyages pour se rendre
aux jeux Olympiques de Londres
en… 1908! Ou encore, à propos
de l’inauguration le 21mars der-
nier de la nouvelle gare de Saint-
Lazare, mettant en valeur des
verrières rénovées éclairant la
salle des pas perdus et le quai
transversal, ce rappel hors de
l’oubli de l’ingénieur Charles
Sarteur (1874-1933). Entré en
1892 à l’Ouest, sa carrière en fait
un spécialiste des travaux de bâ-
timents. Il lui sera confié en 1928
la création en gare Saint-Lazare
d’une galerie des marchands,
étape d’avant-garde dans la
conception des grandes gares,
aujourd’hui devenue la norme.
Reconnu pour ses talents d’ar-
tiste-peintre, Sarteur présidera en
1926 l’Association artistique des
chemins de fer français, à l’ori-
gine de l’actuelle Union artistique
des cheminots de France (UAICF).
À cette occasion, une plaquette a
été éditée par Somogy dans sa
collection
Parcours du patri-
moine, Gare Saint-Lazare. Les
verrières de Paris à New York,
signée de Bruno Carrière, Véro-
nique David, Laurence de Finance
et Paul Smith (72 p., 9euros).
Rebondissant sur la liquidation de
SeaFrance, filiale à 100% de la
SNCF, décidée en janvier dernier,
Bruno Carrière retrace par le
menu détail les
« jalons de la pré-
sence ferroviaire française sur la
Manche »
. Initiée dès 1848 par
les Compagnies du Nord et de
l’Ouest, elle sera poursuivie par
la SNCF sous des étiquettes chan-
geantes: Service de l’armement
naval (1938), Société nouvelle
d’affrètement transmanche
(SNAT) en 1990, SeaFrance de-
puis 1996. Les services assurés
par les opérateurs français (pa-
quebots, cargos, ferry-boats,
car-ferries) sont toujours demeu-
rés fragiles économiquement, en
raison de la concurrence des opé-
rateurs étrangers, promoteurs en
particulier durant les années
1960 des aéroglisseurs, puis de
l’ouverture en 1994 du tunnel
transmanche.
Avec un luxe de précisions chro-
nologiques, Bruno Carrière nous
propose aussi un historique com-
plet et inédit de la branche touris-
tique de la SCETA, cette modeste
filiale de la SNCF devenue le hol-
ding de ses multiples activités
non-ferroviaires (transports rou-
tiers de marchandises, logistique,
tourisme, etc.). France tourisme
service (FTS), Les Auberges du
soleil, Prexotel, les Bureaux de
tourisme SNCF, Vacances 2000…,
tout cela évoque les Trente
Glorieuses, cette époque où An-
glais, Belges, Allemands et Hol-
landais venaient découvrir le Midi
ensoleillé de la France, achemi-
nés par des trains spéciaux sai-
sonniers aux noms suggestifs
(Zon Express, Blue Sky Express,
Pyreneo, jusqu’au Najac Express)
dans des camps de vacances, tel
Boulouris ou Maxima 2000. La
SNCF a conçu à sa manière ses
« Clubs Med » qui intégraient
toute une chaîne de services et
opérateurs intégrés et coordon-
nés, pour offrir un service touris-
tique complet. Frantour, créé en
1977, restructure ces services,
crée une chaîne d’hôtels, avant
d’être liquidé en 1999, le recen-
trage sur le cœur de métier ferro-
viaire de la SNCF étant décidé.
Clément Gosselin, un jeune étu-
diant, signe un article voué à
l’histoire des ambulants. Initiés en
1850 par La Poste avec la circula-
tion autorisée de ses propres
allèges, le confort spartiate des
wagons postaux (insalubrité, tré-
pidations constantes, chauffage
quasi inexistant ou trop présent,
sécurité relative des caisses de
bois…) motivera des innovations
contribuant à améliorer leurs
conditions de travail.
G. R.
Les Rails de l’histoire, n°3
Avril2012 (diffusion gratuite auprès de l’AHICF).
Le
Bulletin des Amis des che-
mins de fer industriels
poursuit
son inventaire documentaire,
historique et photographique
des constructeurs et industriels
ayant développé ces matériels
cantonnés à circuler sur les voies
ferrées privées de certaines
entreprises: mines, carrières,
exploitations forestières, usines
métallurgiques, silos céréaliers,
etc. Ici,
« l’entreprise énigma-
tique Valermi »
est dévoilée dans
un copieux dossier
(pp. 24-35)
Fondée en 1946 par un dissi-
dent de chez Moysen, comme
son nom développé l’explique,
cette société pour la Vente,
l’achat, la location et la répara-
tion de matériel industriel se
contentait d’être un bureau
d’études agençant des compo-
sants empruntés à divers maté-
riels, à voie étroite ou normale,
des Moyse, Crochat, etc.
Cannibalisation appropriée à la
confection économique de ces
engins toujours rustiques et sou-
vent singuliers. Un autre dossier
traite des locotracteurs Baudet-
Donon-Roussel du type standard
(pp. 36-47)
Le réseau des nombreux corres-
pondants contribue à la qualité
de fond de cette modeste revue
trimestrielle, échangeant infos,
questions ou photos insolites
dans des rubriques très interac-
tives
(Rails en vrac, Courrier des
lecteurs)
. Les photos les plus
récentes, révélant généralement
un matériel rouillé, sale, mal
entretenu, ou garé à tout
jamais, évoquent, en toile de
fond, le déclin de la France
industrielle.
G. R.
Rail et Industrie, n°47
Mars2012, 60 p., nombreuses illustrations N&B, format A4.
(Abonnement: 28
; règlement à l’ordre de
Rail et Industrie,
adressé à Christophe Etiévant,
23, rue Gabriel-Péri, 42100 Saint-Étienne).
Juillet 2012
Historail

Historail
n° 20, page18:
à propos de notre article sur le
Capitole
, plusieurs lecteurs, dont Jean-Pierre Gide de
Sallanches (Haute-Savoie) et Michel Degeon de Neuville-lès-Dieppe (Seine-Maritime), nous précisent que les prototypes
de la ligne Brive – Montauban étaient de configuration BBB 6002 et non BB 6002. Il s’agit effectivement d’une
malheureuse erreur de frappe, dont nous vous prions de bien vouloir nous excuser.

Historail
n° 20, page45:
concernant l’article sur le prémétro une erreur s’est glissée, Jean-Pierre Gide nous
apporte la précision suivante: il ne s’agit pas de modes de «captation» différents pour s’affranchir de la caténaire mais
de modes de captage.
Courrier
Errata
M. Mertens Photorail – SNCF ©
La BBB 6002, ou Jacquemin,
est un prototype commandé lors
de l’électrification de la ligne
Brive – Montauban. Elle était prévue
pour la remorque des trains de fret
lourds sans machine de renfort
sur des lignes à profil en dents de scie.
114-
Historail
Juillet 2012