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Description

Historail
Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
N° 28 – Janvier 2014 – Trimestriel – 9,90

9,90
– RD
Pompidou
e
partie)
• Chemins de fer suisses:
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La Vie du Rail
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110 284
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Collection Régions
Paris-Lyon
et sa banlieue
Didier Leroy et Paul-Henri Bellot
Voulue fastueuse par la riche Compagnie du PLM
pour l’exposition universelle de 1900, portée par
sa prestigieuse tour de l’horloge et son célèbre
restaurant, la gare de Lyon est incontestablement
devenue un véritable monument parisien. Son
rôle reste le plus souvent associé aux destinations
nobles de la Côte d’Azur et des Alpes, aux
mythiques
Train-Bleu
et
Mistral
, qui ont un peu
éclipsé ses trafics plus traditionnels. De son par-
vis jusqu’à Montereau, Montargis et Malesherbes,
les auteurs parcourent ses lignes, ses triages et ses
dépôts grâce aux plus beaux clichés de
La Vie du
Rail
et de collections particulières, dont la
plupart sont inédits. Ils relatent ainsi
l’ambiance ferroviaire de la fin de la
vapeur jusqu’à l’arrivée du TGV, dans
ce que «Paris-Lyon et sa banlieue»
ont de plus attachant: la vie des
voyageurs et des cheminots!
49

Réf. 110 284
Caractéristiques techniques:
Format: 240 x 320mm
176 pages
Prix public: 49
8-
Historail
Janvier 2014
MÉMOIRE
Des institutions
patronales précoces
Les économats sont apparus tôt dans
les chemins de fer, en premier lieu à
Paris où le coût de la vie était plus
élevé qu’en province. Le Nord en
ouvre un à La Chapelle dès 1847, l’Or-
léans, un à Ivry dès 1855, communes
intégrées dans les X
et XIII
arrondis-
sements après leur annexion de 1860.
Les créations provinciales sont plus
tardives: à Amiens et Tergnier en
1859, à Fives en 1860 pour le Nord,
puis à Orléans, Tours, Bordeaux et
Périgueux en 1865 pour le PO. Le
Midi a fondé le sien à Bordeaux
(1856), l’Ouest à Paris-Batignolles
(1875), et le petit Réseau de l’État à
LaRochelle (1887).
Deux compagnies, l’Est et le PLM, ont
préféré encourager la création de coo-
pératives de consommation, où les
agents étaient ainsi
« conduits à
gérer eux-mêmes leurs affaires »
selon François Jacqmin, directeur de
la Compagnie de l’Est, où, tout
favorisant la prévoyance des ouvriers
et employés »,
l’institution atténuait
« la responsabilité des patrons »
,selon
l’ingénieur du PLM Jules Michel. À
l’inverse, le secrétaire général du PO
Courras vantait les atouts propres des
économats:
« La compagnie peut
envoyer à toutes les stations les pro-
duits qu’elle a achetés à bon marché
sur les lieux de production. Elle fait
venir le vin du Midi et le distribue sur
tout son réseau; elle fait confection-
ner des vêtements à Paris et les envoie
partout. Une société coopérative
peut-elle jouer le même rôle? »
Les avantages sont certains pour les
agents, bénéficiant jusqu’à 20-25%
de réduction sur le prix courant des
denrées,
« véritable relèvement des
salaires »
, note un observateur juriste,
pour qui cet avantage matériel est
moins capital que les effets moraux
de l’institution:
« En cédant à leur per-
sonnel des fournitures à bon compte,
DR/Photorail
Coll. G. Ribeill
Au début
du XX
siècle,
les économats
du PO proposent
des articles
de confection.
Ci-dessus,
casquettes BL
(Économat
Ouest, 1939).
Janvier 2014
Historail
[ au bon temps des économats de la SNCF]
simplement de titre en 1938, en deve-
nant
Notre Économat
, organe officiel
de l’Économat de la Région Ouest de
la SNCF.
Son deuxième numéro (avril 1938) ne
manque pas de célébrer les 50 ans
d’existence de l’Économat de la
Région Ouest, fondé en avril 1888,
rappelant que de tous les économats
de la SNCF, celui de la Région Ouest
est celui qui applique
« le plus libéra-
lement la lettre et l’esprit des disposi-
tions de la loi du 25 mars 1910 »
avant d’en rappeler sa justification:
« Ce régime d’exception pour le per-
sonnel des Réseaux est largement
justifié par le caractère particulier de
l’industrie ferroviaire. Les chemins de
fer occupent, en effet, un nombreux
personnel dont les conditions de tra-
vail sont fort différentes de celles des
ouvriers et des employés d’industrie.
Tantôt éloignés de tout centre d’ap-
provisionnement, tantôt réunis dans
des gares importantes dépourvues
d’un commerce local suffisant, les
cheminots sont des consommateurs
dont les conditions d’achat n’obéis-
sent en rien aux règles ordinaires des
échanges commerciaux. Nulle entre-
prise n’exige, au surplus, de son per-
sonnel la même mobilité au cours de
sa carrière. »
La liste des établissements de vente
que gère l’Économat des vivres est
impressionnante. En région parisienne,
on peut se ravitailler sur place auprès
Ci-dessous, encart
pour les magasins
de denrées du PO,
rue du Chevaleret
à Paris, paru dans
le «PO illustré».
Coll. G. Ribeill
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Historail
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Mantes-Gassicourt
Serquigny
Bernay
Bayeux
Caen
Dreux
Versailles-Chantiers
Saint-Cyr
Conches
Saint-Lô
Guilberville
Surdon
Valognes
Folligny
Coutances
Carentan
Vire
Ste-Gauburge
Flers
Granville
Cherbourg
Lisieux
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 280121
Dubruille/Photorail
Ci-dessus, train-économat en gare de Gretz (Seine-et-Marne), dans les années 1940.
Ci-dessous, la carte des gares desservies chaque mois par le train-magasin n°1 effectuant sa tournée en Normandie (en 1939).
Ci-contre, des offres
pour toute la
famille: des jouets
pour les enfants
(hiver 1938), des
fourrures pour
Madame (1938),
des papiers peints
pour Monsieur
(février 1939)
et des chocolats
pour tous
(décembre 1951).
Coll. G. Ribeill
Janvier 2014
Historail
merce soulignent l’atout du premier:
boucherie vendant de 15 à 20%
moins cher. Et il est aussi rappelé les
sanctions prises pour rétrocession de
marchandises de l’économat à des
personnes étrangères au chemin de
fer ou usage irrégulier du livret: deux
agents commissionnés, deux retraités
et une veuve d’agent sont ainsi inter-
dits d’économat pendant une durée
plus ou moins longue.
Quelques publicités payantes agré-
mentent le catalogue: cacao Bens-
dorp, conserves Cassegrain (Nantes),
beurres et fromages Claudel (Pont-
Hébert dans la Manche), Pâté Doré
au four de Raynal et Roquelaure (Cap-
denac), bière de table Moritz, chicorée
La Madelon, vin muscat de la maison
Anthérieu à Frontignan, vins au
quinquina Byrrh ou Dubonnet…, par-
fois opportunes (sardines Cassegrain
« pour manger chez soi ou en
route »). De sa proximité avec le
siège parisien, tire sans doute profit
Léon, couturier et marchand de four-
rures, sis 77-79, avenue de Clichy,
annonceur régulier sur pleine page,
accordant une remise de 10% aux
cheminots.
Après guerre
Durant la guerre et sous le régime
résultant de pénuries et rationne-
ments, le rôle apprécié et renforcé des
économats régionaux motive en jan-
vier 1942 une nouvelle réglementa-
tion: chaque service régional est doté
de l’autonomie de gestion, financière
et commerciale, à charge d’équilibrer
recettes et dépenses. De nouvelles
habitudes plus laxistes, voire travers,
furent adoptés, non corrigés après
guerre: « l’affaire de l’Économat
Ouest »
(voirencadré page 18)
en est
l’illustration.
16-
Historail
Janvier 2014
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 280161
Le service
de livraison
des combustibles
de l’économat
de la rue du
Chevaleret à Paris
juillet 1933).
Au début des années 1950,l’entrée
dans la « société de consommation »
motive la modernisation commerciale
des économats de la SNCF. L’offre
amplifiée de mobilier pour salons, cui-
sines et chambres traduit les aspirations
des ménages cheminots à un confort
accru. Les magasins des économats ne
sont plus simplement de simples comp-
toirs, mais aussi, si possible, des lieux
d’exposition dumobilier proposé.
Trente magasins en sont équipés ainsi
en 1951
(voirencadré page 22)
Outre ses rubriques classiques, épice-
rie, vins et boissons, chaussures, tex-
tiles, le
Tarif général
d’octobre 1953
innove en proposant l’achat par cor-
respondance et à crédit d’objets
d’équipement domestique: meubles,
appareils de chauffage, appareils
ménagers, machines à coudre et cyclo-
moteurs.
Peu d’innovation s’agissant du colis de
Noël, proposé selon deux assortiments:
pour 2300fr, colis n°1: un litre de
Martini, une bouteille de traminer ou
de pouilly-fuissé, une bouteille de
château-romain, une bouteille de châ-
teauneuf-du-pape, une bouteille de
sauternes « Château-du-Pick », une
bouteille de champagne, une bouteille
de rhum 54°; pour 1500fr, colis n°2:
un litre de muscat ou de banyuls, une
bouteille de château-romain, une bou-
teille de saint-macaire ou muscadet,
une bouteille de sainte-croix-du-mont,
une bouteille de saumur mousseux,
un litre de rhum 44°.
Quant à l’achat de combustibles,
contingenté (tonnage maximum auto-
risé: deux tonnes par ayant droit céli-
bataire, quatre tonnes par ayant droit
marié), étant livrés en vrac en wagon
complet, les agents sont invités à se
regrouper. Le wagon est expédié direc-
Janvier 2014
Historail
DR/Photorail
Ci-contre, des publicités
cheminotes bien ajustées
aux besoins du ménage: sardines
Cassegrain pour le panier
des roulants, du quiquina Dubonnet
pour boire «en famille»
(septembre 1938), et Rolls
«contre les salissures grasses»
(octobre 1953).
Coll. G. Ribeill
occupent 1013 agents. Une table
ronde réunit la direction de la SNCF
et les organisations syndicales le
22mai 1978, consacrée au devenir de
l’Économat ou plutôt… à sa dispari-
tion. Le 14 juin suivant, la direction
annonce qu’elle n’investira plus; en
conséquence, la fermeture de l’Éco-
nomat est donc envisagée pour fin
1979, concernant 980 emplois. Lors
d’une nouvelle réunion, le 28 juin, la
CFDT fait part de ses exigences sur les
garanties à apporter au personnel. Le
dossier est présenté au conseil d’ad-
ministration de la SNCF le 19juillet,
lequel vote la fermeture de l’Écono-
mat. Gilbert Billon, représentant de la
CFDT, vote contre cette fermeture. Le
14 décembre, une nouvelle rencon-
tre entre direction et syndicats est
consacrée aux mesures conservatoires
à destination du personnel à reclas-
ser, dont 80% sont des agents auxi-
liaires
. Les magasins seront fermés
dans la période août-décembre 1979.
Georges Ribeill
1. Maurice Reclus,
Les Économats dans
l’industrie des chemins de fer en France,
Impr. Michalon, 1908, p. 181.
2. Trois députés gascons plutôt modérés
sont les auteurs de la proposition de loi:
le vicomte de Laborie de La Batut (1854-
1933), docteur en droit, élu bergeracois,
président du conseil général
de Dordogne de 1885 à 1912, puis
sénateur libéral; Antoine Jourde (1848-
1923), député bordelais de la Gironde
de 1889 à 1902 et de 1906 à 1910;
Georges Saumande (1851-1930), ancien
maire de Périgueux, planteur de tabac,
radical, député de la Dordogne.
3. SNCF, Région Ouest,
Notre Économat,
Tarif général, n°34,
1
er
février 1939,
Normandie, 96p.
4. Argentan, Caen, Dieppe, Évreux,
LeHavre, Mézidon, Rouen-Orléans,
Rouen-Martainville, Sotteville,
Saint-Étienne-du-Rouvray.
5. Par exemple, quatre variétés
de poireau sont proposées:
très gros
de Rouen, monstrueux de Carentan,
demi-long de Mézières
ou
jaune gros
du Poitou.
6. La proportion des couples à double
activité distincte, l’une à la SNCF l’autre
hors d’elle, rapportée à l’effectif des
agents mariés, bondit de 25% en 1962
à 60% en 1991. Voir G.Ribeill,
Les Cheminots. Que reste-t-il de
la grande famille?
Syros, 1993, p.145.
7. Je remercie Michel Gorand, ancien
secrétaire général de la Fédération CFDT,
pour ses précisions communiquées sur
la fin des économats.
24-
Historail
Janvier 2014
MÉMOIRE
Magasin de vente
de Lille-Délivrance
en décembre 1969:
la copie conforme
d’une grande
surface!
N. Neumann/Photorail
Janvier 2014
Historail
[ au bon temps des économats de la SNCF]
Ci-dessus
et ci-contre:
un wagon-économat
en gare de Sierck-
les-Bains (Moselle),
en février 1970.
Photos SNCF Médiathèque – Y. Bouchet
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 280251
Janvier 2014
Historail
En 1840, les rails du «Chemin de fer d’Alsace»
s’arrêtaient à Saint-Louis, à la frontière suisse. Mais,
plus tard, ils franchirent la frontière et furent posés
jusqu’à la première gare de Bâle, laquelle,
provisoirement, avait été édifiée hors de ville. Le
premier train y fit son entrée le 15juin1844. C’est
à la fin de 1845 seulement qu’une gare fut érigée à
l’intérieur des murs de la cité. Le train de Strasbourg
ne pouvait y accéder qu’en passant par une grande
porte, que la municipalité faisait fermer tous
les soirs avec soin. La gravure ci-dessus représente
la gare
intra-muros
de cette époque. Le tronçon
Strasbourg- Bâle constituait sans doute la première
liaison internationale par chemin de fer.
Voici l’affiche qui annonça la mise en marche des premiers trains
en Suisse. Elle prévoyait l’inauguration de la ligne Zurich – Baden
pour le 1
mai 1847. La «Compagnie du chemin de fer du Nord»
espérait pouvoir commencer son exploitation à cette date, mais
des difficultés d’ordre technique l’obligèrent à renvoyer la mise
en marche du premier train au 9août de la même année.
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Historail
Janvier 2014
1847. LE CHEMIN DE FER DES VILLES
Zurich, Baden, Lausanne, Yverdon, Genève, Fribourg, Berne, le train a d’abord relié les villes au prix
d’efforts considérables et de travaux gigantesques. Nous verrons plus tard comment il a profondément
irrigué le territoire montagneux de presque tous les cantons. Empêchant ainsi que la Suisse connaisse
l’exode rural de ses voisins européens.
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RÉSEAU
1856. ICI LAUSANNE
En 1856, la capitale vaudoise inaugura en même temps sa gare et la ligne Renens – Lausanne, qui la
reliait directement à Yverdon. La gravure ci-dessus nous montre, devant la première gare de Lausanne,
un attelage à trois chevaux prêt à transporter des dames à crinoline, accompagnées de galants
messieurs. Sans doute, tout ce monde se rend-il à Bex, dont les bains salins étaient déjà fort connus
à cette époque. En 1858, les Lausannois pouvaient se rendre à Genève soit en bateau, soit en chemin
de fer. En 1861, une voie ferrée les relia à Villeneuve, et, une année plus tard, la ligne Romont-
Fribourg – Berne était inaugurée, ouvrant une ère nouvelle dans les relations entre la capitale
du canton de Vaud et la Ville fédérale.
Au XIX
siècle déjà, le château de Chillon
était considéré comme un des monuments
historiques les plus remarquables de la
Suisse. La ligne de chemin de fer Lausanne-
Villeneuve, ouverte au trafic en 1861, donna
aux touristes la possibilité de le visiter
très facilement, puisque la gare de Veytaux-
Chillon se trouve à proximité.
Schaffhouse.
Le premier train qui entra à Schaffhouse venait de Winterthour. C’était en 1857.
La ville de Schaffhouse, forte à ce moment-là de sept mille habitants, célébra l’inauguration de cette
ligne, appelée «Chemin de fer de la chute du Rhin», en tirant du canon et en sonnant les cloches.
Il y eut d’imposants cortèges et des feux d’artifice.
Dachsen.
Dix ans après l’inauguration du premier chemin de fer suisse Zurich – Baden, s’ouvrait
la ligne dite «de la chute du Rhin» qui reliait Winterthour à Schaffhouse. Une de ses gares,
celle de Dachsen, acquit une grande importance, car c’est là que les touristes descendaient
pour se rendre, à pied ou en diligence, à la célèbre cascade. C’était l’hôtel Witzig, mentionné
dans le Baedeker comme maison de premier ordre, qui servait de gare.
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1858. LES AUTORITÉS SUISSES ET FRANÇAISES
BOUDENT L’INAUGURATION DE GENÈVE – LYON
Voici la gare de Genève en 1858, le jour de l’inauguration de la première ligne de chemin de fer
Genève – Lyon. Les archives nous rappellent que, à cette cérémonie qui avait un caractère
international, la Confédération helvétique et la France, divisées à ce moment par les affaires
de Neuchâtel et de la Savoie, n’étaient pas représentées. Mais les autorités genevoises surent
donner à la journée l’éclat et la solennité qui s’imposaient.
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RÉSEAU
1860. LA GARE SÉPARE BERNE L’ANCIENNE
ET BERNE LA NOUVELLE
En 1860, quand elle fut dotée d’une gare, la ville de Berne s’était déjà étendue au-delà
de ses défenses extérieures. À l’endroit des anciennes fortifications s’éleva le bâtiment de la gare,
une longue halle qui, tel un solide verrou, sépara la vieille ville des quartiers neufs. Peut-être est-ce
à ces installations ferroviaires que l’antique cité doit d’avoir conservé son cachet d’autrefois?
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MATÉRIEL
Le Biterrois,
terre d’élection
des wagons-foudres
Au cœur d’une région viticole, dont on a montré le poids dans le dernier numéro
Historail
, Béziers, siège du plus important marché des vins du Languedoc-Roussillon,
se dota progressivement d’un outillage perfectionné pour le stockage, la conservation et
l’expédition des vins. Dans cette capitale du vin où l’
Annuaire de l’Hérault
recense en 1928
près de 400 négociants, commissionnaires ou courtiers, les wagons-foudres suscitèrent très
tôt le développement d’une filière industrielle très dynamique recouvrant la construction,
l’entretien, le garage, la vente et la location de ce matériel, filière où se distinguent
les entrepreneurs Mitjavile, Pujas, à la tête de la plus importante affaire française spécialisée,
et Gaillard.
Coll. Ph. Marassé
Déjean: de la location
à la maintenance des
wagons de particuliers
D’abord comptable chez le négociant
biterrois Claudon, Jules Déjean (1880-
1968) fonda vers 1913, avec Ernest
Lhermet, le Comptoir méridional de
wagons-foudres, disparu au début des
années 1920. En 1930, Déjean exploi-
tait 50 wagons de 105 à 200hl sous
la raison sociale Wagons-foudres du
Minervois. Il disposait d’un atelier
aménagé vers 1923 à Villeneuve-lès-
Béziers et travaillant également pour
les tiers. En 1941, Déjean, qui possé-
dait aussi une
«maison à Sète»
la fabrication, la location et la vente
«de demi-muids transports»,
éten-
dit son activité aux conteneurs en
constituant, avec son fils Pierre et son
gendre Robert Mas, la Compagnie
pour l’exploitation de matériels de
transport (Cemat). En 1948, l’indus-
triel donna son fonds en location-
gérance à une société administrée par
son fils et son gendre, puis, en 1960,
remit son actif à ses enfants. L’entre-
prise se recentra alors sur l’entretien
des wagons de particuliers sous la
dénomination Ateliers et Chantiers de
Villeneuve (ACV). Transférée à Béziers
en 1995, sur le site de l’ancien chan-
tier Fouga-Nord, elle est aujourd’hui
exploitée par Freeman Industries.
Lautrec: une agence
familiale aux activités
diversifiées
Ancien marchand de cycles né à
Béziers, Louis Lautrec (1877-1937)
représentait en 1906 un loueur sétois,
Maffre. Très vite, il étoffa son porte-
feuille qui comptera notamment les
sétois Combes, Dugas, Herrmann ou
l’historique Maffre, ainsi que des
exploitants extérieurs à la région
comme les Wagons-réservoirs nan-
céiens (anciens Éts T.Demange & Cie
à Nancy), la Cie parisienne de
wagons-foudres (Hendaye) ou Millet.
Par la suite, Lautrec se livra également
au négoce des wagons, des pièces de
rechange (essieux, ressorts), des fou-
dres et des fûts et loua son propre
matériel. De plus, il élargit son acti-
vité au commerce viticole, ce qui le
conduisait… à louer des wagons
auprès de ses confrères. À son décès,
sa veuve, Jeanne Lautrec-Bourrel,
poursuivit l’exploitation de l’agence
de location jusqu’à sa mort, en 1962.
L’entreprise fut alors reprise par ses
deux filles sous la dénomination Les
successeurs de J. Lautrec-Bourrel puis
par son arrière-petit-fils. Dans les
années 1950-60, l’agence Lautrec,
outre la location de son propre maté-
riel (21 wagons en 1962), représen-
tait de nombreux propriétaires: Bois-
sière, Bréauté, Dussol, Gennetier,
Jougla, Lignon, Maurel, Miraillet,
Poujol, la Socoma, etc.
Mitjavile: un groupe
dynastique multimodal
La société Mitjavile, l’une des plus
importantes entreprises spécialisées
du Midi avec Pujas, fut créée en 1902
sous forme d’une société en com-
mandite par actions dite Transports
de liquides en wagons-foudres. Né au
Soler (Pyrénées-Orientales), son fon-
dateur, Dominique Mitjavile (1853-
1939), jouissait d’une solide expé-
rience du transport, des vins en
particulier, puisqu’il gérait l’agence
Janvier 2014
Historail
Lettre de cession
(contrat de location)
du loueur Pancol
(1915).
Les conditions
générales figurent
au verso.
Coll. Ph. Marassé
prise dont elle possédait des actions, la
Société des wagons-foudres audois
exploitant à Narbonne 308 véhicules,
et transféra son siège à Montpellier.
En 1923, la nouvelle dénomination
J.Pujas & Cie – Wagons-foudres Pujas
escamota la référence au Gard. En
1928, l’entreprise absorbait un autre
loueur audois dont elle détenait près
de la moitié des actions, la Société
des wagons-foudres de Narbonne,
propriétaire de 198 wagons.
Dans les années 1930, Pujas, au capi-
tal de 600000F, gérait 750 véhicules
de 100 à 200hl garés et entretenus
sur ses deux
«immenses embranche-
ments»
(sic) de Narbonne (hérités des
Wagons audois) et de Montpellier
(ancien parc Lambert racheté en
1925) qui travaillaient également
pour les tiers. En outre, l’atelier de
Narbonne, qui occupait 80 ouvriers
en 1932, posait la conduite blanche et
le frein Westinghouse sur les wagons-
réservoirs. Le champ d’action de l’en-
treprise, qui emploiera à son apogée
300 personnes, s’étendait au loin par
ses succursales de Marseille, Brignoles,
Nîmes, Paulhan, Narbonne, Perpi-
gnan, Carcassonne, Condom, Bor-
deaux, Libourne, Paris, etc. Après la
Seconde Guerre mondiale, Pujas,
comme ses confrères, modernisa son
matériel en l’équipant de citernes en
acier dont les fonds arboraient la célè-
bre cocarde tricolore, véritable marque
visuelle qui traduisait probablement
le souci du rayonnement commercial
de la France animant cet industriel,
conseiller du Commerce extérieur
depuis 1931. En 1973, dix ans après
la fermeture du parc de Montpellier, la
société vendit le garage de Narbonne
à un industriel qui y développera les
Ateliers d’Occitanie.Celle qui avait
été
«la plus importante affaire»
wagons s’éteignit une dizaine d’an-
nées plus tard.
La Société des wagons-
foudres (SWF)
société de capitaux biterrois
autour de Gaillard
L’un des cofondateurs de cette entre-
prise, Achille Gaillard (1859-1935),
ancien membre de la société Soulé,
B.Baron, Duprat & Cie dissoute en
1899, mérite un développement limi-
naire. Président de la chambre de
commerce de Béziers de 1913 à 1934
et vice-président puis président de la
région économique, cette person-
nalité éminente du monde écono-
mique biterrois se trouvait en effet au
centre d’une «nébuleuse» d’entre-
prises représentant, en 1922, un capi-
tal de 30MF et un trafic annuel de
50000 wagons.
Né à Hérépian, Gaillard, bachelier
ès sciences, débuta en 1879 comme
«employé secondaire de 1
classe»
dans le service de la construction de la
ligne Mazamet – Bédarieux. Nommé
conducteur des Ponts et chaussées en
1881, il se mit toutefois en congé à
la fin de 1886, alors qu’il était en
poste dans son village natal, mais ne
démissionna de l’administration qu’en
1896. En effet, il avait alors com-
mencé une carrière industrielle parti-
culièrement féconde en reprenant
l’entreprise paternelle de fabrication
de tuteurs pour la vigne. Après avoir
créé le Tuteur Gaillard et développé
son affaire, il élargit son industrie à
l’exploitation des forêts et au négoce
des bois. En 1909, il apporta ces acti-
vités historiques à la Cie française des
Établissements Gaillard établie à
Béziers et ayant pour objet l’achat et
l’exploitation des forêts, la transfor-
mation des arbres en grumes, pieux,
sciages, poteaux télégraphiques et
électriques, traverses de chemin de
fer, étais de mines, piquets, etc. Dans
les années 1920, les Éts Gaillard pos-
sédaient des exploitations forestières
dans la Seine-Inférieure, l’Eure,
l’Yonne, la Saône-et-Loire, la Côte-
d’Or, l’Isère, la Savoie, l’Ardèche, la
Lozère, l’Aude, etc.; des scieries à
Lamastre, Aumont, Axat, etc.; des
ateliers d’injection des bois à Saint-
Florentin, Saint-Alyre, Sembadel,
Aumont, etc.; un atelier de prépara-
tion de traverses à Saint-Florentin; un
atelier de fabrication de treillages en
bois et de grillage à Béziers; etc. Mais
Gaillard s’intéressa aussi à la produc-
tion et à la distribution d’électricité,
activité alors balbutiante, en créant
42-
Historail
Janvier 2014
MATÉRIEL
«Réclame»
de la Société
des wagons-foudres
insérée dans
le «Guide de
l’Hérault» de 1912
(p.1408).
Ci-dessous:
vers 1950,
le wagon-réservoir
n°554401 du loueur
Henri Bru à Béziers.
Outre la location
de son propre
matériel,
Bru représenta
longtemps la CGTE
puis la maison
parisienne Comte.
Page de droite:
vers 1910 à Béziers,
un bi-foudre est en
cours de dépotage
(jaugeage) au
«dépotoir» Monnin,
placé contre
la culée côté Sète
du
Pont noir.
DR/Coll. Ph. Marassé
notamment la possibilité de calculer
un prix de revient sur wagon départ
exact et certain. Ce modèle essaima
ensuite à Carcassonne, Perpignan et
même à Béziers, en 1927, avec les
Docks et entrepôts biterrois (François
Guy).
Mais revenons à la SWF, société ano-
nyme au capital de 1,25MF avec
siège à Béziers. Elle avait pour objet
«la prise à bail ou l’achat de plate-
formes, la construction de wagons-
foudres adaptés aux plateformes,
l’entreprise à forfait du transport des
liquides.»
Parmi ses 10 fondateurs,
tous établis à Béziers sauf un domici-
lié à Colombes, nous relevons, outre
Gaillard, cinq entrepreneurs de tra-
vaux publics, dont Aubin Baron pré-
cité et longtemps son directeur, un
entrepreneur de messageries, le négo-
ciant Duprat à l’origine de la première
société de location biterroise en 1896,
un propriétaire-rentier et un limona-
dier
. La SWF se développa rapide-
ment, son parc passant de 95 wagons
reçus en apport en 1899 à 254
en 1905 et 317 en 1909: bi-foudres
de 100 à 200 hl, mono-foudres de
200hl, ainsi que des wagons spéciaux
de 160 à 180hl aptes à circuler sur
les lignes plus faiblement armées de la
Cie d’intérêt local de l’Hérault. Pour
la même raison, le parc comptera des
véhicules à trois essieux. La SWF
rayonnait sur les quatre départements
viticoles du Languedoc et du Rous-
sillon, avec un réseau de 12 agences
en 1926: Perpignan, Rivesaltes, Car-
cassonne, Lézignan-d’Aude, Nar-
bonne, Clermont-l’Hérault, Pézenas,
Sète, Montpellier, Lunel, Nîmes et
Saint-Gilles.
La SWF passa sous le contrôle suc-
cessif du loueur parisien Miraillet en
1957, puis d’Algeco en 1960, le siège
social restant toutefois à Béziers. La
SWF fut dissoute en 1969.
Une industrie spécialisée
pour la maintenance
et le garage des wagons-
réservoirs
La construction, l’entretien et la répa-
ration des wagons-réservoirs, en bois
puis métalliques, suscitèrent le déve-
loppement d’une industrie très active.
En effet, de nombreux foudriers,
parallèlement à leur activité tradition-
nelle, montaient des foudres sur des
châssis fabriqués par les constructeurs
spécialisés (De Dietrich, Haine-Saint-
Pierre, Horme & Buire, etc.) et entre-
tenaient des wagons-réservoirs. Les
Biterrois Alberge et Anglade se tour-
nèrent parmi les premiers vers ce nou-
veau marché. Créée en 1860 et très
dynamique puisqu’elle exploitait des
44-
Historail
Janvier 2014
MATÉRIEL
Languedoc-Roussillon:
un important parc pour la location
En 1956, le parc du Languedoc-Roussillon, qui représentait 56% du parc national
des wagons-réservoirs, appartenait très majoritairement à 95 loueurs alignant 2528
wagons (sur un effectif régional de 3004 unités). Certaines entreprises, organisées en
société de capitaux, possédaient un parc très important: en 1939, Pujas (Montpellier)
et Mitjavile (Perpignan/Montpellier) géraient respectivement 750 wagons de 100
à 200hl et 650 wagons. À l’autre extrémité du spectre, les plus petits propriétaires,
parfois de simples particuliers pour qui le wagon était un placement intéressant,
n’exploitaient qu’une ou deux unités confiées généralement à un représentant. Le
siège des principaux établissements se situait à Montpellier, Sète, Béziers, Narbonne
ou Perpignan. Mais le parc méridional ne couvrant pas tous les besoins, des maisons
extérieures à la région envoyaient aussi leur matériel dans le Midi: Cie Française des
wagons-réservoirs (Le Puy), Cie des wagons-foudres de Marseille (Marseille), Claude,
Cie des wagons-réservoirs, Société générale de transport de liquides (SGTL), Miraillet
(Paris), les Wagons-réservoirs nancéiens (Nancy/Paris), etc. Ces entreprises possédaient
des agences sur place ou, à défaut, travaillaient avec des mandataires locaux.
Vers 1920, wagons-
foudres et futailles
sur le parc des
Wagons biterrois
à Béziers. En toile
de fond, le dépôt
des machines
de la Cie du Midi.
Page de droite
de haut en bas:
en-tête du foudrier
Anglade (1929);
à Villeneuve-lès-
Béziers, le dépôt
d’alcool Veil-Picard
(Pernod) construit
en 1901 et
où le loueur Déjean
installa ses ateliers
après 1918. Noter
la rame de wagons-
réservoirs système
Lepage.
geage, etc. Enfin, pour éviter la des-
siccation des foudres par le vent, une
haie de cyprès protégeait souvent le
dépôt. Dans le Biterrois, la SWF était
ainsi raccordée à Vias tandis que
Déjean installa, au début des années
1920, son atelier à Villeneuve-lès-
Béziers, dans l’ancien entrepôt d’alcool
Veil-Picard, grandiose nef de 100 x 20m
à l’extérieur de laquelle il créa un parc
qui comptait, en 1949, 15 voies avec
chariot. En 1951, l’industriel ajouta un
poste agréé par le Service des instru-
ments de mesure (SIM) pour jauger les
réservoirs ferroviaires et routiers, cin-
quième équipement du genre en
France
. À Béziers, les Docks et entre-
pôts biterrois, propriétaires de 160
wagons pour la location, exploitaient
un EP comprenant 1200 mètres de
voies. Deux plaques tournantes, rem-
placées plus tard par un pont-tour-
nant-secteur, donnaient accès, soit aux
trois voies perpendiculaires à la gare
desservant les chais A (vins rouges) et
B (vins blancs), soit au magasin géné-
ral et aux six voies de dépôt paral-
lèles à la gare et reliées par chariot.
En 1948, l’entreprise employait 40
ouvriers pour l’entretien de ses
wagons, conteneurs et futailles. De
plus, après 1950, des trains complets
de vin
sortirent des Docks biterrois.
Enfin, certaines entreprises se vouè-
rent au garage des wagons de parti-
culiers. Ainsi, la société anonyme
Embranchement particulier Alberge
aménagea en 1922, à Colombiers,
un parc d’une capacité de 400
wagons avec foudrerie et atelier
agréé par la Compagnie du Midi. Un
locotracteur effectuait les manœu-
vres internes de l’établissement qui
occupait neuf personnes en 1929.
Vers 1960, la société propriétaire, pas-
sée sous le contrôle de l’industriel
Claude, reprit le chantier Boissière, à
Colombiers également. Aujourd’hui,
les Éts Claude, spécialisés dans la
maintenance des wagons-citernes
industriels, perpétuent localement,
avec Freeman à Béziers et les Ateliers
d’Occitanieà Narbonne, la tradition
de la réparation du matériel de parti-
culiers héritée de l’époque florissante
des wagons-foudres.
Philippe Marassé
1.
Historail,
n°27, octobre2013,
«Rail et trafic viticole entre Saint-Chinian
et Béziers: un commerce très actif»,
par Philippe Marassé, pp. 60-67.
Un prochain numéro d’
Historail
traitera
plus globalement des aspects techniques
et économiques du transport des vins
en wagons-foudres.
2. En 1930, ce syndicat, dont le
secrétariat général se trouvait à Paris,
comptait 199 membres «pesant» 9146
wagons (sur un parc national d’environ
21000, dont 16000 pour les vins selon
les chiffres fournis par le syndicat).
3. Gaston Galtier,
Béziers, Étude de
géographie urbaine,
imp. de la Presse,
Montpellier, 1948, p.71.
4. Après 1918, deux sociétés du groupe
héritèrent de ces activités historiques
(pour les vins et primeurs notamment):
les Transports Mitjavile,à Cerbère, créée
en 1920 par D. Mitjavile, maire en 1888
de la nouvelle cité ferroviaire frontalière,
et les Transports Mitjavile-Gondrand, à
Alger, fondée par son fils Henri en 1931.
Docteur en droit (
La crise du change en
Espagne,
Bordeaux 1904), Henri Mitjavile
(1880-1961), outre ses fonctions dans
les entreprises familiales, se consacra
46-
Historail
Janvier 2014
Récépissé remis
à C. Chantoux
lors de l’expédition
du wagon Mitjavile
n°578059
renvoyé à vide
d’Ézy-Anet (État)
à Narbonne (Midi),
EP Pujas, 1936.
Coll. Ph. Marassé
MATÉRIEL
Janvier 2014
Historail
également aux assurances. De plus, de
1909 à 1935, il représenta la Compagnie
du Midi en Espagne. Deux autres fils
de D. Mitjavile: Camille (docteur
en droit:
Des principes de perception
des droits en matière de transport
par chemin de fer,
Bordeaux, 1900)
et Georges participaient également
aux sociétés du groupe.
5. L’action de J. Pujas ne se limita pas
à la société qui portait son nom.
De 1917 à 1920, il présida le comité
d’exploitation – où siégeait également
D. Mitjavile – du parc national de réserve
des wagons-réservoirs (400 unités pour
une capacité de 60000hl portées à 600
en 1918) basé à Montpellier et créé en
janvier 1917 par le ministre des Travaux
publics Herriot, sur proposition du sous-
secrétaire d’État Claveille, pour faciliter
l’approvisionnement civil de certaines
régions en vins du Midi. Par la suite, il
fut administrateur-délégué de la Société
auxiliaire de transports par wagons-
réservoirs,organisme de coordination
rail-route. En 1933, il succéda à Louis
Estève à la tête du Syndicat national des
propriétaires de wagons-réservoirs.
À Nîmes, son atelier de fabrication
de matériel viticole (pompes, fouloirs,
pressoirs, etc.) et de charpentes
métalliques (hangars agricoles, etc.)
illustre l’intérêt que portait cet industriel,
lui-même propriétaire viticole
à Montpellier, à toutes les activités
dérivées de la vigne.
6. Les entreprises créées ultérieurement
sous ce vocable durent se distinguer
nécessairement de la SWF en ajoutant
une indication géographique: Société
des wagons-foudres de Montpellier,
Société méridionale de wagons-foudres,
etc.
7. Valette était le propriétaire du réputé
Grand café glacier
sur les Allées Paul-
Riquet, rendez-vous des négociants
fréquentant le marché des vins tenu
chaque vendredi près du théâtre.
8. Source de sensibles économies après
1918. En effet, porté de 0,25F à 1F par
wagon et par jour en 1920, cette taxe
atteignit en 1930, suite à l’application
– contestée par les propriétaires –
de majorations tarifaires, 5,17F, soit
une augmentation de 2068%, alors que
le matériel subissait un chômage accru
en raison d’une meilleure rotation.
9. Un accord entre le Syndicat national
des vins, le GPEWR et la SNCF
subordonna, à partir du 1
er
juillet 1952,
la mise en circulation de toute citerne à
son jaugeage dans une station officielle
agréée par le SIM et sous le contrôle
de celui-ci.
10. Les trains complets de vins (tarif 103)
se développèrent à partir de 1950 car ils
offraient un sensible abaissement du prix
de transport par rapport au wagon isolé
(476F contre 615F pour un «hecto
plein et vide» en 1954 sur Sète – Paris).
En 1954, ces convois partaient
de 12 gares du Languedoc-Roussillon
dont quatre dans l’Hérault: Béziers,
Campagnan, Montpellier et Sète.
Errata
Une erreur de légende s’est glissée dans le n°27
Historail
, p.66, photo du bas. Il fallait lire:
«Les wagons sont arrivés à bon port à Charenton
et stationnent sur la voie de l’entrepôt des “Vignerons
libres”. Une fois vidés, ils repartiront dans le Midi
pour une nouvelle rotation.»
Ouvert en 1911
à Sète-Méditerranée
(PLM), le parc
de la CGTE vu après
son extension
en 1921 (capacité
de 600 wagons).
Cette société
exploitait alors
420 wagons-foudres
de 100/190hl
et 50 réservoirs
métalliques
de 178hl.
Coll. Ph. Marassé
[ Le Biterrois, terre d’élection des wagons-foudres]
Janvier 2014
Historail
D
es trois générations de machines
1100 en question, l’érudit et
précis Lucien Maurice Vilain a bien
relaté
le sort de ces 040, dont les 18
machines de la troisième série seront
modernisées en effet en 1925
1922, fut élaboré un vaste pro-
gramme d’application de la surchauffe
à la plupart des machines du réseau.
Du fait de la reconstruction des chau-
dières, ces machines reçurent pour 72
d’entre elles, entre 1924 et 1931, un
surchauffeur type A à 21 éléments
avec ou non application de l’échap-
pement à trèfle. Au début, des diffi-
cultés surgirent avec les tiroirs plans
s’accommodant mal de la vapeur sur-
chauffée; difficultés surmontées par
la suite. Ces locomotives ont donné
toute satisfaction, assurant un service
très dur et très prolongé, certaines
machines, en particulier celles munies
d’un surchauffeur effectuant encore
un service de route, 60, 70 ans et plus
après leur construction »
Installation de la surchauffe, adoption
de l’échappement à trèfle que vient
d’appliquer le PLM
, injecteur Sellers
remplacé par le Metcalfe, voilà de
quoi en effet rajeunir singulièrement
ces machines quinquagénaires, de
quoi leur donner un nouveau souffle
pour franchir sans flancher sur la ligne
de Périgueux à Agen, entre Le Buis-
son, Belvès, Le Got, la pente de
10 ‰ qui relie Siorac-en-Périgord
(PK 564,4) au Got (PK 581,4), point
culminant de la ligne, avec deux
petites pentes même de 10,4‰!
Voilà de quoi retarder leur arrivée à
Chamiers, cimetière des locomotives
du PO! En 1936, alors que les deux
premières séries sont affectées aux
manœuvres, les « S » sont affectées
au service en ligne dans les dépôts
d’Étampes, Vierzon, Bourges, Péri-
gueux, Capdenac et Bergerac. Ces
machines connaîtront une longévité
exceptionnelle, l’intégralité figurant
en 1938 à l’effectif de la SNCF.
La mise en service à l’automne de
1925 de ces 1100 modernisées a ainsi
suscité le ravissement de l’auteur, dont
l’heureuse verve humoristique nous
est confirmée par la chute du poème,
plutôt inattendue…
G. R.
Couverture et extrait de
L’Apprenti P.O.
n°69 daté de novembre1925.
N° PO-Midi
Effectif
Mise en service
1101 à 1113
1114 à 1140
1141 à 1258
renumérotées
1141S à 1258S
1. Marie-Suzanne Vergeade, « Du savoir-faire au “savoir-être”:
les enseignements d’une revue,
L’Apprenti P.O. », Historail,
n°3, pp. 47-54.
2. Maurice Vilain,
Un siècle (1840-1938) de matériel et traction
sur le réseau d’Orléans,
Éditions Gozlan, 1962, pp. 234-243.
3.
Ibid.,
p. 238.
4. C’est à Marcaut, inspecteur à la Traction, attaché
du 4
e
arrondissement MET de Périgueux, que semble revenir
cette innovation au PO.
Coll. G. Ribeill
provisoirement. À partir de septembre
1987,les trains de Villiers-le-Bel déjà
au départ de la station souterraine
de Gare-du-Nord vont commencer à
pousser vers Les Halles. Pour continuer
leur route jusqu’à Gare-de-Lyon, il est
décidé de creuser une nouvelle gale-
rie longue de 2500m. L’infrastructure
est ouverte pour l’hiver 1995,c’est la
ligne D (totalement exploitée par la
SNCF) reliant les banlieues nord et sud-
est. La réalisation de cette ligne va
pourtant conduire à s’interroger sur
ce RER reprenant des infrastructures
anciennes pas toujours à niveau. La
ligne sera en partie victime de son
succès et connaît des surcharges
et des retards. Comme on l’a vu, la
construction d’un nouveau tunnel vers
Gare-du-Nord est envisagée et une
partie des trains est désormais terminus
aux Halles pour alléger le trafic sur la
section nord.
La ligne D n’est pas la seule à connaître
des difficultés. La ligne C est également
soumise à un trafic très important sur
des installations pour une grande part
ouvertes
intra-muros
pour l’Exposition
universelle de 1900. De nombreuses
gares sont à deux voies créant un véri-
table goulot d’étranglement dans la
partie parisienne de la ligne. Ce phé-
nomène s’est encore accru avec l’ou-
verture en 1988 de l’antenne de la Val-
lée de Montmorency qui reprend en
partie l’ancienne ligne d’Auteuil. Cette
branche construite à grands frais per-
met là encore de créer une transver-
sale nord-sud en irriguant une partie
de l’ouest parisien.
Rapidement, on va s’apercevoir que le
RER est victime de son succès. Selon le
principe très ancien que les emplois
sont à l’ouest et les logements à l’est,
nombreux Franciliens se pressent
dans les trains qui connaissent des
surcharges importantes. La ligne A est
particulièrement exposée et ses instal-
52-
Historail
Janvier 2014
Le livre noir des transports parisiens
À la fin des années 1960, dans un climat politique post mai1968, la situation des transports parisiens est
préoccupante. Les lignes mises en chantier tardent à entrer en service alors que le trafic bat des records.
C’est à cette époque qu’est publié en septembre 1970 un livre noir des transports parisiens qui dénonce
la situation dans laquelle sont tombés les transports de la région. Derrière cet ouvrage tiré à 30000
exemplaires, on trouve la Fédération des usagers des transports en commun de la région parisienne
proche du PSU et de Lutte ouvrière et le Cartel d’action sur les transports, organisme ancré à gauche
qui compte en son sein de nombreux militants PC, PS et des syndicalistes CGT, CFDT et FEN.
À l’origine du mécontentement, l’augmentation de 16,7% des tarifs du métro en février1970 jugée
inopportune en raison de la dégradation de l’offre.
En mettant le doigt sur les dysfonctionnements, les comités d’usagers veulent repenser la politique
des transports. Des opérations de prestige comme la modernisation de la station Louvre transformée
en antichambre du musée sont jugées sévèrement. Plutôt que de faire des propositions, les comités
formulent des exigences. Parmi les revendications avancées, on trouve le prolongement de toutes
les lignes de métro en banlieue, préféré à la construction du RER, ou encore la réouverture des lignes
suspendues le soir et le dimanche (essentiellement sur les autobus). La «priorité absolue» s’impose
pour l’amélioration du réseau, avec la réouverture de la Petite Ceinture et de la Grande Ceinture,
complétée par des liaisons intergares et interbanlieues.
Côté tarifs, les comités refusent toute nouvelle augmentation et proposent la carte unique
hebdomadaire, payée par le patronat et valable dans toute la région. Rien de moins
qu’une Carte orange 5 ans avant sa mise en service.
Page de droite:
au dos des plans
de poche distribués
par la RATP
apparaît le réseau
de RER.
Progressivement,
les lignes
et les branches
se multiplient,
illustrant l’évolution
du réseau
et la mise en place
de l’interconnexion
(de haut en bas:
1980, 1988, 1989).
De gauche à droite:
salle d’échange
de la gare RER A
à Châtelet-
Les Halles;
un MI 84 entre
Nanterre-Université
et Nanterre-
Préfecture sur
la ligne de Cergy;
en arrière-plan,
l’Arche
de la Défense
en construction,
le 20 juin 1988.
RATP/C. Ardaillon
lations que certains jugeaient pharao-
niques dans les années 1960 se révè-
lent sous-dimensionnées. L’idée d’un
dédoublement de la ligne va peu à peu
s’imposer. Deux projets vont s’affronter,
l’un métro (Météor) proposé par la
RATP, l’autre RER (Éole) par la SNCF.
Devant l’urgence, le gouvernement va
décider de les réaliser conjointement,
ligne 14 et RER E, absorbant pendant
de nombreuses années toute la capa-
cité financière des transports régionaux.
En1998,la ligne 14 du métro entiè-
rement automatique entre en service
entre Madeleine et Bibliothèque-Fran-
çois-Mitterrand. Un an plus tard, c’est
au tour du RER E de venir «soulager»
la ligne A entre Saint-Lazare, Gare-du-
Nord et la banlieue est vers Chelles et
Villiers-sur-Marne. Cette ligne destinée
à être prolongée vers Pont-Cardinet
pour reprendre la branche de Saint-
Nom-la-Bretêche va finalement connaî-
tre un sort différent. Pour soulager la
ligne A, une nouvelle transversale est-
ouest est imaginée, la ligne E filant
désormais vers Porte-Maillot (en corres-
pondance avec le RER C) et la Défense
avant de poursuivre vers Mantes. Cette
nouvelle variante pourrait voir le jour à
partir de 2020. Dès la fin 2015, une
nouvelle gare Rosa-Parks va ouvrir dans
l’est parisien en correspondance avec
les trams T3b et futur T8.
Plus de 50 ans après le premier coup
de pioche du pont de Neuilly, le déve-
loppement du réseau de RER avec ses
cinq lignes sur 587km reste toujours
d’actualité.
RATP/B. Marguerite
Q
uel intérêt peut-il y avoir à tra-
verser la région de part en part
si les tarifs pratiqués manquent
d’attractivité? Au fil du temps la grille
tarifaire s’est considérablement com-
pliquée avec d’importantes disparités.
Dans cette jungle, il apparaît bientôt
que les habitants éloignés du cœur
de la capitale sont pénalisés, le prix
de leur trajet étant moins attractif
en rapport à l’offre. Ainsi, il pouvait
en coûter entre 10 et 11 fois plus cher
de venir du fond de la région vers
Paris que de traverser la capitale.
C’est donc sur ces bases que va naître
l’idée d’une intégration tarifaire totale
pour la région, une première en France.
Ce concept révolutionnaire ne va pas
sans poser de sérieux problèmes au
sein même des entreprises exploitantes.
L’ensemble à considérer comprend la
RATP, la SNCF et les sociétés de cars
réunies sous l’APTR. En 1974, ces trans-
porteurs comptabilisaient 2,241mil-
liards de voyageurs. La RATP arrive en
tête avec 1,097milliard pour le métro,
172millions pour les bus parisiens,
328millions pour les bus de banlieue
et 133millions pour le RER.
À la SNCF, on transporte 411millions
de voyageurs tandis que 100millions
utilisent les cars de l’APTR. Fusionner
l’ensemble revient à poser la question
de la répartition des recettes. Les
entreprises publiques que sont la RATP
et la SNCF se doivent de justifier leurs
dépenses au franc près. Le ministère
des Finances va donc imposer ce prin-
cipe sur lequel est venue buter pen-
dant longtemps l’idée même de la
Carte orange. Comment en effet éta-
blir un compte précis des voyageurs
sur chaque réseau sachant qu’un
même trajet peut s’opérer
plu-
sieurs transporteurs? La répartition
exacte des dépenses nécessite ainsi
une comptabilité au franc près impos-
sible à tenir. Pierre Giraudet, directeur
général de la RATP de 1972 à 1975,
explique dans un entretien pour un
film sur l’histoire de l’entreprise com-
ment cette épineuse question a été
tranchée directement par le président
de la République. Devant une situa-
tion inextricable, il a imposé au minis-
tère d’un coup de téléphone le calcul
approximatif, seul moyen de mettre
en place une tarification intégrée.
er
juillet 1975 va ainsi naître la
Carte orange.Il s’agit d’un abonne-
ment en seconde ou première classe
valable un mois donnant la liberté de
circuler à l’intérieur de deux zones
sans aucune limitation. Les transpor-
teurs vont s’entendre pour diviser la
région en cinq zones et la grille tari-
faire s’en trouve considérablement
simplifiée. Ainsi, un montant est
déterminé pour deux zones. Il en
coûte une fois et demie plus cher
pour trois zones, deux fois pour qua-
tre zones et deux fois et demie pour
cinq zones. Dès lors l’écart entre les
zones 1 et 5 est de deux fois et demie
et non plus de 10 ou 11. En 1975, il
en coûte ainsi 40francs pour deux
zones, 60 pour trois zones, 80 pour
quatre zones et 100 pour cinq zones.
La formule sera par la suite déclinée
en abonnement hebdomadaire,
annuel, forfait scolaire… La mise en
place de ce nouvel outil va permettre
un développement considérable des
54-
Historail
Janvier 2014
SNCF/RATP/Coll. Ph.-E. Attal
SNCF/Coll. Ph.-E. Attal
La nouvelle
Carte orange
est expliquée
aux usagers par
le biais de dépliants
largement diffusés
et reprenant
notamment
le contour
des zones tarifaires.
Un abonnement
combiné avec
la banlieue SNCF
sera mis en place
par la suite.
La Carte orange
URBAIN
Vallée-de-Montmorency – Porte-Maillot,
ou encore le prolongement de la ligne
d’Issy-Plaine à Puteaux jusqu’à la
Défense. Cet élan va permettre la réa-
lisation de nouvelles infrastructures en
parallèle à l’aménagement régional.
À partir de 1970, la SNCF va créer une
direction banlieue dotée d’une exper-
tise technique spécifique, dont les ingé-
nieurs vont travailler sur les grands pro-
jets comme les dessertes d’Évry, Cergy,
Roissy ou encore la station souterraine
de Gare-de-Lyon. Cette mise en place
coïncide avec la requalification du
schéma de RER définit par le Sdau en
1965 qui va permettre à la SNCF et à
son réseau de se remettre dans la
course. Finie donc l’idée d’un transfert
de lignes vieillissantes à la RATP qui les
modernise pour en faire des RER. L’in-
terconnexion présentée dans le nou-
veau plan fait la part belle à la SNCF.
C’est ainsi que sera imaginée une ligne
comme le RER C, pur produit SNCF.
Ainsi dès 1969, une branche sur 3km
de la Grande Ceinture stratégique est
rouverte d’Orly à Pont-de-Rungis à
proximité de l’aéroport. Dès 1972, il
apparaît qu’une réouverture est envi-
sageable jusqu’à Massy-Palaiseau
en correspondance avec la ligne de
Sceaux. Les travaux de modernisation
vont s’étaler sur trois ans permettant
une mise en service en septembre
1977. Cette nouvelle branche sera par
la suite intégrée à la ligne C du RER.
Bientôt se pose la question de la des-
serte des villes nouvelles.Le Sdau de
1965 prévoyait la création de lignes
nouvelles intégrées dans un réseau de
RER à construire. Si la RATP va assurer
fin 1977 la liaison vers Marne-la-
Vallée à partir du RER A,les autres
villes restent à desservir. Banlieue
sud, l’agglomération d’Évryest ainsi
en marge du réseau de transports. En
1970,on décide donc d’y engager la
construction d’une nouvelle antenne.
Comme l’explique Bernard Collardey
dans le tome2 des
Trains de Banlieue,
le ministère donne une autorisation
d’exécution d’urgence dès septembre
1971 avant même la déclaration d’uti-
lité publique intervenue en mai 1972.
La ligne de 10,829km avec quatre
nouvelles gares relie Viry-Châtillon à
Évrydesservant les communes deRis-
Orangis, Courcouronnes et Évry. La liai-
son est ouverte en février 1974 dans
sa première phase jusqu’à Grigny-
Centre.Le 6décembre 1975, la ligne
Grigny-Centre – Corbeil est ouverte,
desservie au quart d’heure à la pointe.
La desserte de Saint-Quentin-en-
Yvelinesintervient à la même époque.
La ligne de RER dédiée à la ville nou-
velle vers Verrières, Igny et Saclay n’est
plus à l’ordre du jour et on décide la
création d’une nouvelle gare sur la
ligne Paris – Rambouillet. La station au
sud de la ville comporte six voies à quai
dont deux terminus et nécessite d’im-
portants travaux pour dissocier les
trafics fret et voyageurs. Ainsi deux
nouvelles voies sont posées tandis
qu’on met en place un faisceau de
garage pour les rames. On construit
également de nouveaux PRS à Sèvres-
RG, Porchefontaine, Saint-Cyr et Saint-
Quentin. La nouvelle station est
ouverte le 28septembre 1975 entraî-
nant une refonte de la desserte de la
banlieue Montparnasse. Des missions
origine-terminus sont créées tandis
que les trains Paris – Rambouillet y font
halte comme certains Paris – Chartres.
En mai1976,c’est une nouvelle ligne
qui permet depuis Aulnay d’atteindre
l’aéroport de Roissy. Cette liaison va
permettre également la desserte des
secteurs de Sevran et Villepinte où
trois nouvelles gares sont prévues
avant d’atteindre la plate-forme aéro-
portuaire. Équipée de Z 6400, la des-
58-
Historail
Janvier 2014
URBAIN
RATP/J.-M. Carrier
Ph.-E. Attal
Une rame de la
ligne E, dernière née
des lignes RER,
à la station Pantin,
le 12 octobre 2009.
Interconnexion
ouest, rame SNCF
et RATP en gare
de Cergy-Saint-
Christophe,
le 6 avril 1988.
serte rime avec modernité et confort.
Ce matériel assurera la liaison Roissy-
Rail avant d’être redéployé sur la
banlieue Saint-Lazare en cours de
réélectrification par caténaires. La
constitution de la ligne B du RER
permettra après livraison du MI 79
d’interconnexion d’intégrer la branche
de Roissy. En novembre 1994,un
court prolongement permet d’attein-
dre le terminal 2 en correspondance
avec les TGV d’interconnexion.
À l’ouest, la ligne entre la Défense et
Cergy est attribuée à l’aérotrain.
L’abandon du projet en juillet 1974
repose la question d’une liaison ferrée
de la ville nouvelle. En 1965, on avait
prévu cette desserte par le biais de la
ligne RER transversale nord-sud Saint-
Lazare – Montparnasse. C’est finale-
ment une liaison depuis Saint-Lazare
que retiennent les aménageurs. La
ligne doit successivement emprunter
les voies du groupe III de Saint-
Lazare à Nanterre-Université, un
tronçon à construire de 3,4km de
Nanterre à Houilles, le groupe V de
Houilles à Achères, une portion de la
ligne Achères – Creil avant de finir sur
un nouveau tronçon de 5km jusqu’à
Cergy. D’importants travaux sont à
prévoir avant de pouvoir envisager une
exploitation de bout en bout de Paris –
Cergy. Déclarée d’utilité publique en
avril 1976, la ligne sera inaugurée trois
ans plus tard en avril 1979. En sep-
tembre 1984, elle est prolongée vers
Cergy-Saint-Christophe avant d’at-
teindre Cergy-le-Haut à l’été 1994.
Le 29 mai 1988, une nouvelle étape
de l’interconnexion permet de relier
les branches de Cergy de la banlieue
Saint-Lazare au RER A après la
construction d’un raccordement de
1500m à Nanterre avec saut-de-
mouton. Après livraison du matériel
MI 84sur le RER A, la branche de
Cergy est exploitée sur des missions
Torcy – Cergy-Saint-Christopheaux
10min à la pointe. Devant la forte fré-
quentation de cette desserte, il est
décidé de remettre en place des cir-
culations Saint-Lazare – Cergy aux
heures de pointe, l’exploitation deve-
nant commune RATP/SNCF. Deux ans
plus tard, le RER A atteint Poissy en
complément des trains Saint-Lazare.
Philippe-Enrico Attal
Janvier 2014
Historail
[ le Grand Paris version Pompidou (2
e
partie)]
Docs. SNCF/Coll. Ph.-E. Attal
SNCF/RATP/Coll. Ph.-E. Attal
Le RER continue
son développement
de l’interconnexion
de la ligne A
vers Poissy
à l’ouverture
de la branche Vallée
de Montmorency
sur la ligne C.
Janvier 2014
Historail
Le modèle allemand, un
aspirant à l’hégémonie
À la veille de la Grande Guerre, dans
une compétition certaine entre France
et Allemagne, à la fois politique,
industrielle et commerciale, pour
asseoir leur influence internationale
et leurs exportations
, nul hasard à ce
que soit traduit en 1912 en français
un impressionnant bilan des exploi-
tants et constructeurs ferroviaires
allemands:
Les Chemins de fer d’au-
jourd’hui, et plus spécialement les
Chemins de fer allemands.
Cette
somme, éditée par Reimar Hobbing
implanté à Paris, Bruxelles et Berlin,
forme trois forts volumes (496p.,
635p. et 534 p.), dont le troisième
est une présentation exhaustive des
constructeurs et équipementiers alle-
mands. Publié sous les auspices du
ministre des Travaux publics de Prusse,
du ministre des Voies de communica-
tion de l’État de Bavière et des auto-
rités supérieures des chemins de fer
d’autres états confédérés de l’Empire
d’Allemagne, l’ouvrage était rédigé
non par de bons journalistes ou vul-
garisateurs mais par un groupe de
hauts fonctionnaires et professeurs
de différentes écoles polytechniques.
C’est dire qu’il revêtait ainsi un côté
très officiel, politique et doctrinaire
quant à sa représentation. Quant au
fond, on peut percevoir dans sa pré-
face une sorte de manifeste très
orienté
« Il n’existe peut-être aucune autre
machine dont les perfectionnements
aient été plus grands que ceux de la
locomotive; grâce à l’emploi de la
vapeur surchauffée, elle est entrée
dans une nouvelle phase de son déve-
loppement, phase dans laquelle l’Al-
lemagne tient la tête du mouvement.
Malgré les règlements si rigoureux,
concernant le gabarit, les pressions
des roues et la charge des essieux, de
puissantes locomotives de plus de
1500 HP ont été créées pour la trac-
tion rapide des trains lourds. »
L’un des contributeurs rappelle
par
ailleurs que l’article 47 de la consti-
tution de l’Empire allemand impose
à tous les exploitants allemands de
« se conformer aux exigences de
l’Empire pour la défense nationale »
l’idée tacite étant qu’ils soient admi-
nistrés comme un réseau uniformisé
au mieux, tant au plan technique
(normes constructives, communau-
tés de matériel roulant) que com-
mercial (tarifs). La construction et les
parcs à disposition du matériel rou-
lant sont ainsi déterminés par des
considérations visant une certaine
uniformité technologique nécessitée
par des considérations militaires cer-
taines, telles que faciliter les interpé-
nétrations entre les réseaux.
Très influents au sein de l’
Union
des administrations des chemins de
fer allemands (Verein)
regroupant
quelques réseaux étrangers plus ou
moins périphériques, les dirigeants des
chemins de fer de l’État prussien ont
développé une doctrine basée sur un
nombre limité de types bien fixés:
machines
Schnellzuglokomotiven
(« S ») pour trains rapides, machines
Personenzuglokomotiven
pour trains
de voyageurs (« P »), locomotives
Güterzuglokomotiven
pour trains de
marchandises (« G »), machines ten-
ders
Tenderzuglokomotiven
(« T »). À
la fin du
XIX
siècle, les machines S se
répartissent elles-mêmes en trois sous-
types de puissance croissante, des 120
(S1) et des 220 toutes deux à simple
expansion (S2), des compound à
2 cylindres (S3).
La surchauffe inventée
et améliorée par Schmidt,
promue par Garbe
Avec l’introduction des lourdes voi-
tures à bogies dans les trains express,
la puissance des S3 était apparue
insuffisante à la fin des années 1890.
Et c’est dans ce contexte que Robert
Garbe (1847-1932), ingénieur en chef
des Chemins de fer prussiens, conçoit
en 1897 une machine équipée du
surchauffeur Schmidt de première
génération, un gros tube à fumée
contenant des tubes surchauffeurs,
aux nombreux défauts; un second
type de surchauffeur dans la boîte à
fumée est imaginé par le constructeur
Schmidt; il équipe l’une des deux
locomotives allemandes présentées à
l’Exposition de Paris, dont les essais
favorables permirent de fixer un nou-
veau typeS4timbré à 12kg.
En 1902, l’Union des ingénieurs-
mécaniciens allemands mettait au
concours l’étude d’une locomotive
capable de tirer un train de 180
tonnes à 120km/h pendant une
demi-heure sans arrêt. Il suscite la pro-
position de Robert Garbe d’une loco-
motive 220 avec surchauffe, équipée
de roues de 2,50m de diamètre! En
pratique, ce diamètre devait être
réduit à 2,10m, en raison de chocs
anormaux dans les cylindres et le
mouvement; ainsi on aboutissait au
type S6, dérivant du S4 par l’aug-
mentation de toutes les dimensions
[…] grâce à l’emploi de la vapeur surchauffée […]
l’Allemagne tient la tête du mouvement.
Wilhelm Schmidt
et Robert Garbe,
le constructeur
et le promoteur
de la surchauffe,
un couple efficient.
Page de gauche:
locomotive 220
à surchauffe n° 74
des Chemins de fer
de l’État prussien.
DR/Photorail
62-
Historail
Janvier 2014
TRACTION
Les Établissements Borsig
furent fondés en 1837 à Berlin
par un constructeur pionnier, Auguste Borsig. L’usine connut
un certain déclin durant les années 1880, puis une reprise
dès 1894 impliquant de se doter de nouvelles usines à Tegel,
près de Berlin; occupant 14 hectares, c’était l’une
des plus importantes usines d’Europe. En 1902, Borsig fête
sa 5000
locomotive vendue, et fin 1911 sa 8000
Si l’entreprise fut une des premières à construire
des locomotives compound, ce fut surtout le constructeur
allemand devant assurer prioritairement la promotion des
locomotives à vapeur surchauffée, bénéficiant pour cela de
commandes massives des Chemins de fer de l’État prussien.
Implantée depuis 1852 à Berlin, la
Société berlinoise de
construction de machines, anciens Ateliers L. Schwartzkopff,
acquit très tôt une réputation internationale. Adepte des
machines à vapeur à surchauffe, pour assurer des commandes
croissantes et se lancer dans les marchés à l’exportation, elle
doit se doter en 1899 de nouveaux ateliers à Wildau, près de
Berlin. Promotion encouragée par l’administration des chemins
de fer prussiens, par sa présence distinguée aux expositions à
l’étranger: hors concours à Milan en 1906, elle rafle en 1910
un grand prix aux deux expositions de Bruxelles et de Buenos-
Ayres. Les commandes étrangères affluent alors: Italie, Japon,
Danemark, France… Il est vrai qu’elle sait séduire ses clients
par des démonstrations: commandées par les chemins de fer
de l’État italien, 24 locomotives 130 sont essayées avant d’être
livrées en même temps que sont formés leurs futurs
mécaniciens italiens; des débuts satisfaisants provoquent
la commande de 24 autres en 1908. La locomotive-tender 050
exposée à Milan intéresse le Midi et le PO, subordonnant
toutefois leurs commandes à des essais sur les rampes de la
région d’Erfurt, essais réussis; la renommée de ses locomotives
230 livrées aux Chemins de fer de l’État du Danemark ou au
chemin de fer argentin de Rosario à Puerto Belgrano entraîne
des commandes en 1909 du Midi et du PO… Le PLM passe lui
commande de 140 compound en 4 cylindres. Entre-temps,
Schwartzkopff s’est associé en 1908 aux ateliers munichois de
J.-A. Maffei pour construire des locomotives électriques…
Basée en Silésie, la
Fabrique de Wagons et Ateliers de
constructions mécaniques de Breslau
doit elle aussi se doter
de nouveaux ateliers; elle se voit confier l’étude des premières
locomotives équipées du surchauffeur Schmidt de troisième
génération, placé dans les tubes à fumée. Elle construit une
locomotive de grande vitesse 220 équipée d’une distribution
spéciale Stumplf. Présente aux expositions de Milan en 1906
et de Bruxelles en 1910, elle y obtient un grand prix.
La
Fabrique de locomotives et de machines J. A. Maffei,
l’origine un petit atelier créé en 1837 à Munich, va connaître
une grande notoriété après avoir remporté le fameux concours
du Semmering en 1850 avec sa locomotive
Bavaria.
Surtout,
à partir de 1895, bénéficiant des commandes régulières
des chemins de fer de l’État de Bavière, le constructeur se fait
le promoteur de puissantes machines compound à 4 cylindres
et à surchauffe, introduites dans le Duché de Bade, en Suisse,
aux Pays-Bas, en Bulgarie et en Turquie.
La
Société alsacienne de constructions mécaniques (SACM)
s’est fait remarquer par les excellents résultats des machines
compound conçues par l’administrateur-directeur de Glehn
pour le compte de la Compagnie du Nord, ce qui ne laisse
pas indifférents les réseaux allemands: en 1894, l’État prussien
reçoit une machine 220 de grande vitesse et les Chemins de fer
Badois une 230; le succès de l’Atlantic 221 du Nord exposée
à Paris l’incite à en commander en 1902 et en 1904; l’usine
de Graffenstaden va surtout devenir le fournisseur attitré
des Chemins de fer d’Alsace-Lorraine. La SACM va incorporer
la surchauffe à ses compound, livrant à ce réseau 16 Pacific
commandées en 1907 et 1909qui cumulent ainsi
deux qualités: l’économie d’eau et de combustible propre
à la surchauffe, la douceur d’allure, la régularité
et la répartition sur deux essieux de l’effort moteur, propre
au système compound
Il faut retenir de ce panorama que les berceaux de ces deux
innovations technologiques majeures d’avant guerre,
compound et surchauffe, sont nées chez des constructeurs
allemands…
1. François Bernard, historien de la SACM, souligne que toutes les
commandes du réseau AL ne portaient que sur un nombre
restreint
modèles, soit pour les « S »: Atlantic S5, Ten-Wheel S9 et Pacific S12:
« des commandes exécutées en grandes séries, à des prix donc très
rémunérateurs. » (
L’Alsacienne de constructions mécaniques, des origines
à 1965,
Presses universitaires de Strasbourg, 2000, p. 166.)
Les constructeurs allemands, principaux promoteurs de la surchauffe
Locomotive Henschel
130 n°2113
des Chemins de fer
de l’État prussien.
DR/Photorail
allemands à l’étranger est alors très
important, qu’explique le poids com-
paré des chemins de fer français et
allemands: l’image induite en tant
que références ferroviaires, joue en
faveur des Allemands.
Hors de l’Allemagne Garbe eut de
nombreux disciples parmi les ingé-
nieurs, comme furent payants les
efforts de promotion de la Compa-
gnie des Surchauffeurs Schmidt: ainsi
la locomotive à surchauffeur dans les
tubes à fumée est adoptée par les
chemins de fer de l’État belge, sous
l’impulsion de son ingénieur Flamme.
Suivent aussi d’autres réseaux, dont
les CFF, ou le Canadian Pacific Rail-
way qui, ayant commandé en 1901
une locomotive à surchauffeur dans
la boîte à fumée, opte en 1903 pour
les surchauffeurs de troisième géné-
ration. Le chemin de fer de Moscou à
Kazan fait équiper à partir de 1904
toutes ses locomotives de surchauf-
feurs Schmidt. En 1909, la Compa-
gnie des Surchauffeurs compte
en service ou en construction, 4556
locomotives réparties dans 120
réseaux et en 1912, 12200 locomo-
tives réparties dans 300! Évidem-
64-
Historail
Janvier 2014
TRACTION
France
Allemagne
Écart
Longueur du réseau
40484km
61209km
+ 51 %
Parc de locomotives
14000
27040
+ 93 %
Parc de voitures
33000
56030
+ 70 %
Parc de wagons
344000
561000
+ 63 %
Le poids comparé des systèmes ferroviaires français et allemand en 1914
Source: Allan Mitchell, op. cit., p.253.
Réseaux allemands (1908)
Réseaux français (1910)
Réseaux d’État
Longueur (km)Réseaux privés
Longueur (km)
Prusse et Hesse
36177
9581
Bavière
6736
7741
2790
4758
Alsace-Lorraine
1986
Midi
3919
Wurtemberg
1880
Nord
3771
Bade
1712
PC et GC
Mecklembourg
1100
14 réseaux secondaires
1313
Oldenbourg
Total
53102
Total
31211
Réseaux privés
4252
Réseau d’État
ex-Ouest
6068
État (ancien réseau)
2831
Total
4252
8899
ENSEMBLE
58444
40438
% réseaux privés/ensemble
7,3%
77,2%
Consistance comparée des réseaux d’intérêt général français et allemand
Sources: Allemagne:
Les Chemins de fer d’aujourd’hui,
tome 2, p. 533;
France: ministère des Travaux publics,
statistique des chemins de fer français au 31 décembre 1910.
Locomotive
Henschel 220 n° 612
des Chemins de fer
de l’État prussien.
DR/Photorail
fester d’une manière sensible.
contrario,
elles ne pouvaient conve-
nir pour des services comportant des
arrêts rapprochés et prolongés. Alors
que l’économie s’avérait importante
sur la ligne facile de Paris à Rouen, sur
les lignes en dents de scie avec des
pentes accusées de 8 à 12 ‰, sans
paliers interposés, les variations de
température de la vapeur résultant de
la fermeture fréquente du régulateur
ne favorisaient pas un bon rende-
ment.
Ainsi Demoulin pouvait conclure que
« le mode compound peut heureuse-
ment compléter l’emploi de la vapeur
surchauffée, dans les cas où un ren-
dement très élevé serait jugé néces-
saire, (…) susceptible d’atténuer
certains inconvénients de la sur-
chauffe et les risques d’avarie ou de
grippage. »
Il admettait la supériorité
de la surchauffe seule sur le seul com-
poundage:
« Quoi qu’il en soit, il
paraît prouvé que des machines à
deux cylindres et à simple expansion
munies de surchauffeurs réellement
efficaces, c’est-à-dire débitant nor-
malement de la vapeur portée à une
température de 330 à 350°, peuvent
être aussi économiques que ces com-
pound utilisant de la vapeur saturée
et des chaudières timbrées à une pres-
sion de plus de 14kg, et peuvent
développer un travail plus grand de
environ. »
Mais il promouvait l’ad-
dition des deux:
« Il faut munir la
machine compound de surchauffeurs
pour que son rendement atteigne ou
dépasse celui des précédentes. La
compound à vapeur surchauffée
restera alors plus économique en der-
nière analyse, simplement parce que
la détente pourra y être poussée plus
loin que dans la machine à simple
expansion, la détente en cascade
n’ayant plus aucun avantage ther-
mique quand la surchauffe est com-
plète. »
Ainsi était réfutée la thèse
selon laquelle
« on pourrait penser
que la surchauffe et le compoundage,
constituant deux artifices du même
ordre, leur superposition n’est pas
appelée à donner un bénéfice très
supérieur à celui de leur emploi isolé,
tandis que les complications, propres
à l’un et à l’autre système, s’ajoutent
sans restriction. »
Ces essais vont créer
« un véritable
retournement de situation »
dans le
débat, relève Bernard Escudié
considérant que
« l’argument de sim-
plicité n’était en fait qu’un argument
simpliste. »
Mais ne serait-ce pas là
un jugement réducteur et
a poste-
riori
, tant il ne faut pas oublier que
comptait aussi l’argument inverse du
coût élevé de ces
« complications »,
tant en investissement qu’en frais de
conduite et d’entretien de ces loco-
motives de plus en plus sophisti-
quées.
La même année où paraît l’article de
Demoulin, l’ingénieur-conseil auprès
de la même Compagnie de l’Ouest,
le très vénérable Édouard Sauvage
(1850-1937) se montrait plus réservé
à l’égard de la surchauffe comme arti-
fice complétant le compoundage
« La surchauffe augmente la puis-
sance des machines sans en modifier
le poids et sans exagérer la consom-
mation de combustible. On peut
craindre que les surchauffeurs ne
donnent lieu à de grandes dépenses
d’entretien et à des avaries de route;
il est possible aussi que l’usure des
pistons et tiroirs soit plus rapide avec
la vapeur surchauffée. Toutefois, avec
des appareils bien construits et
conduits avec soin, la surchauffe
paraît pouvoir entrer dans la pratique
courante. Une expérience prolongée
est nécessaire pour une appréciation
plus précise. »
La même tonalité réservée ressort de
l’état des lieux similaire établi en 1908
par l’ingénieur des mines Joseph
Nadal, ingénieur en chef attaché à la
direction des Chemins de fer de l’État:
sa revue des derniers progrès de la
Janvier 2014
Historail
[ les progrès de la traction fin
XIX
e
-début
e
siècles
e
partie)
La compound à vapeur surchauffée restera
plus économique en dernière analyse.
La 231 n° 6101,
prototype de
la série 6101-6171
du PLM.
Ces Pacific,
initialement
à simple expansion,
seront transformées
en machines
compound.
DR/Photorail
tant en faveur des 6000. Ainsi, le cou-
plage des deux systèmes s’avérait-il
performant.
Ces conversions étant bien admises,
on pouvait encore s’interroger sur cer-
taines options: suffisait-il de sur-
chauffer la vapeur avant son admis-
sion dans les cylindres HP, ou n’y
avait-il pas avantage à la surchauffer
une seconde fois, avant son entrée
dans les cylindres? La Compagnie de
l’Est entreprend des expériences qui
ne s’avèrent pas favorables à cette
surchauffe en cascade. D’un autre
côté, un réseau « pauvre », tel le
Midi, pouvait être tenté par la simpli-
cité des machines à deux cylindres
toujours en honneur en Grande-Bre-
tagne et aux États-Unis, des réseaux
très attachés à la tradition d’une trac-
tion économique: rusticité de la
conception des machines, facilité de
conduite exigeant moins d’habileté,
entretien moins onéreux, plus grande
fiabilité… La Compagnie du Midi,
tentée par le retour à une telle
option, entreprend de trancher; elle
commande en 1913 quatre Pacific à
vapeur surchauffée et à simple expan-
sion, à comparer avec ses locomo-
tives compound et à surchauffe
3001-3016 acquises en 1908; mais
la guerre interrompant leur construc-
tion, la question resta sans réponse…
Plus déterminé et assuré fut en France
le cheminement conduisant avant
guerre des
Atlantic 221
aux
Pacific
231via
Ten-Wheel 230
(à suivre)
Georges Ribeill
1.
Historail,
n°26, « Escalade
des puissances et course de vitesse
internationale », pp. 58-75.
2. C’est le thème du livre d’Allan
Mitchell,
The Great Train Race. Railways
and the Franco-German Rivalry
(Berghahn Books, New York, Oxford,
2000), qui toutefois ne rentre pas dans
le détail des querelles technologiques
franco-allemandes ici développées.
3. Tome 1, préface, p. 8.
4. De Mühlenfels, « Historique du
développement des chemins de fer
allemands », T1, p. 23.
5.
RGCF,
mars 1905, p. 229.
6.
Die Dampflokomotiven den
Gegenwart,
Springer, Berlin, 1907.
7. Note anonyme, « Essais de
locomotives à vapeur surchauffée »,
RGCF,
avril et mai 1907, p. 310.
8. André Chapelon,
La locomotive à
vapeur,
Paris, J. B. Baillière et fils, 1938,
p. 666.
Janvier 2014
Historail
[ les progrès de la traction fin
XIX
e
-début
e
siècles
e
partie)
La 231 S12 n°1304
du réseau AL.
DR/Photorail
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 280691
9. Jean-Marc Combe et Bernard Escudié,
« Double expansion et surchauffe.
L’œuvre d’André Mallet », pp. 81-89,
« Naissance d’une théorie aberrante
et d’un blocage technique »,
in
Thermodynamique et locomotives
à vapeur, L’œuvre d’André Chapelon
(1892-1978),
Éditions du CNRS, 1989.
10. Marchis,
La vapeur surchauffée,
Dunod, 1908.
11.
La locomotive actuelle. Étude
générale sur les types récents
de locomotives à grande puissance.
Complément au Traité pratique
de la machine locomotive,
Béranger,
1906, pp. 91 et 101.
12. Maurice Demoulin, « Note sur
l’application de la vapeur surchauffée
aux locomotives », RGCF, octobre 1908,
pp. 221-242.
13. Bernard Escudié, « Les prédécesseurs
d’André Chapelon. Innovations
et blocages dans le domaine de la
locomotive à vapeur avant 1929 (2) »,
Les Cahiers Chapelon,
n°2, p. 4.
14. Sauvage,
La machine locomotive,
Librairie Béranger, 5
e
édition, 1908, p.213.
15. Nadal,
Locomotives à vapeur,
Doin,
1908, pp. 49-53.
16. Nous suivons entièrement André
Chapelon, dans sa postface à Lucien
Maurice Vilain,
L’évolution du matériel
moteur et roulant de la Compagnie PLM,
Éd. Dominique Vincent, 2
e
éd., 1973,
pp. 560-562.
D
ès le début de l’exploitation, les
compagnies comprirent très vite
l’intérêt de nuancer les tarifs kilomé-
triques de base qui s’appliquaient à
toutes les marchandises relevant
d’une même classe. Des traités par-
ticuliers, des tarifs d’abonnement
propres à tel industriel expéditeur qui
s’engageait à confier en exclusivité
ses expéditions à telle compagnie,
telles furent des pratiques courantes.
Mais trop éloignée du
principe d’équité du
service public ferroviaire,
cette liberté fut
condamnée en 1860
Les tarifs d’abonnement
une fois abolis, les compagnies ont
contourné l’interdiction en imaginant
un très grand nombre de tarifs spé-
ciaux, dits «tarifs différentiels
pro-
pres non pas à un expéditeur parti-
culier, mais à quiconque satisfaisait
un ensemble de conditions.
Par exemple, des délais rallongés
d’acheminement, des tonnages ou
volumes
minima
, des wagons plei-
nement chargés, des conditions
d’emballage facilitant la manuten-
tion ou préservant des risques d’ava-
ries, etc.
En 1862, on dénombre ainsi une mul-
titude de tarifs spéciaux: Nord, 27;
Est, 56; Ardennes, 14; Ouest; 28;
PO, 47; PLM, 65; Dauphiné, 37;
Midi, 45. L’avocat Victor Emion, spé-
cialiste de la défense des intérêts des
clientèles du rail, jugea utile de rédiger
un manuel pratique à l’usage des
expéditeurs. Il y critiquait un système
tarifaire qui échappait à l’entende-
ment humain
« On comprend faci-
lement qu’avec un tel système il est
devenu complètement impossible au
public de se rendre compte des condi-
tions qui lui sont imposées; les innom-
brables tarifs simultanément mis en
pratique forment un véritable laby-
rinthe au milieu duquel il n’est permis
à personne de se reconnaître. »
juste titre, il rappelait que
« l’intérêt
du commerce et de l’industrie, qui se
lie intimement à ceux du producteur
et du consommateur, veut que le ven-
deur puisse avant tout se rendre
compte du prix de revient de la mar-
chandise qu’il expédie; il faut qu’il
sache combien lui coûtera le trans-
port jusqu’à la livraison; comment le
pourrait-il aujourd’hui? »
Plus grave,
sur le fond, il jugeait cette multiplicité
« en aucune manière »
conforme à
l’esprit des lois qui avaient créé les
chemins de fer, ses abus
pouvant conduire, selon
les termes mêmes du
président de section au
Conseil d’État Vuillefroy
proférés au Sénat le
26mai 1857,
« à ruiner une localité au
profit de l’autre, à altérer les situations
existantes dans le commerce et l’in-
dustrie, à détruire une autre voie de
transport, la navigation par exemple. »
En réalité, tendanciellement, le nom-
bre des tarifs spéciaux allait s’accroître,
jusqu’à faire des deux
Recueils géné-
raux des tarifs des chemins de fer
édi-
tés par Chaix (marchandises PV et
GV), d’impressionnants volumes.
70-
Historail
Janvier 2014
MÉTIER DISPARU
Dès lors que les tarifs proposés par les compagnies sont devenus des
documents touffus, quasi illisibles, comment s’assurer que la taxe calculée
par la compagnie et qui sera réglée par l’expéditeur de telle marchandise
correspond bien au tarif le plus avantageux? Voilà de quoi engendrer
une floraison d’agences de détaxe, chargées de vérifier
a posteriori
les factures acquittées et d’obtenir une détaxe en cas de trop-payé…
Page de droite:
à Bordeaux,
Avérous, membre
du Syndicat général
de l’Union nationale
du Commerce
et de l’Industrie
a créé une agence
de détaxe dans
le quartier
de la Bastide,
proche de la gare
du PO. Si l’affiche
est réussie,
son slogan est bien
prétentieux, dans
ce combat entre
un tout petit pot
de terre et un très
gros pot de fer!
Outre cette Union
du Commerce,
présente
dans l’«Annuaire
de la Gironde
Lesfargues
»,
on dénombre
en 1908 quatre
agences de détaxe:
Stanislas Cabanes,
Carrivenc,
J.-M. Cazaux et
P. Rousseau; mais
plus d’Avérous!…
Les innombrables tarifs forment
un véritable labyrinthe.
Aux prises avec le maquis
des tarifs marchandises,
les agences de détaxe
Janvier 2014
Historail
DR/Musée de Bretagne
L’idée de contrôler
a posteriori
par des
agents spécialistes les tarifs pratiqués
par les compagnies et le calcul des
taxes afférentes perçues, n’échappa
à certains, au point de devenir une
véritable profession, celle d’agent de
détaxe. Il semble que les années
1880-1890 aient vu une éclosion de
ces agences de détaxe, dont le ser-
vice rendu était naturellement mon-
nayé en fonction du montant des
« trop-payés » recouvrés auprès des
compagnies.
Lamy et les autres…:
une opportunité
professionnelle
Ludovic Lamy, confiturier normand,
fut l’un des premiers à se convertir à
cette profession, promis à une
suc-
cess story.
Vers 1885,
« appelé en
qualité d’agent de détaxe à soutenir
les intérêts d’un nombre considéra-
ble de négociants et d’industriels
contre les compagnies de chemins de
fer; obligé, par cette profession, à ne
rester étranger ni aux modifications
des lois, règlements ou tarifs, ni aux
décisions judiciaires concernant les
transports, nous croyons avoir acquis,
par dix années de pratique, quelque
expérience des questions qui s’y rat-
tachent »:
tel est l’avertissement au
lecteur de son premier ouvrage paru
en 1895, le
Manuel pratique des
transports par chemins de fer. Voya-
geurs, marchandises et objets de
toute nature,
publié à compte d’au-
teur
. Ouvrage promis à un très grand
succès: les 198 pages de la première
édition seront 493 dans la 11
édition
parue en 1929!
Dans sa préface, B. Pasquet, directeur
Moniteur des Transports,
souligne
la complexité du labyrinthe des tarifs
spéciaux, à la fois trop nombreux
« le droit commun ne trouve pour
ainsi dire pas d’application dans ces
transports, car les 3/100
des mar-
chandises voyagent seulement, sui-
vant les statistiques, aux conditions
des tarifs généraux »
– et trop her-
métiques –
« c’est un dédale et il
faudrait le fil d’Ariane pour ne pas
s’y perdre! ».
Plus tôt, en 1892, Lamy avait fondé
la Ligue commerciale et industrielle
pour l’amélioration des conditions de
transports par chemins de fer,trans-
formée peu après en une plus offen-
sive Ligue de défense contre les che-
mins de fer. Et à partir de 1895, il
édite un
Bulletin des Transports,
d’une
longévité exceptionnelle, toujours
publié sous le titre modernisé de
Bul-
letin des Transports et de la Logistique.
Autant de poil à gratter lancé aux
compagnies par une petite entreprise
familiale qui proliférera dans ses publi-
cations de référence dédiées notam-
ment aux divers modes de transport.
Dans l’
Annuaire du Commerce Didot-
Bottin 1895,
à Paris, sous la rubrique
« Contrôle des lettres de voitures de
chemins de fer », on compte six offi-
cines: l’Agence générale des Gobe-
lins, Dumars, F. Gardel, Lafontaine et
Parade, L. Lamy et la Société pari-
sienne de détaxe. Basé 56, rue Meslay,
il existe même unSyndicat des
expéditeurs et des destinataires par
chemins de fer: l’abonnement annuel
de 25fr donne droit à la vérification
des lettres de voitures, à un carnet de
renseignements sur les transports et
à la défense des litiges…
Dans le
Bottin
de 1913, ces agences
ont proliféré, bien plus nombreuses
72-
Historail
Janvier 2014
MÉTIER DISPARU
Le plaidoyer de Lamy pour le recours
aux agences de détaxe
« La multiplicité des tarifs, l’ambiguïté des clauses qu’ils contiennent, le choix
des itinéraires, l’ignorance des agents que les compagnies préposent à l’établissement
et même à la rectification des taxes, et enfin l’intérêt personnel si bien traduit
par l’adage “ce qui est bon à prendre est bon à garder”, expliquent et les erreurs
commises par les compagnies et la peine qu’on a à leur faire restituer les sommes
qu’elles ont indûment perçues.
Il faut être supérieurement outillépour les amener là, non pas seulement au point
de vue des tarifs, mais encore à celui de la jurisprudence, afin de lutter avec succès
contre les fins de non-recevoir, souvent équivoques, que les bureaux des compagnies
opposent avec habileté d’ailleurs, même aux réclamations les plus légitimes.
C’est pourquoi l’insuccès des particuliers est si général qu’ils n’arrivent à se faire
restituer leur bien indûment pris et indûment retenu, qu’en recourant aux lumières
des agences de détaxe. »
(Lamy,
op. cit.,
p.190)
Des manuels au service
d’intérêts opposés.
Coll. G. Ribeill
maintenant, se recoupant sous trois
rubriques professionnelles:
Détaxe de
lettres de voitures de chemins de fer:
18;
Contrôle de lettres de voitures de
chemins de fer:
27;
Vérification des
lettres de voitures:
15. Les plus impor-
tantes se retrouvent dans le
Bottin
1924, respectivement 16, 18 et 21;
tels l’Office général de détaxe et
contentieux de L. Charton fondé en
1880, ou La Taxefondée en 1894.
En 1925, L. Lapeyre publie
Le Petit
Vade-Mecum des transports, vérita-
ble guide des transporteurs et des
expéditeurs, indispensable aux usa-
gers du chemin de fer…
Cette bro-
chure de 24 pages imprimée par
Chaix contient deux pages pleines de
publicité pour la Société de recueils
de prix des transports A. Pouey et ses
fils qui propose à ses clients non pas
un contrôle
a posteriori
, mais bien une
assistance en amont, le calcul le plus
avantageux des tarifs
(voir p. 76)
D’autres placards publicitaires éma-
nent de La Taxe précitée,spécialiste
des
«taxes, détaxes et litiges pour le
compte des ministères de la Guerre
et des Colonies »
, d’H. Dervin à Bry-
sur-Marne, ou de l’Office de litiges,
détaxes et renseignements à Limoges.
La complexité des tarifs
justifiée avant guerre
Victor Mittre, commissaire de surveil-
lance administrative des chemins de
fer, dans son précieux manuel
Droit
commercial des chemins de fer
paru
juste avant guerre (Berger-Levrault,
1912), rappelle les fondements de la
complexité des tarifs:
« Sans doute,
s’il ne s’agissait que de faire un juste
départ entre les demandes du public
et la résistance que leur opposent
parfois les compagnies, on pourrait y
parvenir souvent; mais il faut encore
concilier entre eux les
desiderata
des régions, des villes, des indus-
tries, des maisons concurrentes;
éviter de favoriser les vins d’Al-
gérie, de Bordeaux ou de Sau-
mur au détriment de ceux du
Narbonnais, de Bourgogne ou
de Champagne; mettre d’ac-
cord la toile de Flandre et la
toile de Bretagne, la Picardie
avec l’Auvergne, le Nord avec
le Midi. »
À cette époque, les seules publi-
cations (non officielles) que sont
les deux
Recueils généraux des
tarifs des chemins de fer et de
leurs correspondances
, édités
par la maison Chaix, volumes
in-folio
très compacts, comp-
tent 676 pages pour les tarifs
GV et 1752 pages pour les
tarifs PV!
« On conçoit que les
personnes non familiarisées
[ aux prises avec le maquis des tarifs marchandises, les agences de détaxe]
À l’adresse
de ses clients,
l’agence La Taxe
confie ce bulletin
simple à remplir.
«Le Bottin» 1913
de Paris ne propose
pas moins
de 18 agences
de détaxe!
Coll. G. Ribeill
Janvier 2014
Historail
avec ces publications éprouvent
quelque hésitation, on pourrait dire
un véritable effroi, à la seule pensée
d’y faire des recherches »
, juge Mittre
(p. 444).
Le dédale des tarifs tient en particulier
à ce qu’une marchandise
acheminée sur plusieurs
réseaux successifs d’inté-
rêt général ou local, à
défaut de tarifs com-
muns, sera donc tribu-
taire d’une succession de tarifs
variés qui leur sont propres: tarifs
généraux et tarifs spéciaux.
Rappelons aussi qu’à la demande
expresse ou non du client, la compa-
gnie est tenue de retenir l’itinéraire
le plus court entre la gare de départ et
la gare d’arrivée pour le calcul de la
taxe et du délai, même si elle n’est pas
tenue de l’emprunter. Matière à
erreurs, d’autant plus que certaines dis-
tances sont fictives: ainsi, suite à une
convention du 1
mai 1863, la Com-
pagnie du Midi n’ayant pas obtenu la
concession d’une propre ligne de Cette
à Marseille de 160km, à titre de com-
pensation, le PLM lui décomptera ces
160km pour un acheminement sur les
178km sur sa propre ligne!
Le Service des réclamations
des compagnies,
un contre-feu?
Dans ce climat d’adversité que ces
agences entretiennent contre les
réseaux, les compagnies disposent de
services de réclamations et de
contentieux compétents et aguerris
aux contestations des agences de
détaxe. Charles Calot, docteur en
droit, accède rapidement à la tête du
Service des réclamations au PO, un
poste de confiance. Il
publie chez Delagrave
en 1929 un
Manuel
pratique, « aperçu d’en-
semble sur les princi-
paux modes de trans-
port et leur utilisation commerciale »,
qui se veut rassurant,
Les transports
commerciaux
Les principes de la
taxation ferroviaire y sont exposés en
une vingtaine de pages, illustrés par
quatre calculs simplifiés de tarifs.
Retenons de la préface de Richard
Bloch, ingénieur en chef honoraire
au PO, qui avait été un éminent spé-
cialiste de la tarification, la manière
positive de présenter la mission du
service voué à répondre aux contes-
tations des clients:
« Contrairement
à ce que certains pensent, le Service
des réclamations d’un grand réseau
ne consiste pas dans une sorte d’or-
ganisation de la chicane pour les dis-
cussions des litiges avec le public. Bien
au contraire, ce service doit être dirigé
dans un esprit de conciliation propre à
amener surtout des solutions amia-
bles. Ainsi comprise, cette direction
réclame de son chef des qualités spé-
ciales d’intelligence et de tact. On
peut mesurer les résultats en consi-
dérant que pour le réseau où M. Calot
dirige ce service, sur une dépense
totale de 20millions payés pour
indemnités sur réclamations relatives
aux transports de marchandises,
700000francs, soit 3,5% seulement,
ont été réglés par voie contentieuse. »
Surtout, les motifs chroniques de
contentieux, rappelle Bloch, doivent
inspirer des correctifs:
« Une autre
mission non moins importante
incombe au chef du service des récla-
mations dans une grande industrie;
on peut en effet le considérer comme
placé à un poste de veille d’où il per-
çoit tous les incidents donnant nais-
sance à des réclamations litigieuses
74-
Historail
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MÉTIER DISPARU
1920, une nomenclature
des marchandises simplifiée?
La grande réforme tarifaire de 1920 a bien simplifié les calculs: chaque tarif spécial
est à la fois intérieur et commun, c’est-à-dire qu’il s’applique aussi bien aux transports
effectués à l’intérieur de l’un des grands réseaux qu’aux transports échangés
d’un réseau à l’autre. Par ailleurs, les tarifs spéciaux PV sont regroupés en 30 familles,
plutôt éclectiques:
Groupage
15-115Résines et bitumes, huiles minérales
et combustibles liquides
1-101Animaux vivants
16-116Corps gras et leurs dérivés
2-102Céréales, farines, graines, légumes secs,
17-117Matières tannantes et tinctoriales
pâtes alimentaires, pommes de terre
3-103Denrées, fruits, légumes, produits de laiterie18-118Produits chimiques
4-104Sel gemme, sel marin
19-119Papiers, cartons et matières servant
à la fabrication de ces produits
5-105Betteraves, sucres, mélasses, textes réunis
20-120Tissus et textiles
et glucoses
6-106Boissons
21-121Produits céramiques, verrerie
7-107Combustibles minéraux
22-122Amendements, engrais
8-108Combustibles végétaux
23-123Arbres, arbustes vivants, fourrages, paille,
plantes médicinales, plantes vivantes, etc.
9-109Bois de construction, etc.
24-124Mobiliers, objets manufacturés, etc.
10-110Chaux, ciment et plâtre
25-125Emballage vides
11-111Matériaux de construction
26-126Emballages vides en retour
12-112Pierres et terres servant aux arts et métiers
27-127Dépouilles d’animaux et produits accessoires
13-113Minerais
28-128Matériel d’entrepreneurs de fêtes,
de chemins de fer, de tramways, voitures
14-114Produits métallurgiques
29-129Trains complets
La compagnie est tenue de retenir
l’itinéraire le plus court.
Janvier 2014
Historail
de la part des usagers. De tels inci-
dents, quand ils se répètent, sont, le
plus souvent, l’indice de défauts sur
lesquels l’attention se trouve ainsi
appelée et auxquels on peut dès lors
chercher des remèdes. »
G. R.
1. Sur ces débats, voir G. Ribeill,
« La question des tarifs ferroviaires de
marchandises sous le Second Empire:
débats et conflits d’intérêts »,
Revue
d’histoire des chemins de fer,
hors série
n°3, 1992, pp. 41-58.
2. Victor Emion,
Manuel pratique
ou Traité de l’exploitation des chemins
de fer,
Eugène Lacroix, 1865, Tome 2,
Marchandises,
pp. 44-45.
3. Il semble prendre la relève
d’un ouvrage de même nature, signé
d’un licencié en droit: Ernest Protat,
Litiges et réclamations en matière
de transports par chemins de fer.
Commentaire pratique de la loi
du 11 avril 1888,
Chaix, 1
re
édition,
1889; 3
e
éd., 1895; 4
e
éd., 1897;
5
e
éd., 1901, 270 p.
4. Outre sa thèse de droit déjà
spécialisée («Des industries accessoires
au contrat de transport par chemins
de fer», Bordeaux, 1905), il publiera
encore en 1947 «Le droit commercial,
appliqué au transport par chemin
de fer»,dans la collection que la
maison d’édition Léon Eyrolles destine
aux cadres de la SNCF.
Deux exemples de taxation en 1929, plutôt simples…
(Calot,
op. cit.,
a) Expédition de 10 fûts de vin, 2500kg, de Bordeaux-Bastide à Tours.
Distance: 347km. Les vins en fûts sont taxés à la 3
série du tarif général, mais le tarif spécial PV 6-106
contient une tarification plus réduite par le jeu d’un barème spécial appelé n°4, et dont le prix
à 347km est de 35,10fr par tonne, plus 6 fr de frais accessoires; le prix total, 41,10 fr par tonne
et multiplié par le poids, est frappé de la majoration et de l’impôt. On ajoute ensuite 2,85 fr de timbre
et d’enregistrement.
b) Expédition d’un wagon de houille, 10 tonnes, de Lens à Dijon-Ville.
Distance: 519 km. La houille transportée par wagon de 10 tonnes est taxée au prix du tarif spécial
7-107, dont le chapitre IV est spécialement réservé aux combustibles en provenance des mines du Nord.
Ce chapitre comporte un barème particulier dont le prix, à 519km, est de 13,10 fr; comme le transport
est effectué sous le régime du wagon complet avec manutention obligatoire par l’expéditeur
et le destinataire, il n’est ajouté au prix précité que 1,60 fr pour frais de gare. Au prix total par tonne de
14,70 fr, multiplié par le poids s’appliquent la majoration et l’impôt et s’ajoutent pour droits de timbre
et d’enregistrement 2,70 fr (et non 2,85 fr parce que la houille est classée dans la 6
série au tarif général).
Transportée par wagon de 20 tonnes, la houille bénéficie d’une réduction de 3% calculée comme suit:
Prix initial (dans le cas précité): 13,10 fr – 3% =12,70 fr +1,60 fr =14,30 fr par tonne.
La Taxe conseille
une scierie
de l’Yonne pour
l’expédition
de planches
à Suresnes.
Coll. G. Ribeill
76-
Historail
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MÉTIER DISPARU
Le
Recueil Pouey,
un outil précieux
pour trouver les meilleurs
tarifs marchandises
Inversement aux agences de détaxe
qui interviennent auprès des expéditeurs après
l’acheminement de leurs marchandises,
une entreprise familiale bordelaise propose
un service personnalisé: une aide au calcul du
montant le plus économique des taxes dues.
Q
uatre générations se sont suc-
cédé à la tête d’une entreprise
familiale bordelaise
, longtemps spé-
cialiste d’un service d’aide aux expé-
diteurs réguliers de marchandises
par rail, confrontés à un indéniable
labyrinthe tarifaire. Antonin Pouey
(1860?-1929), béarnais de souche,
« monte » à Bordeaux. Après avoir
occupé divers postes à la Compagnie
du Midi, il la quitte en 1884 pour fon-
der une entreprise de service
: il fut
« l’un des premiers en France et
même en Europe, à penser qu’il fallait
aider les industriels et commerçants
dans l’organisation de leurs services
de transports. C’est ainsi qu’il créa,
avec un de ses frères décédé préma-
turément, la Société des recueils de
prix de transports et de jurisprudence
qui édite un bulletin périodique, le
Recueil de jurisprudence
contenant
des conseils de droit en matière de
transports».
Sans doute, l’arrivée dans la Maison
Pouey et Cie des deux fils d’Antonin,
son fils aîné Georges (1898-1978) en
1920, rejoint en 1924 par André
(1902-1976), a-t-elle insufflé ainsi un
nouveau souffle commercial. En 1925,
un bureau est ouvert à Paris, 11, rue
de Madrid, plus tard à Marseille,
141,boulevard Blancarde. En 1930,
Georges prend la direction de la firme
Les Fils de A. Pouey et Cie.
Peut-être la Maison Pouey profita-t-
elle de la réforme des tarifs de 1920
orientée vers une certaine simplifica-
tion et normalisation des divers tarifs,
pour proposer aux expéditeurs régu-
liers de marchandises par rail, qu’ils
soient commerçants, industriels, arti-
sans ou agriculteurs, un service d’aide
pour le calcul des tarifs appropriés à
leurs envois: gamme des tarifs les plus
avantageux appropriés à leurs mar-
chandises, expédiées depuis leur pro-
pre gare jusque dans les 30000 et
quelques communes de France! L’idée
très originale et fort pratique valut à
Pouey deux médailles d’or, l’une en
1920 à l’exposition nationale de Metz,
l’autre à l’exposition coloniale de Mar-
seille de 1922.
Cette activité conforta le développe-
ment de l’entreprise durant l’entre-
deux-guerres. L’entreprise doit aban-
donner des bureaux éclatés dans
Bordeaux
pour s’installer définitive-
ment au 57, rue de Soissons, dans un
grand immeuble doté d’un vaste hall
regroupant les employés.
Comment échapper
au maquis des tarifs
ferroviaires marchandises?
À la demande de tel expéditeur, la
Maison Pouey se proposait de lui
confectionner un recueil spécial indi-
quant le prix de transport «
le plus
réduit»
applicable à toutes ses mar-
chandises et au départ de sa gare
d’embarquement. Cet expéditeur
recevait ainsi deux forts albums car-
tonnés:

primo,
un exemplaire de l’
Annuaire
général Pouey des gares desservant
toutes les communes de France:
livre de 519 pages
indique en effet,
pour chaque commune de France, la
«gare de desserte la plus proche»
(parfois deux gares), qu’elle soit acces-
sible par un chemin de fer d’intérêt
général ou d’intérêt local, la distance
kilométrique à cette gare étant indi-
quée. Chacune des cartes départe-
mentales du
Recueil Pouey
étant
découpée en 3 x 3 carreaux (de A1 à
C3), il était facile de situer telle gare X
codée B3 par exemple. L’Annuaire
précise en premier lieu si cette gare
est apte à recevoir des colis postaux
livrés en
gare
(G), ou à
domicile
(D),
ou livrables en
poste restante
(PR), ou
Coll. G. Ribeill
Un cartonnage
solide et entoilé
pour le «Recueil
Pouey
de 1932, un
précieux document
souvent manipulé.
82-
Historail
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CURIOSITÉ
le service va se restreindre peu à peu
pour se limiter à la desserte des car-
rières de Lézignan-la-Cèbe et Nizas.
Au sud de Pézenas, elle est exploitée
(si l’on peut dire) par vélo-rail depuis
Saint-Thibéry. Entre Vias et Florensac,
la carrière des Roches Bleues a
obtenu de RFF une réhabilitation de la
ligne pour assurer le transport de sa
production.
Et l’archéologie dans tout ça? À
l’époque où le démantèlement de la
ligne n’était pas encore à l’ordre du
jour, l’idée d’un musée ferroviaire à
germé auprès de quelques-uns des
amateurs de chemin de fer de la
région. La gare de Lodève excentrée
au sud de la ville offrait un cadre
idéal à ce musée. À partir de cette
idée, on a commencé à imaginer y
rapatrier du matériel roulant emblé-
matique des chemins de fer de la
région. Le choix s’est porté en pre-
mier sur unautorail Bugattisural-
longé ex-PLM.
Ce matériel a longtemps fait figure
de confort et grande vitesse sur le
réseau français. Construit à partir de
1933, l’autorail Bugatti connaîtra plu-
sieurs versions, simple, double ou tri-
ple caisse, allongées et surallongées.
Trois réseaux en réceptionneront,
l’Alsace-Lorraine, l’État et le PLM.Les
surallongées PLM de 400CVfurent
livrées au nombre de 10 à partir de
1937 et finirent leur service au dépôt
de Nice en 1958. Longues de
25,306m elles pouvaient transpor-
ter 64 à 78 voyageurs à la vitesse de
pointe de 153km/h, une perfor-
mance pour l’époque.
Après leur retrait du service, elles vont
connaître des fortunes diverses. Celle
qui devait se retrouver en gare de
Lodève a longtemps été stationnée à
Bédarieuxsur l’axe Béziers-Neus-
sargues. Elle servait de dortoir pour
les équipes de travaux et d’équipe-
ment, quand ce n’était pas tout
simplement de cage à poules. Ce
matériel prestigieux méritait une fin
plus honorable et il fut finalement
racheté par des amateurs (l’Associa-
tion des trains de l’amitié) en vue de
Coll. Ph.-E. Attal
De haut en bas:
la gare de Lodève en mai1960;
chargement d’un train en gare de Lodève
en mai1960;
carte Chaix des réseaux d’intérêt général
et local de la région de Montpellier
aux environs de 1925.
Photos H. Vincenot/Photorail
L
es utilisateurs des transports en
commun se sont habitués, un peu
résignés, à ces noms cocasses répé-
tés par appels sonores aux arrêts. On
ne s’étonne presque plus de ces
appellations singulières, comme cette
station La Ferme sur le T1 parisien qui
résonne presque comme une injonc-
tion plutôt qu’un lieu de production
agricole. On entend à peine en lisant
son journal ou en tapotant son smart-
phone ces noms étranges, ces com-
binaisons improbables entre un géné-
ral d’Empire et un lieu-dit. La plupart
du temps, ces stations ne suscitent
que peu d’intérêt de la part des voya-
geurs. Comment d’ailleurs en savoir
davantage? Certains petits curieux
ont par leurs interrogations conduit
quelques érudits à se pencher sur ces
appellations étranges, tout comme
il existe pour les grandes villes des
dictionnaires du nom des rues. S’il est
difficile de s’engager dans une
nomenclature expliquée des arrêts de
bus de chacune des lignes des innom-
brables réseaux de notre pays, les
grands modes pouvaient facilement
se prêter au jeu. À Paris, le métro avec
ses 303 stations était sans doute le
plus simple à répertorier. Bien souvent
la station du métro renvoie à la rue
en surface dont il est facile de déter-
miner l’origine du nom: Buttes-Chau-
mont devant le parc, Champs-Élysées-
Clémenceau au cœur de la célèbre
avenue, Gare-du-Nord au pied des
voies. Mais bien sûr, le jeu n’est pas
si simple et bien souvent on se
demande si cet Oberkampf est un
évêque ou une victoire napoléo-
nienne, si Monge honore un homme
politique ou un lieu-dit ou encore si
les Filles du Calvaire ont tant souffert
que ça. Bien souvent la petite histoire
renvoie à la grande et s’interroger sur
l’origine d’un nom nous conduit à
nous replonger dans les manuels
d’histoire rangés depuis longtemps
dans leurs bibliothèques.
L’intérêt d’un historien comme Pierre
Miquel pour le métro reflète cette idée
que l’Histoire est partout présente
dans les sous-sols parisiens. Dans la
Petite Histoire des stations de métro,
il remet en perspective ces lieux et ces
personnages plus ou moins illustres,
reconnus ou oubliés qui, chacun à leur
manière, ont laissé une trace dans la
postérité. L’anecdote et le fait divers
trouvent ainsi leur place aux côtés des
grandes pages de notre histoire.
L’amateur de chemin de fer y trouve
également son compte, chaque ligne
bénéficiant d’un petit historique sur
sa constitution.
L’auteur met habilement en avant cer-
tains des aspects obscurs de la dési-
gnation du nom des stations. Ainsi à
son insu, le métro parisien parfois
s’engage en politique, prend partie,
faisant des choix irrévocables dans la
célébration de son propre panthéon.
Dans le préambule de l’ouvrage, l’au-
teur met le doigt sur certaines des plus
flagrantes contradictions. Si certains
noms prestigieux figurent bien au
nombre des élus, d’autres tout aussi
illustres sont restés oubliés. Si Victor
Hugo ou Voltaire sont à l’honneur, pas
de station Racine, pas de Corneille ni
même Molière dont on utilise pour-
tant le nom pour désigner notre belle
langue française. La même injustice
se retrouve chez les généraux, les
hommes politiques, les savants…
Foch, le généralissime de la Grande
Guerre, est honoré dans le RER, de
même que Gallieni le sauveur de Paris
tandis que Joffre le vainqueur de la
Marne a été oublié. Les présidents de
la République ne sont pas mieux lotis.
La mort cocasse de Félix Faure à
l’Élysée dans les bras de sa maîtresse
n’a pas empêché l’attribution de son
nom à une station de la ligne 8. Sous
République seuls de Gaulle et
Mitterrand sont reconnus, le premier
accolé à la place de l’Étoile et le
84-
Historail
Janvier 2014
LIVRE
Quand l’Histoire
prend le métro
Dans une nouvelle édition de la
Petite Histoire
des stations de métro,
Pierre Miquel
nous apprend comment la petite
et la grande histoire se côtoient avec
bonheur dans les sous-sols parisiens.
second à la faveur de la grande biblio-
thèque qu’il a initiée.
On pourrait penser qu’il s’agit sim-
plement du hasard, que la bonne rue
s’est trouvée en surface tandis qu’on
cherchait le nom d’une nouvelle sta-
tion, mais rien n’est jamais aussi sim-
ple qu’il y paraît. Pierre Miquel met
habilement le doigt sur l’engagement
politique du métro. La III
République
va ainsi donner souvent l’avantage
aux révolutionnaires et aux républi-
cains plutôt qu’aux figures mar-
quantes du second Empire. L’ancien
régime est lui aussi en partie ignoré
au profit de personnalités comme
Robespierre, Jaurès ou Louis Blanc. Et
c’est souvent dans l’est parisien qu’on
retrouve ces hommes de gauche
comme le colonel Fabien ou Gam-
betta. Et que dire des mariages de rai-
son, Barbès-Rochechouart qui allie
pour l’éternité le révolutionnaire d’ex-
trême gauche à la mère abbesse de
l’abbaye de Montmartre? Le métro
n’est pas avare de ces contradictions.
Que fait Saint-Sébastien martyrisé en
288 avec le chroniqueur du XIV
Froissard? Même question pour Fai-
dherbe, conquérant du Sénégal, par-
tenaire des fondeurs Chaligny célè-
bres sous la Renaissance. D’autres
sont accolés à des lieux où ils n’ont
probablement jamais mis les pieds.
Le savant Réaumur n’est sans aucun
doute jamais allé en Ukraine voir le
port de Sébastopol.
Dans un premier ouvrage publié en
1993, Pierre Miquel s’était délecté à
nous raconter cette petite histoire de
France à travers le métro. Depuis, le
réseau s’était passablement étendu,
la ligne 14 faisant son apparition de
même que la ligne E du RER. Une
mise à jour s’imposait et c’est Mary-
vonne, l’épouse même de l’historien
disparu en 2007, qui a repris l’ou-
vrage. Sa collaboration a permis de
compléter certains des textes des sta-
tions et d’y ajouter de nouvelles lignes
comme la 14 pour le métro ou encore
les A, B, C, D et E du RER. De nou-
velles stations ont également fait leur
entrée, ouvertes sur les divers pro-
longements intervenus comme la
ligne 13 vers Les Courtilles ou 12 vers
Aubervilliers. C’est donc un ouvrage
assez complet que retrouve le lecteur
en attendant de futures extensions,
(sans oublier le Grand Paris Express)
qui justifieront dans 20 ans peut-être
une nouvelle édition.
Ph.-E. Attal
Janvier 2014
Historail
Un ouvrage de 288 pages au format 12cm x 22cm.
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86-
Historail
Janvier 2014
BONNES FEUILLES
Les effectifs et carrières
des locomotives à vapeur
Les unifiées de la SNCF – La Région Est
Bernard Collardey a pris soin d’établir des jeux de fiches par régions
et par séries retraçant la carrière des engins depuis leur origine,
avec leurs mutations successives, en remontant le plus loin possible
et en relevant certaines de leurs particularités. De ce fait, les
locomotives de la catégorie unifiée nées entre 1940 et 1952 présentent un panégyrique
intégral, alors que pour les catégories régionales intégrées à la SNCF, le point de départ est
généralement 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Ci-dessus: à La Chapelle le 8mai 1954, la 241 P 30 se trouve dans le dépôt
où elle est affectée du 28octobre 1951 au 15janvier 1959. (F. Fénino/Photorail – SNCF©)
Ci-contre: le mécanicien de la 230 K 269 au fuel, surnommée «baleine», pose de la cabine
de sa locomotive le 21avril 1953. (C. Dubruille/Photorail – SNCF©)
Le tomeI recouvre trois grandes catégories de locomotives vapeur:

les types de locomotives unifiées, étudiées et construites entre
1940 et 1952 par la SNCF;

les machines de guerre, c’est-à-dire celles destinées à l’Allemagne,
construites en France et confisquées à la Libération;

les machines de la Région Est émanant de la Compagnie de l’Est et
du réseau d’Alsace-Lorraine intégrées au parc de la SNCF en 1938.
Pour les locomotives unifiées associées aux machines de guerre, ainsi
que pour celles de la Région Est, l’ouvrage comporte deux volets
distincts:

des tableaux reprenant la carrière intégrale par série, machine par
machine avec le cas échéant renumérotation, transformation, mise
en service, mutations interrégionales et amortissement;

des tableaux reprenant les mutations successives.
La lecture des tableaux est facilitée par le format généreux de
l’ouvrage (275 x 365mm).
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l’histoire de la ville et nous plongent dans un voyage
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À la manière du livre «Les diesels en couleurs»,
cet ouvrage tout en couleurs montre la traction
électrique dans le paysage ferroviaire français
de 1950 à 1970 et laisse la part belle à l’image.
Au début des années 1950, l’évolution
de la traction électrique place la France
à la pointe du progrès et de la modernité.
Le pays renaît et en cette période de
reconstruction, l’évolution des locomotives,
l’élimination progressive et inéluctable
de la traction vapeur ainsi que l’avènement du
monophasé bouleversent le paysage ferroviaire.
L’ère des trains toujours plus rapides, toujours
plus lourds, capables d’atteindre des vitesses
inconnues jusqu’à alors commence. La première
électrification d’importance de la ligne de Paris
à Lyon réalisée à partir de 1949 conjointement
à la réussite de l’électrification en 25kV/50Hz
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